FOAD et évaluation : pourquoi, comment ?

En introduisant la rupture de l'unité de lieu, de temps et d'action, la FOAD a très tôt relancé la problématique de l'évaluation. Une pratique dont les enjeux vont bien au-delà du simple contrôle.

Par - Le 16 avril 2008.

“Évaluer quoi, pour quels usages ?", le titre de la conférence introductive de la seconde journée des Rencontres, “veut dire que l'on n'évalue pas quelqu'un, mais le résultat visible de son activité", indique Frédéric Haeuw, responsable du pôle Recherche et ingénieries à l'Institut Fepem de l'emploi familial. Mais pour préciser aussitôt, en formulant deux hypothèses, que l'évaluation n'est pas pour autant un processus neutre. Premièrement, “toute situation d'évaluation comporte, pour l'ensemble des acteurs concernés, des enjeux implicites et non réductibles, qui dépassent les intentions initiales de l'évaluation" ; deuxièmement, parce que “la méthodologie de l'évaluation vise à minimiser la personnalisation du jugement, sans pouvoir prétendre à la réduire autrement." S'agissant des pratiques concrètes, Frédéric Haeuw identifie quatre niveaux d'évaluation en entreprise, aux conséquences croissantes pour l'organisation et le salarié. Le premier niveau vise à “construire et améliorer l'offre de formation", le second à “piloter la formation", le troisième à “attester la compétence" et le dernier à “améliorer la compétence individuelle et collective".
Sujet d'actualité, la problématique de l'évaluation est bien sûr largement impactée par les différentes réformes de la formation. Ainsi de la loi de modernisation sociale de juillet 2002 à l'origine du RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles), qui a fait évoluer le processus
d'évaluation d'une logique de qualification à une logique de compétences. De même avec l'accord national interprofessionnel de septembre 2003 qui a introduit les entretiens professionnels annuels. Un mouvement convergent en faveur de la GPEC, donc, qui conduit peu à peu à la fusion des RH avec la formation, combinée à l'utilisation de solutions empruntées au monde de la e-formation.

Un recours croissant aux technologies qui n'est pas sans inquiéter les salariés et partenaires sociaux qui y voient parfois une possibilité accrue de contrôle. Si le risque d'une utilisation détournée existe, reconnaît Frédéric Haeuw, on peut toutefois établir un parallèle avec le e-learning, qui reste encore parfois accusé de déshumaniser les dispositifs de formation, alors que le développement des solutions mixtes a au contraire permis de dynamiser les échanges.

Et de conclure au rôle finalement assez neutre des technologies mises en œuvre, leur usage dépendant étroitement de la finalité première : “recréer du sens et de la socialisation ou assurer le contrôle et sanctionner."

[(L'évaluation, une affaire de “perceptions croisées"

“Le résultat d'une évaluation n'a de valeur que s'il peut être discuté", c'est la conviction exprimée par Monique Bénaily, responsable adjointe de la formation du groupe BNP Paribas, lors de la table ronde intitulée “Quelles articulations entre évaluation, FOAD, individualisation et GPEC ?" Un sentiment directement issu des dispositifs d'évaluation mis en place au sein de BNP Paribas, aussi bien en direction de salariés confirmés que de débutants.
“Il faut faire attention, explique Monique Bénaily, à ne pas sacraliser le résultat proposé par l'outil." Une précaution qui vise à “réintroduire un acteur qui ait un rôle de médiation, de dialogue et d'orientation dans l'interprétation du résultat". Grâce à quoi le responsable de formation est en mesure “d'expliciter les parcours de professionnalisation proposés". En jeu, des “perceptions croisées" qui permettent de “référer les compétences identifiées à des situations contextualisées". Un objectif difficile, selon Adrien Ferro, consultant, qui, rappelant les travaux de Christophe Desjours, souligne que “tous les savoirs nés par la pratique du travail sont le plus souvent clandestins, entraînant presque toujours une évaluation déficitaire du travail."

Pour prendre en compte ce “delta entre le prescrit et le travail", Monique Bénaily souligne, pour sa part, la nécessité des “démarches d'ingénierie de professionnalisation. Il faut investiguer non seulement les attentes, mais surtout les pratiques professionnelles en situation." S'appuyant sur son expérience de prestataire, Michèle Guerrin, PDG d'Onlineformapro, souligne que si “l'évaluation n'est là que pour poser un diagnostic et mettre en place des actions", l'accueil souvent réservé par les partenaires sociaux à la mise en place de solutions d'évaluation en ligne montre une vraie “confusion entre évaluation et contrôle". D'où la nécessité, selon elle, “d'expliquer fortement la démarche d'évaluation" et d'être sans ambiguïté sur la question de “l'accès aux résultats". Une exigence de transparence que l'on retrouve chez Mohamed Hamrouni, secrétaire national CFDT à l'Afpa, qui rappelle que “l'évaluation n'a de sens que si la finalité est claire". L'ensemble des acteurs s'accordant sur la nécessité d'objectiver autant que possible le processus, Gilles Macchia, directeur FOAD au CFPB (Centre de formation de la profession bancaire) prône quant à lui la recherche du faisceau de convergences en invitant à “combiner les méthodes d'évaluation", voire à en rechercher de nouvelles. Et de citer en exemple des expérimentations de “simulateurs de situations professionnelles" actuellement conduites par son organisme. Avec l'avantage, selon lui, de sortir l'évaluation du “contrôle des pairs ou des hiérarchiques", sans pour autant recourir à de coûteuses expertises externes.)]