Entretien avec Laurent Wauquiez, secrétaire d'État en charge de l'Emploi

“Rendre plus transparent, mieux contrôlé et plus efficace notre système de formation"

Par - Le 01 novembre 2009.

Êtes-vous satisfait du texte de loi adopté ? Quels sont, pour vous, les points forts du texte ?

La loi remet l'emploi au cœur des politiques de formation et oriente la formation vers ceux qui en ont le plus besoin. Elle va ainsi modifier les dysfonctionnements et inégalités sur lesquels tous les acteurs se sont accordés.
Parmi les mesures importantes du projet de loi, je retiendrai la création d'un fonds paritaire de sécurisation doté de 900 millions d'euros, pour former ceux qui en ont vraiment besoin, en particulier les salariés peu qualifiés, notamment dans les PME, et les chômeurs. Nous voulons également mieux accompagner le développement des emplois “verts" et ceux liés aux services à la personne.
Le projet de loi prévoit aussi de nouveaux droits à la formation professionnelle pour les salariés et les demandeurs d'emploi (Dif portable, Cif hors temps de travail, bilan d'étape professionnel) et des mesures en faveur des contrats en alternance pour les jeunes.
Enfin, la loi vise à rendre plus transparent, mieux contrôlé et plus efficace, notre système de formation : dispositif de lutte contre les dérives sectaires dans le domaine de la formation professionnelle, renforcement des moyens de contrôle de l'État, réforme des Opca, meilleure coordination des acteurs au travers de contrats de plans régionaux de la formation, etc.

Avec le recul, pensez-vous que la méthode retenue a permis d'atteindre les objectifs que vous vous étiez fixés ?

La méthode retenue a été celle de l'association la plus large possible de l'ensemble des acteurs à la réforme : une phase de concertation au premier semestre 2008, avec les travaux du Conseil d'orientation pour l'emploi et du groupe de travail multipartite piloté par Pierre Ferracci, puis une phase de négociation des partenaires sociaux au cours du deuxième semestre 2008, et l'intervention du Parlement, qui a permis de compléter le projet initial du gouvernement sur des questions concernant l'information et l'orientation ou les mesures en faveur de l'emploi des jeunes.
Cette méthode a fait ses preuves. La réforme aboutit à des avancées concrètes pour nos concitoyens et permet de rénover en profondeur les modalités d'organisation et de fonctionnement du système de la formation professionnelle.
Mais il nous faut aussi tirer les enseignements de ce processus de réforme, en particulier sur la relation entre la démocratie sociale incarnée par la légitimité des partenaires sociaux – signataires à l'unanimité de l'accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle – et la légitimité politique de la représentation nationale. C'est la raison pour laquelle, je réunirai prochainement sur cette problématique, parlementaires et partenaires sociaux concernés pour une séance d'échanges et de réflexions.

Estimez-vous que le texte adopté reprend l'essentiel de l'Ani ?
Que répondez-vous à ceux qui regrettent que le “droit à la formation différée" n'ait pas été repris ?

Les partenaires sociaux ont reconnu dans leur ensemble que l'équilibre de l'Ani avait été respecté. Je le crois, et je tiens à rendre hommage aux négociateurs, car il n'était pas simple d'aboutir en trois mois à un accord qui crée de nouveaux droits pour les salariés, institue un Fonds paritaire de sécurisation des parcours pour les salariés peu qualifiés et les demandeurs d'emploi, jette les bases d'un nouveau dispositif de formation dit de “préparation opérationnelle à l'emploi", élargit les missions confiées aux Opca.
Concernant la formation différée, l'accord des partenaires sociaux évoquait l'idée d'un droit à la formation différée financé par les pouvoirs publics. Je suis convaincu que, plus que par des droits abstraits, il convient de répondre de manière pragmatique aux enjeux des quelque 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système éducatif sans diplôme ou sans qualification. La loi et les actions du gouvernement apportent des réponses concrètes et opérationnelles à cette question : meilleure prise en compte et accompagnement de jeunes en situation de décrochage scolaire, développement des Écoles de la deuxième chance, création d'un contrat d'accompagnement formation, développement des filières en alternance, fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, etc.

Comment envisagez-vous le rôle de l'État dans les contractualisations prévues avec les Régions et les organismes paritaires comme le Fonds de sécurisation ou les Opca ?

Nous devons discuter dans les semaines qui viennent avec les acteurs de ces questions. L'enjeu – il ne faut pas se tromper –, c'est de mieux articuler les politiques et engagements de l'État au titre de l'emploi aux politiques conduites dans le domaine de la formation professionnelle par les partenaires sociaux ou les Régions.
Je pense que notre société a évolué. Aujourd'hui, un jeune qui entre sur le marché de travail a toutes les chances de changer deux, trois, voire quatre fois de métier.
Il nous faut donc favoriser dans ces conditions les mobilités professionnelles, en particulier entre secteurs. Cela exige de décloisonner, de construire des approches par grand secteur ou grande filière d'activité. Il nous faut aussi prendre en compte la réalité des territoires et des mobilités géographiques.
La réforme des Opca, qui sont les outils paritaires de la formation, devra, de ce point de vue, prendre en compte ces problématiques interbranches et territoriales.

Quel pourrait être le rôle des Régions dans le futur service public
de l'orientation ?

La loi prévoit que le “contrat de plan régional de développement des formations professionnelles" définisse les priorités relatives à l'information et à l'orientation. Les Régions se sont impliquées depuis longtemps sur ces sujets, notamment à travers la coordination des réseaux fonctionnant dans ce domaine sur leur territoire. De nombreuses initiatives sont prises ainsi sur tout le territoire. L'enjeu de la réforme est de coordonner tous ces efforts, sans briser les dynamiques, mais en créant les synergies au service des personnes devant construire leur projet professionnel tout au long de leur vie et sécuriser leurs mobilités géographiques et professionnelles, choisies ou subies.

Combien de temps pensez-vous que cette réforme mettra à être totalement opérationnelle ?

La loi modifie en profondeur notre système de formation professionnelle dans de nombreuses dimensions. Il faudra donc modifier un grand nombre de dispositions réglementaires existantes, décrets, arrêtés, circulaires, pour rendre opérationnel l'ensemble des dispositions contenues dans la loi. Et je souhaite que ce travail puisse se faire en concertation avec les acteurs de la formation professionnelle.
Mais, l'une des priorités, c'est la mise en place du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, pour que les actions de formation qui iront vers ceux qui en ont le plus besoin puissent être déclinées sur le terrain dès le début de l'année 2010.