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Le projet Transfert lutte contre les discriminations liées à l'origine dans l'accès à la formation.

À la suite des incidents de novembre 2005, des initiatives ont vu depuis le jour pour améliorer l'accès à la formation de jeunes d'origine étrangère. Le projet Transfert, financé dans le cadre du programme Equal, vise à quantifier ces discriminations, et propose des outils aux entreprises accueillant des stagiaires.

Par - Le 16 février 2008.

Le taux de chômage dans les “zones urbaines sensibles" atteint parfois 40 %, les jeunes de 16 à 25 ans d'origine étrangère étant particulièrement touchés par le phénomène. Parmi les 60 000 jeunes sortis du système scolaire sans qualification chaque année, la majorité est issue de l'immigration dite “visible", principalement venue du Maghreb ou de l'Afrique sub-saharienne.

Face à ces constats, la Fédération Leo Lagrange et ses partenaires – Unsa (Union nationale des syndicats autonomes), CJDES (Centre des jeunes dirigeants de l'économie sociale), UNL (Union nationale lycéenne) et Agapes restauration – se sont lancés dans le projet Transfert (Transfert des pratiques pour un accès non discriminatoire au stage et à la formation professionnelle), cofinancé grâce au deuxième appel à projet Equal (2004-2008) de la Commission européenne.

“Nous avons naturellement choisi ces partenaires pour leur connaissance de la gestion des ressources humaines (CJDES), leur expertise en matière de migrations (Unsa) et leur bonne connaissance des milieux éducatifs (UNL)", explique Christophe Berardi, directeur du projet Transfert à la Fédération Léo Lagrange.

Dans un premier temps, une enquête a été menée par l'institut de recherche et d'études Orseu (Office européen de conseil, recherche et formation en relations sociales)[ 1 ]www.orseu.com auprès de 4 000 élèves de lycées professionnels et d'apprentis en CFA étudiants en BEP, CAP, bac professionnel et BTS, sur leurs difficultés à accéder à des stages en entreprises. Cette enquête menée dans les départements du Nord-Pas-de-Calais, de l'Ain et de la Marne, concernait trois principales filières : le secrétariat-comptabilité, le commerce et le vente, ainsi que l'industrie. Il en ressort que si 23 % des enfants de parents nés en France connaissent des difficultés d'accès aux stages, ce taux monte à 33 % si l'un de leurs parents est né à l'étranger. Ces difficultés augmentent encore (39 %) pour ceux issus de parents nés au Maghreb ou en Afrique sub-saharienne. Une caractéristique encore accentuée pour les garçons, avec 45 % de difficultés pour les jeunes originaires du Maghreb et 53 % pour ceux d'origine africaine.

Face à ces difficultés d'accès aux stages de formation, indique l'enquête, le soutien des professeurs se manifeste de deux manières : une prise en charge de la recherche de stage au nom du principe d'égalité, et des actions plus pédagogiques visant à l'apprentissage des codes sociaux et professionnels en pratique dans l'entreprise et de ses exigences. Les employeurs sondés n'évoquent que très rarement des discriminations, mais bien plutôt l'exigence pour eux de recruter des personnes “s'exprimant bien et présentant bien".

Le programme Transfert a eu recours à plusieurs types d'outils : des labellisations “École sans racisme" pour les lycées, afin d'y faire émerger de bonnes pratiques et des interventions dans les établissements de jeunes volontaires formés par l'association Léo Lagrange dans le cadre de son programme “Démocratie et courage". “Six cents jeunes volontaires sont intervenus à raison de deux par établissement pour proposer des séquences d'animation théâtrale, des jeux de rôle. L'objectif est de lutter contre les préjugés, de faire comprendre le fonctionnement des processus de discrimination. Nous avons déjà essaimé ces formations à plus de 250 000 jeunes et à leurs enseignants. En 2008 nous estimons que ce programme aura touché un million de jeunes dans les trois pays où il est développé (Allemagne, France, Belgique)", anticipe Christophe Berardi.

Au sein des entreprises

Mais Transfert propose aussi plusieurs actions et outils destinés aux entreprises. Grâce au site de recrutement L4M.fr (Looking for mission)[ 2 ]www.l4m.fr, basé dans le Nord-Pas-de-Calais, il a été possible de concevoir des CV anonymes où les informations porteuses d'éventuelles discriminations, telles la civilité, les noms et prénoms, l'adresse, ou bien encore la photo d'identité ont été supprimés. “LM4.fr bénéficie d'une large audience sur toute la région, les offres bénéficient donc d'une visibilité importante, cet outil permet au candidat d'être confiant sur la transparence du processus de sélection, profil, expériences, formation", commente Christophe Berardi.

Le CJDES a apporté sa participation en concevant pour Transfert un outil d'auto-évaluation de la diversité dans les entreprises et organisations. Rompu à la question de la gestion des ressources humaines et à la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), le CJDES a conçu cet outil visant à évaluer d'éventuelles discriminations.

Cet outil, explique sa conceptrice, Catherine Bodet, chargée de mission en évaluation de la responsabilité sociale des entreprises pour le CJDES, “s'applique autant à la mesure des discriminations dans les actes spécifiquement « ressources humaines », tels que le recrutement ou l'avancement, qu'au niveau des produits et des services, et des personnels associatifs agissant en direction de certains publics". Le diagnostic complet comprend le niveau de performance général de l'organisation (valeurs, procédures, résultats), les procédures mises en œuvre et les résultats donnés. La performance est aussi mesurée par type de discrimination et par domaine (ressources humaines, produits et bénévoles d'association).

Testé en juillet 2007 auprès d'entreprises volontaires, cet outil devrait être proposé aux PME, notamment via la CGPME qui va le diffuser lors d'un colloque en régions autour des discriminations, en février prochain.

Notes   [ + ]

1. www.orseu.com
2. www.l4m.fr