La France à la traîne des enjeux de la normalisation de la formation numérique

Par - Le 16 mai 2010.

Chez les chercheurs ou prestataires, un même regret s'est fait jour lors des Assises de l'éducation et de la formation numériques : la France délaisse la question de la normalisation en termes de formation et d'apprentissage. Un sujet “pourtant stratégique", estime Bernard Blandin, directeur de recherche au Cési et enseignant à Paris-X.

Alors qu'un comité technique international (le groupe “Iso-IEC JTC1 SC36")3, mis en place depuis 1999, a déjà publié seize normes dans les domaines du e-learning, du travail coopératif ou de l'accessibilité au travail, l'Union européenne a attendu 2008 pour instaurer un comité technique dédié à la standardisation et à la normalisation des plateformes de diffusion et des outils de développement des contenus. Créé à l'initiative principale du Royaume-Uni et de l'Allemagne, ce comité technique dispose d'un pouvoir, en termes normatifs, s'étendant à l'ensemble des pays membres de l'Union. À l'heure actuelle, une norme a été publiée et trois autres sont en cours de préparation. “Ces chiffres peuvent paraître dérisoires, indique Bernard Blandin, mais ils ont au moins le mérite d'exister et démontrent qu'en matière de normes,
l'Union européenne souhaite rattraper son retard sur ses concurrents américains, japonais, canadiens ou coréens."

Problème pour la France : les normes Afnor sur la formation professionnelle datant de 1994 et 1996 sont obsolètes. Et “aucun rapport sur l'éducation ou la formation numérique ne se soucie des normes, relève le directeur de recherche du Cési. Pourtant, ces normes sont les principaux instruments de la régularisation et du développement des marchés".

[(Pourquoi la FOAD ? “Améliorer la concentration"

“L'opportunité du numérique c'est l'opportunité de l'accessibilité, qu'elle soit sociale ou géographique", estime Jean-Pierre Choulet, directeur des systèmes de l'information de l'Éssec (École supérieure des sciences économiques et commerciales).
Partant du constat que “notre concentration est plus longue quand nous regardons un film ou jouons à un jeu vidéo", il explique : “La connaissance est un média et il faut bâtir des formations ou des programmes aussi interactifs qu'un jeu, et aussi plaisant qu'un film, tout en gardant le sérieux des cours transmis." C'est d'ailleurs le principe d'Open Vidéo Education que l'Éssec a développé en partenariat avec Polytechnique, et qui permet à ceux qui le souhaitent de retrouver les meilleurs moments de la pédagogie de l'enseignement supérieur.

Agathe Descamps)] [(Le JTC1 (Joint technical committee 1, Comité technique commun n° 1) est l'organe de référence pour la normalisation des technologies de l'information et de la communication au niveau mondial, créé en 1987 par l'Organisation internationale de normalisation (Iso) et la Commission électrotechnique internationale (IEC). Compétent en matière de logiciels et de matériels, le JTC1 est décomposé en sous-comités (SC), parmi lesquels le “sous-comité 36", créé en 1999 et affecté à “l'informatique pour l'éducation, la formation et l'apprentissage".)]

[(Les normes, “cheval de Troie" économique
Si défendre l'idée d'un modèle – sinon français, au moins européen – de l'éducation et de la formation paraît à certains dépassé, à l'heure de la mondialisation, il ne s'agit pourtant pas seulement d'une question de tradition culturelle. Très majoritairement définies par les Anglo-Saxons, les normes internationales sont celles qui s'appliquent dans les appels d'offres. Aujourd'hui à peu près absentes des débats, universités et entreprises françaises n'ont d'autre choix que d'intégrer des modèles définis ailleurs pour espérer l'emporter. Peut-être pas la meilleure voie pour faire valoir ses propres atouts dans un marché concurrentiel.

Nicolas Deguerry

> Sur le même sujet, consultez notre interview de Bernard Blandin
)]