Que manque-t-il à la FOAD pour passer à la vitesse supérieure ?

Par - Le 16 mai 2010.

Le téléphone filaire a une vitesse (9 600 bauds), mais personne ne le sait. Pourquoi ? Parce qu'elle est suffisante. L'internet aussi, et tout le monde s'en préoccupe : bas débit, haut débit, très haut débit, la question a encore son importance, car elle détermine les usages. Idem pour la formation, dont on continuera de se demander si elle doit être présentielle, à distance ou e-learning tant que subsisteront des différentiels de tempo entre innovation technologique et usages pédagogiques.

Que manque-t-il à la FOAD pour passer à la vitesse supérieure ? C'était l'une des questions débattues aux Assises nationales de l'éducation et de la formation numériques. Pour Stéphane Natkin, professeur au Cnam, titulaire de la chaire des médias interactifs, “pas la technologie, car nous avons bien plus de technologie que nous ne savons en exploiter." Les produits ? “Il faut plutôt chercher à quoi et à qui doivent servir ces produits : si le développement de la formation à distance a si bien fonctionné au Cnam, c'est parce que cela correspondait à un besoin. Il existe aussi certainement un problème de relation des enseignants à la technologie", problème dont il est “illusoire de penser qu'il se réglera par une question de génération." Et d'ajouter : “Nous manquons d'expérience en vraie grandeur, c'est dans l'expérimentation, la mesure et l'analyse des processus pédagogiques qu'il faut mettre l'argent."
Assez de technologie ?", s'interroge en réponse Jacques Naymark. “Pour que ça marche, c'est un peu comme la question de la vaccination, il faut une saturation de l'écosystème en équipements et infrastructures." Et de nuancer, en accord avec Stéphane Natkin : “Disons plutôt qu'il y a assez de potentiel technologique."

Pour Éric Leguay, consultant expert en médias numériques à l'École des Gobelins-École de l'image, c'est aussi le rôle confié à l'ordinateur qu'il faut interroger : “Nous avons attribué aux technologies et à l'ordinateur deux missions radicalement opposées, une mission de loisir et une mission de formation." Et si l'ordinateur a réussi en tant que “super-jouet", nous nous apercevons aujourd'hui qu'il ne suffit pas “de mettre une couche de séduction sur l'ordinateur pour que les gens se forment". Au mieux perçu comme un “outil de production, de communication et de réseau social, l'ordinateur n'est pas perçu de manière lisible comme un outil de formation". Que faire ? S'inspirer des “stratégies individuelles d'autoformation" mises en place par les jeunes générations, celles qui ont “toutes massivement joué et qui utilisent les mêmes stratégies dans le jeu que dans leur vie : j'ai besoin de quelque chose que je ne sais pas, je vais le chercher grâce à mon réseau social". Un schéma dans lequel “le prof devient un consultant permanent". Ce qui montre d'ailleurs que l'autoformation n'est pas l'autodidaxie : “Il n'y a pas plus d'autodidactes qu'avant, toujours 5 à 7 % de la population", estime Jacques Naymark, “nous avons toujours besoin d'un paradigme de l'autoformation accompagnée".

Certains plus que d'autres, souligne Jean Vanderspelden, consultant en apprenance et formation ouverte : “La question de l'accompagnement des moins qualifiés vers l'apprendre à apprendre, ou mieux, l'apprendre à s'autoformer, est essentielle pour la cohésion sociale des territoires", conclut-il.