Petite “géopolitique" de la FOAD

De son apparition à la fin des années 1990 à son ancrage dans le paysage de la formation professionnelle français en 2008, le concept de “formation ouverte et à distance" a vu son périmètre fluctuer. Rappel, par le président Jaques Bahry, du destin de la FOAD.

Par - Le 16 avril 2008.

En près de vingt ans, le concept a évolué. Pourquoi ? D'abord en raison de son “flou sémantique", qui favorise les interprétations multiples en même temps qu'il permet de rester au contact de la “réalité changeante". Un mérite qui n'empêche cependant pas Jacques Bahry d'interroger la pertinence de l'expression. Premièrement, en raison même du terme de “formation", trop réducteur au regard de l'anglais “learning" qui traduit mieux selon lui “le fait d'apprendre" et renvoie donc à une situation “centrée sur l'individu". Deuxièmement, parce que l'expression “FOAD" ne dit rien de la dimension technologique sur laquelle s'appuient pourtant les dispositifs s'y rattachant. Et de s'interroger sur l'opportunité de se rallier à la notion de “technology supported learning"[ 1 ]Que l'on pourrait traduire par “apprentissage assisté par les technologies" - qui renvoie curieusement à l'“EAO" des années 1980. actuellement en vogue aux États-Unis. Ensuite, parce que la particularité de notre système de formation professionnelle contribue également à fixer les frontières de la FOAD. En témoigne la circulaire DGEFP du 20 juillet 2001 sur l'imputabilité, qui l'a “cantonnée au périmètre de la formation professionnelle continue" au moment même où elle lui accordait la “légitimité fiscale" qui lui faisait défaut aux yeux des financeurs. Une sorte de victoire à la Pyrrhus, donc, qui s'est traduite par “l'exclusion du registre de la FOAD" de modalités qui lui sont pourtant naturellement attachées, à l'instar de l'“autoformation". “Bref", résume Jacques Bahry, “le bonheur d'être imputable se paie de frontières qui ne s'accordent pas avec l'évolution technologique."

Des frontières qui n'ont cependant rien d'intangible, si l'on en croit Jacques Naymark, vice-président du Fffod, qui recourt, lui, à la notion de “porosité". La FOAD n'est pas un objet “à part" mais un élément “paroxystique" du monde de la formation et de la société en général. Selon lui, la FOAD n'est ainsi “ni un outil ni une modalité, mais une combinatoire spécifique" entre des données multiples que sont “les Régions, les secteurs professionnels, les temps synchrones ou asynchrones, les lieux de formation, l'individuel, le collectif, etc."
“La question qui se pose, explique-t-il, ce n'est pas celle de l'intégration de la FOAD, mais celle de l'impact de l'intégration des technologies numériques sur la porosité des frontières" : où placer la limite entre “se former et s'informer", “jouer et apprendre", “travailler ou apprendre dans le réel et travailler ou apprendre dans le virtuel" ? “L'impact des TIC remet en question le périmètre et les fondamentaux de ce que l'on appelle la formation formelle".

“Le vrai sujet, selon Jacques Bahry, c'est apprendre mieux et plus vite", ce qui passe par l'association de “compétences variées et complémentaires". Un discours tenu contre vents et marées lors de la création du Fffod en 1995, mais qui devient “majoritaire aujourd'hui, grâce au succès des formules mixtes". “Un contexte favorable", note-t-il, “qui pose la question des orientations futures du Fffod". Devant des “besoins de formation à la fois individualisés et massifs dans toute la société", apparaissent de nouvelles questions liées au positionnement de la FOAD. “Peut-il y avoir aujourd'hui une bonne ingénierie de formation sans FOAD ?", “Peut-on concevoir un bon expert en ingénierie de formation qui n'aurait pas de compétences en FOAD ?", “La FOAD est-elle destinée à être complètement intégrée dans la formation, ou bien doit-elle s'intégrer dans les GRH, comme la formation s'y intègre ?", etc.

Autant de questions sans réponses immédiates – elles ne pourraient être que collectives –, mais qui n'entraînent cependant que peu de suspense quant à l'avis de la communauté des 7es Rencontres. À commencer par son président, qui croit fermement en la capacité des “experts FOAD" à se placer “à la jonction de l'e-GRH et du knowledge management". C'est-à-dire un positionnement pleinement en phase avec le mouvement actuel de rapprochement du monde de la formation et des ressources humaines... ou comment démontrer que nous avons là des professionnels tout prêts de récolter ce qu'ils ont semé depuis l'irruption d'internet.

Notes   [ + ]

1. Que l'on pourrait traduire par “apprentissage assisté par les technologies" - qui renvoie curieusement à l'“EAO" des années 1980.