Premiers pas dans la POE collective : l'exemple de deux entreprises entrées dans le dispositif

Par - Le 16 mars 2012.

La POE collective se met en place. Les premières sessions de formation débutent, voire se terminent, comme dans le secteur des transports en Bourgogne. D'autres opérations sont en cours de finalisation, telles que celle conduite par Carrefour. Les entreprises concernées apparaissent pleinement satisfaites.

La POE collective a été instaurée par la loi “Cherpion" du 28 juillet 2011 sur “le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels". Elle doit permettre à des demandeurs d'emploi d'occuper des postes correspondant à des besoins identifiés par un accord de branche ou par un Opca. Le dispositif a fait l'objet d'un appel à projets du FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels), lancé le 7 novembre 2011, dont le financement vient compléter celui de l'Opca qui prend en charge l'intégralité des frais pédagogiques. Cinq Opca y ont répondu : le Forco (branches du commerce), le Fafih (hôtellerie-restauration), Opcalia, Opca Transports et Opca C2P (chimie, pétrole et pharmacie, branches qui ont rejoint depuis l'Opca Défi). À cette date, l'enveloppe budgétaire prévisionnelle s'élevait à 9 millions d'euros.

Autre partenaire dans la mise en œuvre de la POE : Pôle emploi. Une délibération du 16 novembre 2011 de son conseil d'administration précise qu'il intervient en mobilisant la RFPE (rémunération des formations de Pôle emploi) et les Afaf (aide aux frais associés à la formation) sur les actions de formation dans la limite de 400 heures, comprenant un maximum d'un tiers de temps en “immersion en entreprise". Pas de cofinancement donc, contrairement à la POE individuelle. Pôle emploi prend en charge uniquement l'indemnisation des stagiaires ainsi que les frais associés à la formation. Les Opca doivent cependant signer avec lui une convention définissant les modalités d'intervention financières et les modalités de coopération. Le dernier en date est le Fafsea, Opca des salariés des exploitations et entreprises agricoles, qui a formalisé ce partenariat avec Pôle emploi le 1er mars dernier, dans l'objectif de réaliser 1700 POE en 2012. Selon la convention, “il s'agit de pourvoir au renouvellement d'une main-d'œuvre vieillissante", mais aussi, parfois, au glissement du statut d'exploitant à celui de salarié, et (corollaire) au développement du nombre d'entreprises employant une main-d'œuvre salariée.

Si la POE collective peut aboutir à la conclusion d'un CDI, d'un contrat de professionnalisation de douze mois minimum, d'un contrat d'apprentissage ou d'un CDD de douze mois minimum, le dispositif apparaît surtout comme un moyen de développer l'alternance. Selon Yves Hinnekint[ 1 ]Lors de sa participation à la matinée sur l'apprentissage organisée par Centre Inffo le 14 novembre 2011. , directeur général d'Opcalia, “les jeunes pourront poursuivre leur POE avec un contrat de professionnalisation. C'est une prise en main qui aura pour effet de réduire le taux d'abandon". Ce dispositif devrait aider certaines branches de l'Opca, comme celle de la sécurité privée, “qui ne délivre pas de titre en contrat de professionnalisation mais pourra le faire dans le cadre d'une POE". Ainsi, espère-t-il, “nous marchons à grand pas vers une lisibilité et un lissage de l'alternance".

Problématique particulière dans le transport scolaire

Si l'alternance est en effet le leitmotiv d'entreprises comme Carrefour qui lance en avril une POE avec l'aide du Forco (voir interview) pour le recrutement de futurs apprentis, certaines entreprises l'utilisent pour recruter des salariés en CDI. C'est le cas en Bourgogne dans le secteur du transport scolaire et interurbain. L'Opca Transports a ainsi signé sa première POE collective avec la Fédération des transports de voyageurs (FNTV) dès le 2 janvier dernier, avec l'objectif de former une soixantaine de demandeurs d'emploi aux métiers de conducteur de voyageurs d'ici la fin 2012 dans la région. Une première session de vingt-huit personnes se termine fin mars. Une deuxième session d'environ vingt-cinq personnes se déroulera jusqu'à la fin avril. Ce métier en tension subit la contrainte forte du temps partiel, qui rend difficile le montage de contrats de professionnalisation. “Nous ne pouvons pas mettre en place l'alternance et financer un temps complet, puis demander à la personne formée de passer à un salaire à temps partiel… Cela provoque une forme d'insécurité juridique pour l'entreprise car, si la personne échoue, ce n'est pas un motif pour rompre le contrat. Et l'entreprise ne peut pas employer une personne non-qualifiée", explique Philippe Demonteix, secrétaire général de la FNTV.

“Nous sommes confrontés à une double difficulté : nous devons former, mais ce n'est pas faisable avec le contrat de professionnalisation, car ce n'est pas tenable sur des postes à temps partiel", confirme Virginie Thomas-Brousse, responsable RH de deux entreprises de transport de voyageurs engagées dans le dispositif en Bourgogne : Transdev Pays d'Or, avec six demandeurs d'emploi, et Les Rapides de Bourgogne, avec six autres). Tous les profils qui acceptent les contraintes du temps partiel sont donc concernés par l'opération. “Ils sont dans un deuxième choix de vie", souligne Philippe Demonteix. “Le portrait robot de nos candidats est celui d'une personne en deuxième partie de carrière, avec un parcours professionnel morcelé, pas nécessairement formé, âgé de 40 à 45 ans", précise Virginie Thomas-Brousse.

Vers l'obtention d'un titre professionnel

Dans cet exemple, le demandeur d'emploi entrant en formation connaît son employeur, qui l'a choisi, a validé sa formation et s'est engagé à l'embaucher. L'entreprise est ainsi présente du début à la fin de la formation et, surtout, le demandeur d'emploi peut obtenir un titre professionnel − ce qui n'est pas le cas dans toutes les POE. La préparation du titre professionnel de conducteur de voyageurs, qui permet l'accès au métier du transport scolaire pour ensuite évoluer sur des activités de transports occasionnels et de tourisme, a en effet été privilégiée. Les salariés peuvent rapidement évoluer sur d'autres missions, comme le tourisme, avec d'autres entreprises. “Nous avons estimé qu'il était préférable que les salariés bénéficient d'une formation qualifiante plutôt qu'a minima, un permis de conduire et la formation initiale obligatoire (Fimo)", précise Philippe Demonteix. Tous les candidats seront non seulement embauchés, mais auront aussi obtenu un titre professionnel.

Autre intérêt de cette POE collective : un financement total. Cette formation ne coûte rien au demandeur d'emploi (alors que le permis et la Fimo coûtent environ 6 000 euros) et pas davantage à l'entreprise. “Et nous comprenons enfin à quoi sert le FPSPP !", sourit Virginie Thomas-Brousse. Par ailleurs, dans ce cas de figure, l'entreprise a pratiquement la main sur tout. “En amont, il y a tout un travail pour détecter les besoins, puis rechercher les candidats, sélectionner les organismes de formation. Ensuite, l'entreprise choisit la personne. La décision finale lui appartient totalement", explique Philippe Demonteix. “C'est très confortable pour l'entreprise, confirme Virginie Thomas-Brousse. L'Opca est très présent et Pôle emploi également. Toutes les questions administratives sont gérées… Nous n'avons eu qu'à faire part de nos besoins, choisir les candidats et, à présent, attendre qu'ils reviennent de formation."

Notes   [ + ]

1. Lors de sa participation à la matinée sur l'apprentissage organisée par Centre Inffo le 14 novembre 2011.