Formation différée : “Nous n'avons pas franchi le Rubicon"

Par - Le 16 février 2010.

Jean-Claude Tricoche vient de faire valoir son droit à la retraite. Au terme d'une carrière syndicale bien remplie (cf. encadré), il a bien voulu analyser pour nous les évolutions marquantes de la formation depuis l'Ani de1970.
Il est d'abord frappé par la “modification profonde du paradigme de la formation. Alors que dans les années 1970, la formation constituait de fait un élément du contrat de travail, et que depuis l'accord de 1970 et la loi de 1971, la responsabilité de former ses salariés incombait à l'employeur, aujourd'hui, le salarié doit être acteur de sa formation", observe-t-il. Autrefois, des liens durables unissaient le salarié à l'entreprise où se déroulait toute son évolution professionnelle, aujourd'hui ces liens sont de plus en plus fragiles (CDD, intérim) et les mobilités professionnelles plus fréquentes. La formation professionnelle a intégré ce changement et a progressivement acté le transfert de responsabilité de la formation sur le salarié. Jean-Claude Tricoche a toujours pensé “qu'il fallait ouvrir le droit d'initiative pour que le salarié entretienne ses compétences parce que ce sont elles qu'il peut monnayer auprès des employeurs". Pour lui, qui a toujours partagé son engagement syndical entre formation initiale et formation continue, “la coupure institutionnelle entre les deux est trop grande". Il revendique d'avoir défendu dès les années 1995 l'idée d'une “éducation différée", avec la création d'un compte épargne formation : il s'agit, précise-t-il, “de donner un nouveau droit de tirage à ceux qui n'ont pas su ou pas pu utiliser leur droit à la formation initiale. Des pays, notamment du nord de l'Europe offrent cette possibilité de retourner sur les bancs de l'école ou de l'Université pour reprendre une vraie formation diplômante". Il se félicite que l'idée ait fait son chemin, mais “le Rubicon n'est pas franchi, et nous n'en sommes qu'aux prémisses", regrette-t-il. Et il ajoute : “Car un droit ne suffit pas, encore faut-il les moyens de l'exercer et que le salarié trouve de quoi construire un projet professionnelle (information, conseil, accompagnement, etc.). Le Dif, par exemple, offre des possibilités très limitées et reste trop assujetti à la volonté de l'employeur." Il se félicite d'avoir contribué “à l'émergence de la validation des acquis de l'expérience, qui est pour lui “une importante avancé sociale". Enfin, Jean Claude Tricoche considère que la décentralisation de la formation professionnelle “a favorisé l'opérationnalité des politiques publiques et l'accès à la formation, même si beaucoup reste à faire". Il conteste d'autant plus aujourd'hui une “recentralisation à finalité essentiellement politique".
C'est Jean-Marie Truffat, secrétaire national chargé de la formation professionnelle qui succède à Jean-Claude Tricoche à l'Unsa depuis le 1er janvier 2010.

Une ténacité sans faille

Si l'Unsa a su faire entendre sa voix dans le secteur de la formation depuis plus de dix ans et a obtenu une reconnaissance de fait (auditions par les parlementaires et par les institutionnels, participation à de multiples instances, etc.), c'est en grande partie grâce à la force de conviction et à la ténacité de Jean-Claude Tricoche qu'elle le doit. Retour sur un parcours syndical “sans faute".
C'est dès le début de sa carrière que Jean-Claude Tricoche, né en 1947 à Marseille, est impliqué dans la formation. Initiale d'abord, où après cinq ans d'expérience comme salarié de l'industrie horlogère, il est recruté en 1971 comme enseignant auxiliaire, puis professeur de lycée professionnel en 1975. Dès 1981, il assure des responsabilités syndicales, dans la formation initiale, mais très vite aussi dans la formation continue. Il représente alors la Fen au Comité régional de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi (Coref) pour la région Paca.
Devenu secrétaire national de la Fen, en 1992, en charge du dossier éducation, il représente la Fen dans de nombreux organismes liés à la l'éducation et à la formation. Parallèlement, il devient expert de 1993 à 1998 auprès de l'Internationale de l'éducation (Bruxelles), sur les questions de formation et d'enseignement professionnel. Il participe activement à la création de l'Unsa (Union nationale des syndicats autonomes) et en devient, en 1997 délégué général en charge de la formation professionnelle, de l'économie sociale et du Bureau international du travail, puis secrétaire national à partir de 2005. Il représente alors l'Unsa, au titre des partenaires sociaux, dans de nombreuses instances, notamment la commission permanente du Conseil national de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, le Conseil de gestion du fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale, le Comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue (CCPR), la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP), le Haut-comité éducation, économie, emploi (HCEEE), le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de vie (CNPTLV). Il s'engage auprès de l'Organisation internationale du travail (OIT) où il est participe depuis plus de dix ans aux conférences annuelles et à l'élaboration des normes internationales du travail. Par ailleurs, il est administrateur de l'Opca Uniformation et trésorier du Centre Inffo. Enfin, depuis décembre 2009, il est chargé de mission auprès du secrétaire général de l'Unsa pour suivre notamment les questions de l'OIT.