Jurisprudence sur la formation : les “devoirs" de l'employeur

À l'occasion du séminaire organisé par Circé Consultants et intitulé “Le droit de la formation à travers la jurisprudence", les intervenants ont retracé les bases de “l'obligation d'adaptation aux évolutions de l'emploi" pour l'employeur, ainsi que ses limites.

Par - Le 01 juin 2009.

C'est dans l'arrêt “Expovit", prononcé par la Cour de cassation en 1992 qu'est apparu le principe du devoir d'adaptation. Celui-ci fut fondé sur les articles 1 134, al. 2, et 1 135 du Code civil, et implique que : “Le contrat à durée indéterminée, auquel l'employeur ne peut mettre fin que pour une cause réelle et sérieuse, implique une obligation d'adaptation pour justifier du caractère sérieux du licenciement." Cette obligation a ensuite été consacrée par la loi du 19 janvier 2000 portant sur la réduction du temps de travail, puis reprise par la loi du 4 mars 2004. Lors de la contestation par un salarié de son licenciement, le juge doit contrôler si le devoir d'adaptation a bien été mis en œuvre par l'employeur. L'adaptation s'impose également en cas d'insuffisance professionnelle, lorsque, par exemple, une personne est mutée à un autre poste de travail. À ce titre, l'employeur doit lui fournir les moyens nécessaires à son maintien dans l'emploi.

Les intervenants ont par la suite fait part de leur désir de voir se développer la réflexion autour du droit de la formation. “Aucun texte n'impose à l'employeur une obligation de former, et une obligation d'adaptation n'équivaut pas à une obligation de formation, a souligné Jean-Pierre Willems, expert en droit de la formation. Je suis d'ailleurs frappé de ne trouver dans la loi aucune articulation entre le plan de formation et cette obligation d'adaptation. Il y a un vide."
Par ailleurs, “existe-t-il véritablement un droit à la formation au travers de la jurisprudence ?, s'est-il interrogé. Aucun magistrat n'est spécialisé sur cette question à la Cour de cassation. Le fait est que la formation fait assez rarement l'objet de contentieux. On pourrait expliquer cela en arguant que l'envoi en formation est un acte positif… Or, 80 % des contentieux en France portent sur le licenciement. Du coup, la majorité des jurisprudences dans le domaine ont été posées par des voies détournées. D'autre part, la formation ne renvoie pas à un droit cohérent susceptible de produire des dynamiques, mais plutôt à des obligations contractuelles."

De même, Marie-Laure Morin, conseillère à la Cour de cassation, a-t-elle expliqué que lorsque des questions étaient posées à la Cour sur la question de la formation, elles arrivaient fréquemment sous l'angle de la discrimination. “Les salariés protestent parce qu'une formation a été donnée à des collègues, de poste et de compétence comparables, et qu'ils n'en ont pas bénéficié. C'est ensuite à nous de faire un pont."
Le droit de la formation est complètement dispersé. Je ne crois pas qu'il y ait eu à la Cour de cassation une réflexion d'ensemble là-dessus", a-t-elle déclaré.

[(Les nouvelles missions des Opca face au droit à la concurrence

Le séminaire “Le droit de la formation à travers la jurispru-dence" a permis d'examiner les nouvelles missions que la réforme entend confier aux Opca dans le prisme du droit de la concurrence. Attaché d'enseignement à la faculté de droit de Paris-I, David Soldini a rappelé que les pouvoirs publics étaient en droit de prévoir l'attribution de droits spéciaux à des organismes privés ou publics afin de “maximiser" l'efficacité du système de formation(1). Ainsi le législateur peut-il réserver aux Opca le droit de collecter les fonds et de les redistribuer. Pour autant, “la fonction de répartiteur ne permet pas, pour les autres activités qu'elle pourrait développer, d'échapper au droit de la concurrence". Or, l'article 14 du projet de loi indique que les Opca “concourent notamment à l'information, la sensibilisation et l'accompagnement des entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises". Si les Opca souhaitent développer des services d'ingénierie et de conseil, ils doivent, afin de respecter la loi, séparer nettement ces activités de celles de collecteur-répartiteur des contributions obligatoires. “De même, il est nécessaire d'éviter qu'une “position dominante" sur un marché crée un avantage sur un marché connexe. La question a peu été abordée, cependant cela pourrait être intéressant à creuser", a conclu David Soldini.

(1) Conseil de la concurrence, avis n° 03-A-21 du 31 décembre 2003 relatif à la Mutualité fonction publique ; et Cour de justice des communautés européennes du 23 avril 1991, Höfner et Elser.)]