Les principales analyses du rapport sur l'application de la loi du 24 novembre 2009

La présentation devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale du rapport sur l'application de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle a eu lieu le 8 mars, suivie de l'audition de Nadine Morano, ministre chargée de l'Apprentissage et de la Formation professionnelle. Rapport réalisé par Gérard Cherpion, député UMP de Moselle et Jean-Patrick Gille, député PS d'Indre-et-Loire.

Par - Le 16 mars 2011.

Sur les 62 articles de la loi, 13 articles renvoient à des textes d'application non encore parus, notent les auteurs.

Le CNFPTLV

Concernant le CNFPTLV, le décret portant notamment sur la composition du Conseil, n'a pas été pris. L'organisme ne pourra donc pas donner des orientations pluriannuelles des politiques de formation, en amont des CPRDF.

Par ailleurs, les moyens n'ont pas suivi l'élargissement des missions du Conseil.

L'orientation

Un nouveau délégué à l'information et à l'orientation (DIO), Jean-Robert Pitte, a été nommé le 23 juin 2010 et reçu sa lettre de mission le 31 août 2010. Mais ensuite, les députés craignent que les moyens prévus ne soient pas suffisants (5 millions d'euros en 2010, puis en 2011). Pas encore de décret sur la procédure de labellisation des organismes qui constitueront le service public de l'orientation, relèvent les auteurs, mais déjà des interrogations : à quoi correspond le “lieu unique", quand les projets de décrets prévoient qu'il s'agirait d'un “réseau territorial constitué de plusieurs organismes" ? Quelles garanties pour une bonne couverture du territoire ? Quel est le but de la labellisation : vérifier la compétence des organismes d'orientation ou mettre en place un réseau national structuré ?

Le FPSPP

Les députés soulignent la mise en place rapide du FPSPP, mais un certain nombre de questions restent ouvertes. En premier lieu, l'équilibre de la gouvernance du FPSPP reste à stabiliser et, en particulier, la place du “hors champ". Ensuite, les députés soulignent que L'État est “très présent" dans la gouvernance institutionnelle du Fonds, rappelant le prélèvement de 300 millions d'euros en 2011. Le système d'appels à projets du FPSPP est perçu comme complexe et le fait que seuls Opca et Opacif peuvent répondre est critiqué, selon les députés, par des entreprises comme par des Régions. Enfin, les concepts comptables du FPSPP doivent être clarifiés, et il faudrait davantage d'anticipation : par exemple, avancer la date de fixation annuelle du taux de participation au FPSPP, ou échelonner dans l'année les versements des Opca au Fonds.

Les Opca

Le regroupement des Opca (article 43) apparaît bien engagé, avec plusieurs rapprochements actés ou au moins annoncés, signalent les députés. Cependant, l'arrêté ministériel relatif aux frais d'information et de gestion des organismes n'a toujours pas été pris. Or, pour beaucoup, il s'agit d'un préalable nécessaire à la négociation des conventions triennales d'objectifs et de moyens des Opca avec l'État.

Les jeunes

Le livret de compétences des élèves allant au-delà du seul cadre scolaire prévu par la loi (article 11) est expérimenté dans 166 établissements. Le repérage et le suivi des “décrocheurs" sont désormais opérationnels. L'objectif de 12 000 places dans les Écoles de la deuxième chance d'ici fin 2010 n'a pas été atteint et nous serions “plutôt à environ 10 200 places financées". Les stages étudiants devaient donner lieu à une “gratification", mais la multiplication des exemptions atténue cette obligation. Concernant l'interdiction des stages hors cursus, “des précisions complémentaires seraient souhaitables".

L'alternance

Les mesures relatives à l'élargissement des publics des contrats et périodes de professionnalisation “semblent" avoir eu des effets limités (décret en attente). L'article 31 de la loi promeut la conclusion, entre l'État, en concertation avec les Régions, et des branches ou entreprises, de conventions d'objectifs sur le développement de la formation des jeunes par l'alternance, le cap de 5 % de jeunes en alternance dans l'ensemble de l'emploi privé étant cité par la loi.

Les dispositifs de la formation professionnelle continue

La portabilité du reliquat de Dif non utilisé en cas de perte d'emploi soulève des interrogations : doit-il être considéré comme un “droit de tirage" ou bien les Opca et/ou Pôle emploi peuvent-ils s'opposer aux demandes concernant des formations qui ne relèvent pas de leurs priorités ou qu'ils jugent inopportunes ? Lorsque le Dif portable est exercé par un chômeur, doit-il être géré par Pôle emploi ou par l'Opca qui le finance ? La prise en charge des formations (120 heures minimum) hors temps de travail par les Opacif à l'initiative des salariés concerne un très faible nombre de personnes.

Les conditions d'application du bilan d'étape professionnel sont renvoyées à un futur Ani (inscrit à l'agenda social de 2011). Le décret d'application sur le “modèle de passeport orientation et formation" (article 12) n'a pas été publié. Sur la certification, “des craintes s'expriment quant au développement des CQP, qualifiés par certains de diplômes « au rabais »". Ni le décret d'application consécutif à la réforme de la CNCP, ni le rapport au Parlement demandé sur l'opportunité d'adapter son régime juridique n'ont été publiés. Le financement de la participation aux jurys d'examen et de VAE que les Opca peuvent prendre en charge (article 20) est généralement “apprécié".

Le remplacement des salariés en formation dans les petites entreprises “ne semble guère convaincre sur le terrain". Quant à la préparation opérationnelle à l'emploi (POE), elle en est à ses début et doit être articulée avec l'“action de formation préalable au recrutement" (AFPR).

Les députés estiment que, dans les entreprises, le législateur a plutôt créé des cloisonnements en distinguant de multiples négociations sociales : GPEC, égalité professionnelle, seniors, etc. Parallèlement, le plan de formation de l'entreprise n'a pas à être négocié. Les entreprises suivant les termes de la loi, développent séparément les différentes politiques qui leur sont demandées, “alors que leur connexité justifierait leur articulation".

L'offre de formation

Le site ad hoc de la liste nationale des organismes de formation enregistrés (article 49) devrait voir le jour à l'automne 2011, selon les services du gouvernement. Le bilan chaque année par bassin d'emploi et par région des actions de formation professionnelle qui doit être réalisé par le CNFPTLV (article 48) ne semble pas avoir commencé, faute de moyens dévolus au Conseil.

L'Afpa

916 personnels d'orientation de l'Afpa ont bien été transférés à Pôle emploi au 1er avril 2010. Mais, note le rapport, “l'opération reste vivement critiquée par les syndicats de l'Afpa". Le décret correspondant au transfert des biens de l'État vers l'Afpa (article 54) n'a pas été publié, “alors même que les enjeux financiers sont considérables pour l'association".

Les CPRDF

Les contrats de plan régionaux de développement des formations doivent prendre effet le 1er juin 2011. Les auditions ont mis en lumière plusieurs points sensibles, indique le rapport, comme l'insuffisance de la méthode d'élaboration des contrats de plan. En particulier, des difficultés pourraient apparaître dans la manière d'impliquer les partenaires sociaux, et des inquiétudes se manifestent sur l'association des réseaux consulaires à l'élaboration des CPRDF ou encore de Pôle emploi ou de l'Afpa. Mais l'ARF et Pôle emploi se sont rapprochés et un accord-cadre est envisagé.

Les mesures d'accompagnement de la crise

Le contrat de transition professionnelle (CTP) a connu un fort développement : de 1 908 en 2008 à 17 465 en 2009. Sur les neuf premiers mois de l'année, nous sommes passés de 11 195 entrées en 2009 à 14 958 en 2010 (+ 34 %). Par ailleurs, trois appels à projets du FPSPP ont permis de financer la formation de 28 500 personnes au total. La dépense de l'État au titre de l'allocation spécifique de chômage partiel a été multipliée par 19 entre 2008 et 2009. Près de 122 000 salariés dans ce cas ont pu être formés grâce au FPSPPP.

LES REPONSES DE NADINE MORANO

La ministre de l'Apprentissage et de la Formation professionnelle a été auditionnée par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale le 8 mars, après que les députés Gérard Cherpion et Jean-Patrick Gille aient présenté leur rapport.

Nadine Morano a déclaré que cette loi mettait en place une “nouvelle façon de faire travailler l'ensemble des acteurs" et rappelé qu'elle intervenait dans un contexte de crise. En un an, a-t-elle souligné, 83 % des textes d'application ont été publiés. Trois rapports seront déposés d'ici fin mars : sur l'évaluation de la portabilité du Dif, sur l'évolution du statut de la CNCP et sur la formation dans les zones transfrontalières.

Interrogée sur les moyens dont disposera le CNFPTLV pour assurer ses nouvelles missions, la ministre a répondu que le Conseil subissait les contraintes financières générales et avait déjà reçu l'appui d'un cadre de haut niveau. Par ailleurs, Nadine Morano a annoncé qu'elle travaillait avec Jean-Robert Pitte, le délégué à l'information et à l'orientation, sur la mise en place du service public de l'orientation, et que les travaux avançaient rapidement. Elle a attiré l'attention des membres de la commission sur le site Orientation&Formation piloté par Centre Inffo, qu'elle a qualifié de “très bien construit et facile d'accès". Par ailleurs, le décret de labellisation des futurs lieux d'accueil vient d'être examiné par le Conseil d'État et sera prochainement publié.

Concernant le FPSPP, elle s'est déclarée particulièrement attentive à ce que les Opca s'engageant dans les appels à projets réalisent toutes les actions correspondantes. Questionnée sur le prélèvement de 300 millions d'euros opéré par l'État sur les ressources du fonds, Nadine Morano a précisé que cette ponction n'affectait pas les prévisions budgétaires pour 2011 et que la somme était directement affectée au financement de formations.

Évoquant le contexte juridique complexe de l'Afpa, la ministre a annoncé qu'un groupe d'experts (IGF et Conseil d'État) sera prochainement installé pour explorer “toutes les pistes structurelles", avec des conclusions prévues pour fin mai. Répondant à des interrogations sur l'illettrisme, Nadine Morano a signalé que 15 % des demandeurs d'emploi rencontraient ce type de difficultés. Un effort sera fait pour renforcer les savoirs de base et une manifestation sur ce thème sera organisée au Conseil économique, social et environnemental le 29 mars prochain.

“L'ensemble du corpus réglementaire" concernant les Opca “sera connu fin mars", a annoncé la ministre. Il s'agit de trois arrêtés : un sur le plafond des frais de gestion, un sur la procédure d'agrément et le dernier sur le plan comptable. Pour elle, les frais de gestion doivent être “adaptés à l'offre de services rendus" et l'arrêté qui déterminera leur taux sera pris après la négociation des Com, et non en préalable.
Elle a aussi annoncé qu'elle réunirait l'ensemble des Opca le 22 mars sur la POE (préparation opérationnelle à l'emploi) pour fixer des objectifs chiffrés d'entrées en formation via ce dispositif.

En conclusion, Nadine Morano a déclaré que la loi du 24 novembre 2009 avait permis des avancées significatives et qu'elle souhaitait mettre en place une labellisation des formations pour s'assurer de la performance des actions.