Pierre Blanc : “27 000 entreprises bientôt demandeuses des diagnostics-conseils de l'Agefiph"

Pour les personnes handicapées en recherche d'emploi, les PME représentent un champ très large d'opportunités, c'est pourquoi l'obligation d'emploi a été étendue. Au risque de provoquer désarroi et interrogations dans les PME... L'Agefiph sera au rendez-vous pour informer et conseiller, assure Pierre Blanc, son directeur général.

Par - Le 01 juin 2008.

Inffo Flash - Comment l'Agefiph incite-t-elle les entreprises qui n'embauchent pas de personnes handicapées (essentiellement les PME) à le faire ?

Pierre Blanc - La loi pour l'égalité des droits et des chances, pour la participation et pour la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 augmente la contribution financière des entreprises situées en dessous du quota légal de 6 % de salariés handicapés par différents mécanismes. Dès 2006, cela s'est traduit pour les PME par la hausse de la contribution de 300 à 400 fois le Smic horaire par salarié handicapé manquant. De plus, chaque personne handicapée dans une entreprise compte désormais pour une unité.
L'effet combiné de ces deux mécanismes se traduit par une augmentation de la contribution de 40 % en moyenne. En ce qui concerne les entreprises qui sont à quota 0 % pendant plus de trois ans, elles verront leur contribution majorée à 1 500 fois le Smic horaire. Une entreprise qui verse déjà une contribution à 400 fois le Smic va écoper d'un ajout de 1 100 fois le Smic.
Au total, 27 000 entreprises vont se trouver dans cette situation d'ici 2010 : ce sont à 95 % des PME de 20 à 100 salariés, et à 80 % celles de 20 à 50 salariés. Il s'agit d'entreprises qui n'ont pas de fonction RH et pour lesquelles le recrutement de personnes handicapées ne constitue pas une priorité.
Le conseil d'administration de l'Agefiph considère d'ailleurs que la sur-contribution est très pénalisante sur le plan économique. Cependant, notre rôle consiste à apporter des compétences externes à ces entreprises. Cela vise à établir un diagnostic de l'entreprise pour aboutir à une action positive qui ne consiste pas forcément à recruter une personne handicapée. L'employeur peut remplir son obligation d'emploi en ayant recours à l'intérim ou en optant pour la prestation de services avec le milieu protégé. Notre mission est ici d'accompagner l'entreprise dans cette démarche. C'est un système “gagnant-gagnant" au sein duquel il s'agit d'offrir l'opportunité de faire valoir les compétences et les qualités des personnes handicapées dans l'entreprise.
Pour mener à bien cette mission, nous faisons appel à des prestataires habituels et nouveaux de l'Agefiph (cabinets conseil, entreprises de travail temporaire, réseau Cap Emploi, Medef territoriaux, etc.). C'est une opération à grande échelle et les 27 000 employeurs concernés seront contactés personnellement à ce sujet car il ne s'agit pas d'une campagne de communication de plus.

IF - Pouvez-vous préciser le contenu de la convention triennale 2008-2010 signée entre l'Agefiph et l'État le 20 février dernier ?

P. B. - Dans cette convention, nous poursuivons quatre objectifs qui répondent à des constats, c'est-à-dire des tendances lourdes contre lesquelles nous souhaitons nous inscrire. Tout d'abord, le déficit de qualification et de formation des demandeurs d'emploi   handicapés. Deuxièmement, la réduction de la durée d'emploi des personnes handicapées, car l'accès à l'emploi des personnes handicapées s'effectue de plus en plus sur des emplois précaires, et cette précarisation de l'emploi est due en partie au fait que l'État a réduit les CIE (contrat initiative emploi) dans le secteur privé. Or, ce contrat constitue un vecteur pour concrétiser l'embauche des personnes handicapées peu qualifiées et éloignées de l'emploi. Troisièmement, les carrières professionnelles des personnes handicapées ne sont généralement pas complètes. Les salariés handicapés se situent dans la tranche d'âge supérieur à 40 ans et ils sortent beaucoup plus tôt de l'emploi que l'ensemble des salariés. Le taux d'activité des personnes handicapées n'est plus que de 30 % entre 50 et 59 ans, contre 74 % pour l'ensemble des salariés. Enfin, quatrième point : certaines entreprises demeurent au quota 0 %...
Ces constats conduisent aux quatre objectifs poursuivis. Il s'agit d'abord d'améliorer le niveau de qualification des personnes handicapées à travers la mise en place de plans régionaux concertés d'accès à la formation professionnelle, prévus par la loi de 2005. Cela passe par une synergie des prescripteurs et des différents financeurs de la formation (État, Conseils régionaux, Assedic, Agefiph, etc.) qui doit déboucher sur une offre de formation en adéquation avec la demande des entreprises en termes d'offres d'emploi et celle des personnes handicapées en termes de qualification. Nous nous situons ici sur une problématique de partenariat.
Dans le cadre de la convention, l'Agefiph s'inscrit dans un programme complémentaire d'une durée de trois ans et doté d'une enveloppe de 455 millions d'euros (au-delà du programme courant de l'association). Ce programme comprend un service d'appui au projet professionnel par le biais des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ce service d'appui consiste à définir avec la personne handicapée, dès son inscription à la MDPH, un projet qui se déroule en grande partie en entreprise. Il comprend aussi plusieurs volets : accessibilité des lieux de formation, des entreprises, réduction des établissements à quota 0 %, etc.
En outre, une prime initiative emploi (PIE) est expérimentée par l'Agefiph, depuis septembre 2007, auprès des entreprises. Comme le CIE, la PIE s'adresse aux entreprises du secteur marchand embauchant des personnes handicapées présentant des difficultés particulières d'accès à l'emploi. Les contrats de travail éligibles doivent être des contrats d'au moins un an. Nous avons prévu d'en financer 30 000 sur les trois ans à venir.

IF - L'insertion des personnes handicapées dans le monde du travail est-elle en progression ?

P. B. - Fin 2007, les personnes handicapées dans l'emploi étaient au nombre de 725 000, soit une augmentation de 1,5 % par rapport à 2006 et de 6 % par rapport à 2004. Sur ces 725 000 personnes en activité, 581 000 se situent dans le milieu ordinaire de travail, avec 409 000 personnes dans le secteur privé, dont 314 000 dans les établissements assujettis à l'obligation d'emploi (plus de 20 salariés), et 172 000 dans le secteur public. Il y a aussi 33 000 travailleurs indépendants et 111 000 personnes qui travaillent au sein des établissements et services d'aide par le travail (Esat, ancien CAT).
Nous avons observé entre 2006 et 2007 une progression de 11 % de personnes handicapées placées par le réseau Cap Emploi, soit 53 800 personnes. Une autre progression concerne les créations d'activités (11 %) et les contrats de professionnalisation qui ont fait un bond de 40 %. Le niveau de qualification des personnes a d'ailleurs augmenté. Les personnes les plus formées accèdent à présent plus à l'emploi et à ce titre, il est nécessaire d'accentuer l'orientation prise par l'Agefiph d'accroître l'effort de formation des demandeurs d'emploi handicapés.

[(Emploi de personnes handicapées dans la branche formation
En mars 2007, les partenaires sociaux de la branche formation ont signé un accord de méthode visant à permettre un meilleur accès des travailleurs handicapés. La première étape a consisté à établir un diagnostic de la situation dans la perspective de la signature d'un accord de branche. Une étude, cofinancée par l'Agefiph, a donc été confiée à deux cabinets – Acmé et Plein Sens – dans l'objectif de recueillir des données quantitatives sur le nombre et la nature des emplois occupés par les travailleurs handicapés et à analyser les freins ou, au contraire, les facteurs favorables au recrutement ou au maintien dans l'emploi des ces travailleurs.
Dans l'étude, présentée le 1er avril 2008, il apparaît que le taux d'emploi des travailleurs handicapés serait de l'ordre de 2,5 % pour la branche. Par ailleurs, 30 % des organismes de formation de cinq salariés et plus emploient un ou plusieurs handicapés. Parmi les entreprises assujetties à l'obligation d'emploi (plus de 20 salariés), deux sur trois ne parviennent pas à remplir leur obligation, faute de candidats. En revanche, parmi celles qui ne sont pas soumises à l'obligation, quatre entreprises sur dix comptent au moins un salarié handicapé.
Le handicap moteur est le plus fréquent, mais il ne concerne qu'un tiers des cas. Un employeur sur cinq ne connaît pas le handicap de ses salariés. De ce fait, le handicap n'est pas visible, et donc ne demande pas d'adaptation particulière et ne pose pas de difficulté avec les collègues. Dans 45 % des cas, les travailleurs handicapés occupent des fonctions de formateur. Il arrive que le handicap survienne alors que le salarié était déjà en poste. 14 % des entreprises ont rencontré cette situation. Dans six cas sur dix, il y a eu maintien dans l'emploi du salarié. Très massivement, les employeurs déclarent que seules les compétences comptent lors d'une embauche. Les principaux freins à l'embauche des personnes handicapées semblent plutôt être d'ordre matériel (locaux inadaptés : 57 %) et organisationnel (31 %).
A priori, le formateur handicapé ne pose pas de problème aux clients. D'autre part, la majorité des entreprises (55 %) ne connaissent pas les aides à leur disposition et ne savent pas comment en bénéficier. De leur côté, les salariés handicapés méconnaissent aussi les aides auxquelles ils pourraient prétendre.
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