Trois ans de tempêtes

Par - Le 01 juin 2012.

Au moment où une unanimité se fait entre l'État, les Régions et les partenaires sociaux sur l'urgence à doter tous les actifs d'une qualification et de compétences correspondant aux besoins du marché du travail, l'Afpa peut contribuer à apporter une réponse tant pour les adultes que les jeunes en début de vie professionnelle." C'est ce qu'indiquait Gérard Larcher dans son rapport intitulé “La formation professionnelle : clé pour l'emploi et la compétitivité", remis à Nicolas Sarkozy début avril 2012. Le sénateur des Yvelines préconisait la conduite “sans délai" d'une mission parlementaire sur la question.
Depuis la remise de ce document, le gouvernement a changé. Le pouvoir en place hérite d'un dossier épineux dont les tenants et aboutissants dépassent le cadre du simple devenir de l'association, pour toucher la définition même de la notion de service public, ou encore la répartition des compétences entre État et Régions.

Le grand plongeon dans le marché

Petit retour en arrière [ 1 ]Voir aussi L'Inffo n° 804, pp. 30-31. Nous sommes le 1er janvier 2009. En vertu de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui organise la décentralisation complète de la formation des demandeurs d'emploi, l'association entre sur le marché privé. La raison ? Une mise en conformité avec le droit de la concurrence européenne. Désormais, son financement n'est plus garanti par l'État, et elle doit, pour assurer sa mission, se soumettre aux appels d'offres de formation lancés par les Régions.
Ce passage aux appels d'offres n'a cessé, au cours des trois dernières années, d'être dénoncé par les syndicats de l'association. Dans un communiqué adressé à Gérard Larcher le 27 mars dernier, la CGT, la CFDT, la CGT-FO, Sud-Solidaires, la CFE-CGC et la CFTC en listaient les conséquences dans certaines régions : “Atomisation de l'offre en une multitude de petits lots, effondrement du portefeuille d'activités pour l'Afpa, risque de fermeture de formations et de sites, remise en cause de la continuité de l'offre et de l'activité." Ils demandaient un réengagement de l'État, jugeant essentiel d'accorder à l'association “les moyens financiers d'intervenir à la hauteur des besoins". De fait, le nombre de demandeurs d'emploi qu'elle accueille ne cesse de diminuer : de 120 000 en 2008, ils seraient passés à environ 90 000 en 2011.
Autre point litigieux : le patrimoine immobilier, détenu par l'État, mais que la loi du 24 novembre 2009 a prévu de céder à l'association elle-même. La disposition a ensuite été annulée par le Conseil constitutionnel. La question n'est toujours pas réglée à ce jour, la controverse entre l'État et certaines Régions, qui souhaitent que le patrimoine de l'Afpa leur revienne, ayant été portée devant les tribunaux. Enfin, la même loi organise le transfert des psychologues de l'association à Pôle emploi, toujours aux termes du droit européen de la concurrence. Et la prive ainsi de son dispositif d'accueil et d'accompagnement.

Entre deux eaux

Face à ce constat, quel avenir peut aujourd'hui s'offrir à l'Afpa ? L'association navigue aujourd'hui entre deux eaux : reconnue pour son savoir-faire, notamment en ce qui concerne la formation des demandeurs d'emploi et pour l'atout que constitue son maillage territorial, peut-elle s'attendre à un retour au système de subvention ? ,François Hollande, s'est, dans une lettre adressée à la CFDT Afpa en avril, déclaré en faveur de cette option. C'est du côté de l'Europe que l'association tourne ses espoirs. Le 20 décembre 2011, la Commission a adopté le paquet “Almunia-Barnier", de nouvelles règles qui simplifient le financement de certains SIEG (Services sociaux d'intérêt général) par l'État, dans les domaines sociaux, médicaux-sociaux et de santé, considérant leur faible niveau d'affectation des échanges intracommunautaires et de risque d'altération de la concurrence. Des séances de travail ont régulièrement lieu entre l'ARF (Association des Régions de France) et la Commission européenne afin de préciser si oui ou non, la formation professionnelle, notamment en direction des publics fragilisés et des demandeurs d'emploi, doit être considérée comme un SIEG.

Bientôt 22 Afpa régionales ?

Très impliquées dans ce dossier, les Régions sont donc au centre du débat relatif à l'avenir de l'institution. Dans le cadre d'un service public régional de l'emploi et de la formation, dont François Hollande souhaiterait leur confier la mise en œuvre, certaines entendent prendre la gestion de l'Afpa. Les syndicats, quant à eux, se déclarent contre l'éclatement de l'association en entités régionales au nom de l'égalité d'accès et de traitement des bénéficiaires sur le territoire.
À quoi ressemblera l'Afpa à la fin du prochain quinquennat ? Sera-t-elle régionale ou nationale ? Œuvrera-t-elle sur le marché privé, public ou un peu dans les deux ? François Hollande ayant affirmé qu'il ne réitérerait pas les prélèvements effectués par ses prédécesseurs sur le FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) dans le but, notamment, de financer l'Afpa, où trouver l'argent nécessaire à son fonctionnement ? Que va-t-il advenir des psychologues aujourd'hui en poste à Pôle emploi ? Verront-ils, comme ils le craignent, leur métier disparaître ? Divers scenarii sont possibles. Contactée, la direction de l'association n'a pas donné suite pour nous faire part de son opinion sur la question. Pour les syndicats, une chose est sûre, le temps presse et les tergiversations ne devront pas durer trop longtemps.

Notes   [ + ]

1. Voir aussi L'Inffo n° 804, pp. 30-31