Entretien avec Jean-Marie Filloque, président de la Conférence des directeurs des Services universitaires de formation continue (CDSUFC) :{ “Les universités ne communiquent pas assez sur ce qui fait leur force" }

Par - Le 16 juin 2011.

Comment expliquez-vous le peu de visibilité et d'attractivité des SUFC dans le milieu de la FC ?

Laissez-moi poser une autre question : alors qu'aujourd'hui, 31 % des adultes de 30 à 34 ans ont un diplôme de l'enseignement supérieur[ 1 ]40 % est l'objectif de la déclaration “UE2020 : Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive". http://ec.europa.eu/france/news/evenements/europe-2020/index_fr.htm , pourquoi est-il si difficile de faire reconnaître l'université comme un acteur légitime de la FPC, pour ses liens organiques avec la recherche et la construction des connaissances et pour la qualité attestée de ses personnels ?

Bien sûr, nous devons d'abord chercher des raisons en interne : l'image de tour d'ivoire, d'éloignement des “réalités", l'image négative de l'échec..., mais aussi sans doute, et de manière plus réelle, l'absence jusqu'ici de stratégie d'établissement pour mettre en place des structures et des réponses adaptées, professionnelles diront certains, aux besoins socio-économiques.

La Charte des universités européennes pour l'apprentissage tout au long de la vie[ 2 ]http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2008/66/0/EUA_Charte_Fr_LY_39660.pdf , adoptée par les présidents d'université en 2008 fournit un cadre d'analyse et d'action pour les établissements. La CDSUFC s'emploie à la mettre en œuvre. Il nous faut aussi améliorer nos outils d'interface, avec une communication plus lisible, des services d'AIOA plus développés, des fiches RNCP accessibles pour nos diplômes.

Mais nous ne pouvons négliger l'externe. L'accès aux financements de la FPC suppose que bien sûr l'offre - la réponse - apportée par l'enseignement supérieur soit adaptée, mais aussi que sa légitimité et son intérêt soient reconnus des financeurs et des décideurs. Les choses s'améliorent aujourd'hui, sans que ce soit décisif. Certaines branches professionnelles ont fait le pas, comme les banques par exemple. La part des financements issus des entreprises (au sens large) augmente dans nos recettes. Entre 2003 et 2008, elle est passée de 38 à 46 %. Nous travaillons, dans certaines régions, à la préparation des CPRDF. Nous approchons les pôles de compétitivité pour que la dimension de la gestion des compétences ne soit pas le “parent pauvre" de leur action, au cœur de l'innovation et, demain peut-être, des futurs Idex (Initiatives d'excellence dans le cadre de l'emprunt national), quand cette dimension aura été intégrée.
Les universités sont un acteur à part entière de la formation tout au long de la vie et bénéficient de formidables ressources humaines et pédagogiques et de compétences variées. Peut-être ne communiquent-elles pas assez sur ce qui fait leur force : l'offre licence, master, doctorat, des formations courtes et longues, variées, souvent en lien avec une expertise liée à la recherche, des personnels dans les services FC qui sont des professionnels de la formation continue, etc.

Les universités sont également en pleine mutation et visent de plus en plus à apporter de la flexibilité dans leurs dispositifs de formation : formations modulaires, formations à distance, validation des acquis, etc.

Quel impact l'autonomie des universités a-t-elle sur le fonctionnement de leurs Services de formation continue ?

La loi de 2007[ 3 ]Loi 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU, ou loi Pécresse). n'a pas évoqué la question. La première mission des Universités reste la formation initiale et continue. La notion même de “formation tout au long de la vie" n'apparaît pas, alors que dès 2008, la France, à la tête de l'UE, promouvait l'adoption de la Charte des universités européenne pour l'apprentissage tout au long de la vie. L'autonomie des universités rend encore plus prégnante la question de la prise en compte de la formation continue dans la politique des établissements. Il nous faut veiller à maintenir cette prise en compte de la mission de service public, qui leur échoit. La stratégie des établissements “autonomes" doit l'intégrer. C'est une bataille quotidienne de notre réseau. Certains y on vu, dans le cadre des RCE (responsabilités et compétences élargies), la possibilité de développer des recettes “libres" supplémentaires (augmenter les fonds propres !). La réponse à la première question montre que c'est certainement un raisonnement erroné.

Lors du 36e colloque de la CDSUFC, en juin 2009, vous et vos collègues étiez engagés à renforcer le rôle de vos Services au sein de vos établissements respectifs. Où en êtes-vous ?

Effectivement, un travail important a été fait, tant au niveau des établissements qu'au niveau de la CPU et de la tutelle.
Au niveau national, la CDSUFC est maintenant invitée permanente de la commission pédagogie de la Conférence des présidents d'université (CPU). Elle est régulièrement consultée sur les questions portant sur la FC. Ceci nous permet, par là même, de travailler avec le réseau des vice-présidents des Conseils des études et de la vie universitaire (VP Cévu) et la Conférence universitaire en réseau des responsables de l'orientation et de l'insertion professionnelle des étudiants (Courroie).
Au niveau des établissements, la prise en compte politique de la FC s'est traduite dans plusieurs universités par la nomination de vice-présidents FC ou FTLV (ou encore relations entreprises, etc.).
Mais cette meilleure prise en compte ne s'est pas faite de façon homogène, et il existe encore des marges de progrès. Nous avons organisé un séminaire spécifique sur cette question en avril dernier à Brignogan-Plages (Finistère), deux jours de réflexion et de travail sur le nouveau positionnement des Services. Ce séminaire sera suivi de séances de travail en cours d'organisation avec les DGS, DRH, Daf et agents comptables... Mais le temps manque pour aller plus vite !

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Notes   [ + ]

1. 40 % est l'objectif de la déclaration “UE2020 : Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive". http://ec.europa.eu/france/news/evenements/europe-2020/index_fr.htm
2. http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2008/66/0/EUA_Charte_Fr_LY_39660.pdf
3. Loi 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU, ou loi Pécresse).