Question d'actualité au gouvernement sur la formation professionnelle
Par Valérie Delabarre - Le 20 mars 2018.
Question d'actualité au gouvernement n° 0246G de M. Yves Daudigny (Aisne - SOCR)
publiée dans le JO Sénat du 09/03/2018 - page 2071
M. Yves Daudigny. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre du travail.
Madame la ministre, la formation professionnelle est la pierre angulaire de la lutte contre le chômage et du renforcement de la compétitivité des entreprises.
La volonté, louable, de réformer la formation professionnelle n'est pas nouvelle : l'atteste la création du compte personnel de formation, le CPF, sous le précédent gouvernement.
Votre projet contient certaines avancées pour les travailleurs, j'en conviens : droit à la formation accru pour les salariés faiblement qualifiés, création d'un compte personnel de formation de transition, par exemple. Mais il est aussi porteur d'interrogations, d'inquiétudes, de défiance, de regrets.
D'abord, sur la méthode d'un big-bang, au moins pour le volet gouvernance, proposé de manière unilatérale, sans concertation, des inquiétudes sont nées, au premier rang desquelles la monétisation du CPF. Comment ne pas craindre un affaiblissement du droit à la formation de certains salariés ? Les 500 euros d'aujourd'hui ou de demain suffiront-ils à financer les 20 heures de formation d'hier, et ce dans tous les territoires ?
Ensuite, nous nous interrogeons sur la place des régions dans la gouvernance de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi.
Votre projet opère un transfert des organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, vers l'URSSAF. Ce dernier organisme ne doit pas conduire à écarter les branches professionnelles ni les organisations syndicales de la définition des besoins en compétence. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?
La réforme, enfin, va dans le sens de l'individualisation. Mais la formation professionnelle ne peut se réduire à « un clic » via une application mobile. Ces éléments ne doivent pas entraîner une régression de l'accompagnement du salarié dans l'exercice de son droit à la formation.
Madame la ministre, le big-bang annoncé sera-t-il à la hauteur des attentes sociales et des mutations de notre économie ? Le doute est permis quand ni les chômeurs de longue durée, ni les travailleurs handicapés, ni les indépendants n'y ont trouvé place. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Réponse du Ministère du travail
publiée dans le JO Sénat du 09/03/2018 - page 2071
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Daudigny, l'enjeu que nous avons en matière de formation professionnelle est aujourd'hui double.
Notre système, qui constituait une grande avancée – la France était en avance dans les années soixante-dix et quatre-vingt –, est aujourd'hui en échec dans le domaine de l'égalité des chances. En effet, il n'est pas juste : les ouvriers et les employés ont deux fois moins de chances de se former que les cadres, alors qu'ils n'ont pas moins de besoins ; seul un chômeur sur dix a accès à la formation chaque année ; les salariés des petites et moyennes entreprises ont deux fois moins de chances de se former que ceux des grandes entreprises ; 500 000 travailleurs handicapés sont au chômage, faute de qualifications pour la plupart d'entre eux, parce qu'ils en ont eu peu dans le cadre de leur formation initiale et n'en ont toujours pas en formation continue, et je pourrais continuer ainsi la liste.
Si l'on ne change pas radicalement quelque chose dans notre système de formation professionnelle, nous ferons le même constat sur le plan social : le train de la croissance va reprendre, entraînant des créations d'emplois, et une grande partie de nos concitoyens ne pourront pas monter dans ce train parce qu'ils n'auront pas les compétences nécessaires.
Du côté des petites et moyennes entreprises, là non plus le compte n'y est pas. Avec les transformations majeures à venir, à savoir la transition écologique et la transformation numérique – tous les métiers sont concernés –, on estime que, dans les dix ans à venir, 50 % des métiers vont être profondément transformés. Là encore, si l'on n'inverse pas les choses, si l'on ne donne pas la priorité aux TPME, les très petites ou moyennes entreprises, celles-ci vivront dans dix ou vingt ans des désastres, alors qu'elles constituent notre terreau économique rural.
Pour ces raisons, j'ai salué l'accord des partenaires sociaux sur les droits des salariés, qui va beaucoup plus loin : les salariés auront plus de droits. Dans le même temps, nous le savons, aujourd'hui, le système n'aide pas les petites entreprises, ni les moins qualifiés pour nombre de raisons qu'il serait trop long de vous exposer maintenant, mais que j'aurai l'honneur de vous présenter lors de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ; nous pourrons alors entrer dans le détail du dispositif.
Pour conclure, je veux dire que l'unité en euros est plus juste : une caissière de supermarché aura le même droit à la formation qu'un ingénieur. Et je vous en convaincrai, j'en suis certaine. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Source : senat.fr