Jacques Bahry, vice-président de l'Observatoire prospectif des métiers et des qualifications de la branche des organismes de formation privés : “Dans un organisme de formation, tous les salariés sont acteurs du processus pédagogique"

Par - Le 01 janvier 2011.

L'Observatoire prospectif des métiers et des qualifications de la branche des organismes de formation privés vient de rendre publique son “Étude qualitative et quantitative relative aux métiers et à leurs évolutions" (voir notre article). Jacques Bahry, vice-président de l'Observatoire, répond à nos questions.

Que nous apprend l'étude concernant les évolutions du marché de la formation et de ses métiers ?

Les évolutions constatées par l'étude correspondent aux évolutions socioéconomiques. L'angoisse par rapport à son avenir professionnel et à celui de ses enfants explique la poussée des demandes, constatée sur les actions certifiantes. Les évolutions techniques et technologiques ont permis le développement du blended learning et des outils numériques d'apprentissage. Le marché de la formation est très tributaire de la réglementation et de son évolution. Les organismes passent beaucoup de temps à vérifier qu'ils s'inscrivent bien dans le cadre réglementaire, et ceci au détriment du temps consacré à l'analyse des besoins des entreprises et des personnes...
Autre point : l'appel à la sous-traitance s'est probablement amplifié, ainsi que l'auto-entrepreneuriat, grâce aux règles simplifiées d'accès à ce statut.

S'agissant du marché de la formation, j'espère qu'avec la publication de cette étude, on cessera d'évoquer le nombre de “50 000 organismes de formation". Les organismes de formation privés sont 7 000, dont seulement 3 % réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 3 millions d'euros. 14 %, soit un millier environ, atteignent le seuil de 750 000 euros. Nous sommes loin des 50 000.

Sur les métiers, un élément me semble très marquant : la proportion de formateurs dans les organismes diminue, alors que les effectifs augmentent ! Dans beaucoup d'organismes de formation, aujourd'hui, et, en particulier, dans les plus importants, les formateurs sont minoritaires par rapport aux emplois transversaux. Nous assistons à une montée en puissance des métiers connexes : managers, commerciaux, juristes, gestionnaires, logisticiens, informaticiens, etc. Il est intéressant de noter que ces métiers, qui ne sont pas spécifiques au secteur de la formation, le deviennent très vite. Une assistante, par exemple, joue un rôle très particulier dans un organisme de formation, en raison, notamment, du contact avec les stagiaires. Les personnes qui exercent des métiers au départ communs à toutes les branches acquièrent très vite une “coloration" particulière dans un organisme de formation, en devenant des acteurs du processus pédagogique.

Quels sont les points nouveaux par rapport au CEP de 1998 ?

Je suis frappé par la pertinence du contrat d'études prospectives réalisé en 1998, car ses prévisions d'évolution se sont révélées tout à fait exactes. En revanche, un point sur lequel nous n'avons pas assez avancé par rapport au dernier CEP est celui de la difficulté à disposer de chiffres. De fait, nous croisons des données très hétérogènes : origines et objectifs différents et dont la plupart, de surcroît, n'ont pas vocation à un traitement statistique. La grande majorité de ces données sont anciennes. L'étude n'a pu utiliser que des données de 2007. Tous ces facteurs conduisent à des chiffres sur la branche très approximatifs. Par exemple, nous avons une fourchette de l'effectif global de la branche entre 110 000 et 147 000, ce qui constitue vraiment un écart énorme. Ces chiffres sont intéressants, sans doute, pour les historiens de la formation, mais tout à fait insuffisants pour les responsables d'organisme.

Plusieurs pistes d'amélioration peuvent être envisagées : une discussion approfondie avec l'Insee ou encore que l'Observatoire des métiers de la branche se dote des moyens lui permettant d'avoir des données récentes.

Pourquoi l'étude, qui date de mars 2010, est-elle diffusée aujourd'hui ?

L'étude devait être présentée lors de la dernière réunion du comité de pilotage de l'Observatoire des métiers de la branche. Mais des négociations en cours sur les salaires ont été suspendues, ce qui a provoqué le gel de toutes les structures paritaires, en particulier les commissions. Et nous voulions attendre la reprise du dialogue social pour la diffuser. Voilà pourquoi elle est publiée seulement aujourd'hui.

Comment pensez-vous utiliser les résultats ?

La branche va diffuser le plus largement possible les résultats de cette étude. Elle va organiser des manifestations pour la présenter dans les régions, en s'appuyant, notamment, sur toutes les structures régionales, Conseils régionaux, Carif-Oref, Fongecif, Opca, les groupes régionaux de la Fédération de la formation professionnelle, etc.
En tant qu'Observatoire, notre souhait est que l'étude permette aux responsables des organismes de formation de se positionner sur le marché de la formation et aux salariés de se préparer aux évolutions pour définir leur parcours professionnel.