Alice Nguele Amougou, conseillère en parcours professionnel

Par - Le 01 janvier 2011.

« J'aime ce que je fais », (…mais attention aux conditions)

Scolarisée entre France et Cameroun, où elle s'essaie à la transcription écrite du bantou paternel dans un pays où français et anglais sont langues officielles, Alice Nguele Amougou a longtemps souhaité devenir interprète. Revenue à Paris après le bac pour retrouver sa mère et entamer des études de langues en Sorbonne, elle a cependant finit par bifurquer. Des « petits boulots » alimentaires qui finissent par prendre le pas sur les études, Alice Nguele Amougou aura récolté un statut de « sans papier » l'année de sa licence. « C'est là que je me suis dit qu'il fallait que je trouve un travail stable », explique-t-elle. « En voyant une annonce qui prévoyait trois jours de recrutement pour un poste de dactylo, je me suis dit que la mission était forcément plus large et j'ai répondu ». À la clé, un CDI et, effectivement, une évolution rapide ponctuée de formations RH. La voilà pendant six ans chargée de gestion administrative du personnel. Soucieuse de sécuriser son parcours lorsqu'elle sent le vent tourner, elle se voit refuser un Congé Individuel Formation pour suivre un cursus en gestion et administration des entreprises. « Heureusement que ce CIF m'a été refusé », analyse-t-elle des années plus tard, « je l'avais moins demandé pour consolider des compétences nécessaires à mon projet que par besoin de reconnaissance, (…) cela m'a finalement permis de tracer ma propre trajectoire ». De fait et après un congé parental pour son troisième enfant, Alice Nguele Amougou revient avec une toute autre posture en tête : « c'était clair pour moi, je voulais faire du bilan de compétence ». Auditrice du Cnam de 2000 à 2006 dans un cursus de psychologie du travail, elle se forme parallèlement à l'ethnopsychologie et multiplie les expériences, bénévole au début, sous contrat dès que possible.

Devenue conseillère en parcours professionnel, Alice Nguele Amougou fait face au paradoxe d'un secteur qui recrute, certes, mais pas toujours à des conditions acceptables : « plus que le chômage, c'est surtout le niveau de rémunération associé à la succession de CDD et d'employeurs qui posent problème ». Au moins est-ce l'occasion de s'essayer à toutes les dimensions du conseil, et d'en retirer quelques préférences : « les prestations de droit commun enferment trop la réflexion dans un délai et un cadre normatif », juge-t-elle. Aujourd'hui conseillère pour un cabinet prestataire de la Cité des métiers de Paris, elle apprécie son contexte d'exercice mais n'est pas moins consciente de la fin prochaine de son contrat. « Je patiente, je suis à l'affût d'offres d'emploi qui m'intéressent, mais je ne veux plus de cette précarité. Je pense à changer de branche pour me diriger vers le secrétariat de direction, probablement le domaine dans lequel je transfère le plus facilement mes compétences sans passer par l'artillerie lourde de la formation ». Et de conclure, « je me suis engagée, j'aime ce que je fais, mais il n'est pas acceptable pour autant de continuer à dire oui à des conditions qui ne me permettent pas de vivre correctement ». Manière de dire qu'à 45 ans, elle est parfois lasse d'un contexte d'emploi qui l'oblige sans cesse à changer d'employeur sans réelle possibilité de valorisation de son parcours. Animée d'une éthique professionnelle, combative sur la question des rémunérations -« ce que l'on accepte a à voir avec le respect de ses propres compétences », souligne-t-elle-, Alice Nguele Amougou n'en est pas moins parfois gagnée par le doute quant à la valeur du conseil en accompagnement : « que n'est-on capable de se l'appliquer à soi-même ? », interroge-t-elle. Qu'elle se rassure, le proverbe ne dit pas que les cordonniers mal chaussés aient jamais fait trébucher leur clientèle.

Nicolas Deguerry

1982

Bac Langues et Philosophie (Cameroun)

1985

Deug de droit (Cameroun) puis installation en France

1989

Licence LEA (Sorbonne)

2000-2006

Cursus de psychologie du travail (Cnam) et formation en ethnopsychologie (La case de Demeter)