“Tout dysfonctionne !"

Par - Le 01 juin 2012.

Une “hausse de la précarisation qui participe au climat social délétère", “l'apparition d'une politique du chiffre", “le personnel inquiet"… C'est ainsi que Patrick Luccini, formateur et délégué syndical régional CGT pour l'Afpa Île-de-France, décrit la situation au sein de l'association dans sa région. Avec environ 15 000 personnes formées en 2011, dont près de 9 000 demandeurs d'emploi, l'Île-de-France est la région où l'Afpa forme le plus. Pourtant, ici comme beaucoup d'autres régions, les salariés vivent difficilement l'entrée dans le secteur privé. “C'est une situation compliquée pour les personnels. Tous les métiers sont touchés, même celui des managers de campus !"
En cause, une exigence accrue de flexibilité pour répondre à la commande régionale. “L'obligation pour l'Afpa de répondre à des appels d'offres a pour conséquence que, d'une année sur l'autre, certaines formations disparaissent, car elles ne sont pas retenues par les régions, explique Jean Chaléard, secrétaire du CRE (comité régional d'entreprise) de l'Afpa Île-de-France. Ainsi, en 2009, nous avions investi 300 000 euros dans des équipements pour des formations qui ont dû fermer. Nous n'avons aucune visibilité sur les enseignements qui seront dispensés, ce qui, d'une part, rend difficile les investissements, et d'autre part, nous oblige sans cesse à adapter la main-d'œuvre pour « coller » à la commande. Nous devons embaucher sous contrats précaires, ce qui fait fuir les meilleurs formateurs. Nous sommes parfois obligés d'accepter des personnes qui n'ont pas les compétences nécessaires ! Bref, la qualité de nos prestations s'en ressent terriblement. Il n'y a plus d'administratif, tout dysfonctionne !"
Patrick Luccini ajoute quant à lui : “Avec le transfert des psychologues de l'Afpa à Pôle emploi, nous avons perdu non seulement des compétences, mais aussi une cohérence dans l'offre de services de l'association."

“Certains centres sont en ruine !"

Autre difficulté : la maintenance des locaux, l'État ayant rétrocédé à l'Afpa son patrimoine immobilier. Si cette disposition a été annulée par le Conseil constitutionnel, la question n'est certes pas réglée. “Aujourd'hui, l'État nous doit 80 millions d'euros pour l'entretien. Certains centres sont en ruines et menacent de fermer !, martèle Patrick Luccini. En Île-de-France, nous assisterons probablement à la fusion du centre de Plessis-Robinson et de celui de Meudon. Ils ne sont pas très éloignés et les stagiaires pourront s'y retrouver, mais le personnel n'a aucune visibilité !" Le représentant régional CGT pointe également le manque de matériel sur les plateformes techniques : “Certains de mes collègues manquent de tout. Certaines formations en plomberie, par exemple, se font sans cuivre, car cela coûte trop cher..." “Certains formateurs en arrivent à simuler les gestes professionnels pour transmettre leur savoir !", s'indigne quant à lui Jean Chaléard.

Certaines Régions “ne jouent pas le jeu"

Tout deux ajoutent que certains Conseils régionaux, comme celui, voisin, de Picardie, ne “jouent pas le jeu" et ne se préoccupent pas de l'Afpa. “D'ailleurs, lorsqu'il est question de formation, les Conseils régionaux pensent surtout aux jeunes et ne mettent pas en place des politiques de formation ambitieuses. La spécialité de l'Afpa, c'est de travailler avec des personnes qui ont déjà une expérience professionnelle. Aujourd'hui, on nous demande d'animer des formations sur la ponctualité !", déclare Patrick Luccini. Selon lui, le problème est le même avec les POE (préparations opérationnelles à l'emploi) collectives : “Le concept de la POE est de donner le complément de formation nécessaire pour occuper un emploi défini. Or, aujourd'hui, on nous envoie des personnes qui n'ont rien à voir, de près ou de loin, avec le métier préparé. Les formations comptent de 15 à 20 personnes, la plupart en CDD. Cela gonfle les chiffres de l'Afpa et fait plaisir à l'État, mais je ne suis pas sûr que cela soit d'un quelconque bénéfice pour les stagiaires."

De “graves problèmes" de trésorerie
Ainsi, les deux représentants CGT argumentent-ils en faveur du repositionnement de l'association sur le terrain du service public. Ils souhaitent un pilotage par l'État. “Pour maintenir l'unité et une véritable égalité sur tout le territoire, il faut un financement national. Si nous revenons à la subvention, ce que nous craignons, c'est l'émiettement. L'Afpa Île-de-France, c'est 800 salariés et 15 centres. Le Conseil régional sera-t-il prêt à faire suffisamment d'efforts pour les préserver ? Nous n'avons pas la réponse." En 2011, l'Afpa Île-de-France a vu son résultat baisser de 10 %. “Nos dirigeants mettent tous l'accent sur le chiffre d'affaires, mais il ne faut pas oublier que nous avons également de graves problèmes de trésorerie", souligne Patrick Luccini.

Interrogés sur le possible impact du changement de majorité, les représentants CGT admettent “avoir de l'espoir", mais affirment qu'ils “attendent de voir". “Nous espérons que les déclarations diverses se traduiront par de véritables actions", conclut Jean Chaléard.