Temps de travail : gel de la négociation en cours

Par - Le 01 février 2010.

La négociation sur le temps de travail des formateurs des catégories D et E n'a pas encore abouti. Un accord est à la signature depuis le 20 novembre 2009 (voir L'Inffo n° 758, p. 20), mais aucun syndicat ne veut le parapher en l'état.
FFP

Lydie NègreLydie Nègre, vice-présidente de la FFP, présidente de la délégation patronale au sein de la commission mixte paritaire qui négocie sur le temps de travail des formateurs, explique que cette révision du temps de travail est rendue nécessaire par les “importantes évolutions que connaît aujourd'hui le marché de la formation", avec notamment “un déplacement du cœur de métier de l'acte de formation vers plus d'accompagnement, d'évaluation en amont et en aval". La FFP considère également que le ratio est souvent aménagé dans les pratiques avec des écarts variant de 90/10 à 60/40. Elle estime aussi que “le ratio actuel manque d'équité car il est standardisé et ne correspond pas au travail réel du formateur". Elle a proposé aux formateurs cinq jours de professionnalisation dans l'année pour répondre à leur demande d'évolution de carrière. Par ailleurs, une des propositions était “de limiter le temps annuel de présentiel en salle à 1 350 heures, avec des recommandations de la branche pour assurer le contrôle et le suivi de l'organisation du temps de travail des formateurs". Elle propose “de redéfinir, afin de l'individualiser, la répartition du temps de travail du formateur et de permettre aux organismes d'acquérir la souplesse leur permettant de s'adapter à l'évolution des demandes"

Synafor CFDT

Mais pour la CFDT, “il n'est pas question que le temps de formation des formateurs soit considéré comme flexible à merci, suivant des décisions unilatérales des employeurs", s'indigne Michelle Perrod-Savournin. Le Synafor “peut admettre une remise en question de trois aspects du temps de travail : temps de travail pratique avec les stagiaires, temps de travail technique (préparation amont, aval), temps de travail administratif. Mais par une mise à plat constructive des différentes composantes de l'activité de travail des formateurs, et non pas par des pseudo-mesures qui n'ont d'effet que de détériorer encore davantage les conditions de travail. Comment accepter que le dérisoire 1 % d'augmentation de salaire proposé par la FFP puisse compenser le considérable accroissement (139 %) de charge de travail que provoquerait la suppression dudit ratio (72/28) ?", s'interroge-t-elle.

Aujourd'hui, un formateur réalise 1 120 heures de temps de face-à-face sur l'année. “Dans la proposition des employeurs, on passerait à 1 350 heures en échange d'une prise en compte des temps de déplacement. Mais cette approche est plus dangereuse", considère le Synafor, car “chaque formateur devrait négocier ses différents temps de travail mission par mission. Si c'est envisageable dans une grosse structure, ce serait abandonner les salariés dans les petites unités".

F&D CFE-CGC

Si on module la notion de ratio (70/30), Larbi Bessa président de la CPN (F&D CFE-CGC), estime qu'il faut mettre en place des garde-fous. Dans les activités annexes le temps de préparation varie selon les types d'actions, par exemple pour les formations intra entreprises, il est beaucoup plus long que pour les stages interentreprises. La CFE-CGC a proposé un cahier des charges élaboré pour chaque type de formation – une sorte de contrat – définissant par catégories d'actes, temps de préparation, déplacements, temps annexes, veille concurrentielle, etc. Ce cahier des charges étant accompagné d'outils de suivi pour d'éventuels réajustements qui s'avèreraient nécessaires.

Snepat-FO

Avec le ratio 70/30, les intervenants formateurs trouvaient un équilibre dans la répartition de leur charge de travail", analyse Yann Poyet, secrétaire général du Snepat-FO. Les employeurs, affirme-t-il, “ont toujours voulu que le face-à-face soit le plus important possible, puisque c'est le temps de travail facturable, et ont ainsi réussi à faire passer le ratio à 72/28. Mais sur un temps partiel, le ratio n'a aucune signification". FO estime “qu'il faut revaloriser le taux horaire des formateurs à temps partiel de 30 %. Il s'agit certes d'une revalorisation importante mais elle permettrait de s'affranchir d'un calcul alambiqué du temps de préparation généré pour chaque heure de face-à-face pédagogique".

SNEPL-CFTC

Hélène Desclée, secrétaire générale du SNEPL-CFTC, refuse “le néo-taylorisme que certains voudraient voir se développer, avec un formateur qui pourrait enchaîner les face-à-face sans discontinuer". Elle estime qu'un formateur a besoin d'un temps de préparation incompressible, quelle que soit la formation dispensée. Pour le SNEPL-CFTC, il n'y a pas de concession possible sur ce point. Mieux même, il préconise pour certaines formations très ciblées, un temps de préparation plus important que celui qui existe actuellement. “On fait fausse route en voulant nier ce temps de préparation", affirme Hèlène Desclée.

SNPEFP-CGT
Smaïl LamaraLe SNPEFP-CGT avait avancé en octobre 2009 près de 30 propositions revendiquant, notamment, “la possibilité d'assurer la prestation dans des conditions de qualité physique, intellectuelle et mentale" ; “la visibilité sur les temps masqués et leur rémunération" et “la reconnaissance du métier et des compétences acquises au cours de leur carrière". Smaïl Lamara annonce qu'il va faire très prochainement des propositions sur les salaires et le temps de travail. Il réitèrera sa demande de dix jours mobiles, “mesure en phase avec la sensibilisation à la pénibilité au travail".

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Négociation difficile

La FFP est surprise du blocage de la négociation : “Alors que l'état d'esprit était plus à la co-construction et que chaque point avait été validé, nous avons eu la surprise d'apprendre par la presse que les organisations syndicales ne signeraient pas l'accord", s'étonne Lydie Nègre.

Le Synafor-CFDT estime aussi la négociation particulièrement difficile : “Les représentants patronaux regrettent toujours les avantages accordés, aussi faibles soient-ils. Ils créent une confusion entre la négociation obligatoire annuelle (salaires, égalité, etc.) et la remise en cause systématique, par des tentatives de révision, de la convention collective. Par exemple, ils ont proposé 1 % d'augmentation de salaire à condition qu'on accepte de négocier sur la répartition du temps de travail effectif", argue-t-il. En fait, estime le Synafor, “il n'y a pas de négociation salariale. La FFP impose son point de vue". Quant au SNPEFP-CGT, il affirme que, “pour aller plus loin, la FFP voulait d'abord une concession des syndicats sur le temps de travail des formateurs". Il estime qu'il est de la responsabilité du ministère du Travail “de veiller à ce que la négociation se déroule loyalement". Pour lui, aujourd'hui, “ce sont les entreprises qui sont innovantes en matière de négociation : nos élu(e)s négocient les salaires et élaborent des accords plus favorables que ceux dont la branche est capable".

Pour F&D CFE-CGC, “contrairement à l'accord de méthode signé par l'ensemble des syndicats, certains d'entre eux sont encore sur un schéma d'exclusion dans la négociation des formateurs cadres. La partie patronale n'étant pas toujours plus claire que les syndicats de salariés". F&D CFE-CGC est prête à revenir à la table des négociations et reste optimiste sur la possibilité de signature d'un accord sur le temps de travail des formateurs, “si les cadres y sont intégrés et que l'intérêt de tous est préservé".

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Les évolutions en cours

L'enquête de l'observatoire de branche va bientôt fournir une image plus précise des évolutions en cours. Cependant, quelques tendances semblent déjà émerger.

La FFP travaille actuellement avec le ministère d'Hervé Novelli (Commerce, Artisanat, Petites et moyennes entreprises, Tourisme, Services et Consommation) à la réalisation d'un guide de l'auto-entreprenariat pour les formateurs. Attention, prévient Marie-Christine Soroko, déléguée générale de la FFP, “c'est un statut à explorer et à expérimenter avec prudence". _ Cependant, “il peut être une solution intelligente pour permettre à des organismes de formation de répondre à certaines commandes ponctuelles".

Quant à Christine Garcia, du SNPEFP-CGT Île-de-France, elle voit se dessiner des évolutions importantes sur le terrain. Elle constate une tendance de certains organismes de formation à adopter le statut de Scop (société coopérative de production), à favoriser le mandat, le portage salarial, l'auto-entreprenariat, tous cas où “le formateur sort du salariat et se retrouve sans représentation syndicale". Autres tendances constatées : l'augmentation des contrats à temps partiel annualisés (pourtant interdits par la CCNOF), l'énumération des différents lieux de travail dans le contrat de travail pour ne pas le rémunérer – et l'abus de recours aux formateurs occasionnels (1).

(1) Le formateur occasionnel assure au maximum trente jours par an d'intervention avec des cotisations sociales forfaitisées et n'entrent pas dans le calcul de l'effectif de l'entreprise.

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Les prochaines étapes

2010 devrait voir les négociations sur les classifications avancer. Voire commencer dès la prochaine réunion, “en s'appuyant notamment sur les résultats de l'enquête réalisée par l'observatoire de branche", précise la FFP.

Lydie Nègre , pour la FFP, déplore que l'ensemble des thèmes de l'accord de méthode n'ait pas pu être balayé en 2009. Mais, explique-t-elle, “les négociations sont souvent longues et complexes, parce que la majorité des organismes de formation sont de petites structures et il faut représenter tout le monde". Elle regrette que l'approche compétences commencée en 2004 n'ait pas abouti et estime que la négociation sur les classifications n'avance pas assez vite, “parce qu'elle oscille entre faire un toilettage et repenser les classifications à travers une approche compétences".

Le SNEPL-CFTC “se veut raisonnablement optimiste sur l'avenir de la branche, même s'il ne sous-estime pas les difficultés à surmonter. Nous serons toujours force de proposition, avec des arguments réalistes qui s'appuient sur une réelle connaissance sur le terrain du secteur". Il souhaite, entre autres, l'ouverture de négociations sur la structure de la grille des salaires, afin qu'elle permette une réelle évolution de carrière. Le Synafor-CFDT envisage l'avenir avec une ouverture, peut-être vers des organismes de l'État ou proches, ou vers des structures en lien direct avec les collectivités territoriales.
Quant à Smaïl Lamara, du SNPEFP-CGT, il souhaite que l'État commence à réglementer le secteur, car il considère qu'aujourd'hui, “la déréglementation est totale, les salariés sont payés à la tâche et chaque employeur fait ce qu'il veut". Pour Christine Garcia, du même syndicat, une plus grande réglementation du secteur passe par une reconnaissance des acteurs qui y interviennent. “Dans les négociations, les grands absents sont les salariés chargés de mettre en œuvre les décisions. On réfléchit au bien-être des clients, des stagiaires, mais jamais à celui des formateurs", déplore-t-elle