Biennale 2012 : “Un lieu de rencontres des cultures en éducation"

La 8e Biennale internationale de l'éducation, de la formation et des pratiques professionnelles s'est ouverte au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) à Paris, le 3 juillet dernier, avec pour thème : “Transmettre ?". Sous la présidence d'honneur de Bertrand Schwartz.

Par - Le 01 août 2012.

Le président de la Biennale, Jean-Marie Barbier, a indiqué que cette manifestation était “l'occasion pour les acteurs professionnels, scientifiques et sociaux, de se retrouver autour du thème de la transmission et des grands enjeux du développement humain". Et de poursuivre : “La Biennale est un lieu de rencontres des cultures en éducation et multiculturelles. (...) En accueillant des adultes avec une expérience professionnelle en formation, nous avons inversé le rapport éducatif et instauré de nouvelles combinaisons entre savoirs et activités. Il s'agit d'une ouverture du champ éducatif aux situations silencieuses de travail."

Invitée à la conférence plénière d'ouverture, Anne Houtman, chef de la représentation de la Commission européenne en France, a considéré que “la transmission est au cœur du projet européen, à savoir l'union dans la diversité. (...) Il y a bien sûr la transmission aux jeunes européens des valeurs inscrites dans la charte européenne des droits fondamentaux. Sur le plan éducatif et culturel, il s'agit d'élargir la dimension européenne en mettant l'accent sur l'apprentissage des langues étrangères et ainsi faire vivre l'Europe des 27 États membres", a-t-elle considéré.

Hôte de la manifestation, l'administrateur général du Cnam, Christian Forestier, n'a pas manqué de souligner le rôle du Conservatoire en matière de formation des adultes : “Le Cnam est un établissement au cœur du système de formation, avec sa spécificité dont je ne connais pas d'équivalent au plan européen. Nous estimons aujourd'hui qu'il y a un million de nos concitoyens qui ont en poche une attestation de notre structure, soit pour une partie d'un diplôme, soit pour un diplôme complet." Le savoir-faire du Cnam a été démultiplié en régions (28 centres régionaux, 150 centres d'enseignement) et l'établissement public compte 12 implantations à l'étranger. Jean-Claude Bouly, directeur de l'École management et société (MS) au sein du Cnam, a évoqué “la réforme profonde" de cet établissement, “qui s'est traduite par la réorganisation interne en deux grandes écoles, l'une centrée sur les technologies de l'information et l'autre consacrée au management et société". En outre, le département travail et orientation de l'école MS “redéploie une approche complète en matière d'expertise sur les métiers de la formation", avec l'aide de Vincent Merle, professeur titulaire de la chaire Emploi, travail, acquisitions professionnelles.

Philippe Grandin

Le Cnam : au carrefour de l'enseignement supérieur et de l'emploi

Loi Delors de 1971, réforme LMD de 1999, loi de modernisation sociale de 2002, loi LRU de 2007… autant de cadres législatifs et juridiques qui auront contraint les établissements relevant de l'enseignement supérieur à se tourner vers la formation des adultes, plus ou moins de bon gré.
Cas atypique, le Conservatoire national des arts et métiers, bien que relevant du même ministère que les Universités, s'est pour sa part positionné depuis très longtemps sur cette thématique, puisque l'anticipation des besoins professionnels à venir et la création de parcours de formation dédiés fait partie des missions dévolues à cette “vieille maison", comme cela fut rappelé le 4 juillet à l'occasion de la Biennale de l'éducation, de la formation et des pratiques professionnelles.
Une mission qui va bien au-delà de la simple adaptation des diplômes universitaires, d'ailleurs, puisqu'elle impose au Cnam de se situer au carrefour des besoins de performances de ses stagiaires, de ceux des entreprises, des questions d'emploi, mais aussi de l'individualisation des parcours, et ce depuis une date bien antérieure à la réforme LMD qui a eu pour conséquences l'éclatement des UFR universitaires et la possibilité, pour les étudiants, de se construire des parcours presque “à la carte". Dominique Gentile, directeur national de la formation pour le Conservatoire, s'en explique : “Si le Cnam relève du ministère de l'Enseignement supérieur, il pourrait tout aussi bien se trouver sous la double tutelle de ce ministère et de celui du Travail et de l'Emploi. Les diplômes que nous délivrons, les contenus pédagogiques que nous concevons renvoient autant à l'acquisition de savoirs universitaires qu'à des besoins de nature économique, et même sociale, puisqu'aujourd'hui, les carrières professionnelles sont bien moins linéaires que pendant les Trente glorieuses." Enseignant en sciences physiques et spécialiste des questions énergétiques, Dominique Gentile, venu au Cnam voici deux ans à la demande de l'actuel directeur, Christian Forestier, est d'autant plus conscient de la nature duale de la pédagogie développée par le Conservatoire que ses travaux ont abouti, en août 2011, à la création d'une licence dédiée à l'économie énergétique, désormais inscrite au Répertoire nationale des certifications professionnelles (RNCP).
Pas question, donc, de créer une offre qui ne serait qu'une déclinaison des formations universitaires déjà existantes et qui impose donc une étude des attentes et des besoins… souvent avant même qu'ils n'aient été exprimés. “C'est tout le paradoxe de notre activité que de concevoir des formations pour des métiers qui, parfois, n'existent pas encore", résume Jean-Luc Ferrand, enseignant-chercheur à la chaire de formation des adultes du Conservatoire. Et si l'institution dispose (notamment depuis 1971) d'études prospectives provenant des observatoires des branches professionnelles ou des Régions sur les besoins d'avenir, une trop forte anticipation peut se révéler contre-productive. “Lorsqu'un besoin est anticipé trop en avance, il a souvent changé au moment où le contenu de formation est déployé !" D'où, aux yeux de cet universitaire, la nécessité de ne répondre à la demande que lorsque celle-ci a été soigneusement étudiée, et surtout de proposer une offre “sur-mesure".
Une offre sur laquelle le Cnam avait, jusqu'en 1999, un quasi monopole (dans le secteur public, tout au moins). Mais depuis la réforme LMD et la loi LRU, l'Université est venue le concurrencer directement, proposant peu ou prou la même gamme de parcours individualisés. Ainsi, celle de Nantes accueille désormais presque 15 000 stagiaires de la formation continue sur un effectif total de 50 000 inscrits. Une situation à laquelle le Cnam peut faire face, selon Dominique Gentile, “à la condition qu'il soit renforcé par rapport aux autres organismes de formation, non dans une logique de concurrence, mais de complémentarité". Une non-concurrence que le directeur national de la formation du Conservatoire explique par la spécificité des enseignements dispensés au sein de l'établissement : “Une licence universitaire classique n'est pas similaire à un titre inscrit au RNCP. Le premier diplôme relève d'un enseignement de savoirs disciplinaires, le second d'une démarche de transmissions non seulement de contenus pédagogiques, mais aussi de compétences professionnelles." Un domaine où, pour l'instant, le Cnam dispose encore d'une expérience de plus de quarante ans.

Benjamin d'Alguerre

Apprentissages tout au long de la vie : un concept mondialement partagé...

À l'occasion de la Biennale, le Comité mondial pour les apprentissages tout au long de la vie (CMA) a tenu un colloque le 5 juillet, présentant les grandes tendances mondiales en matière d'éducation et de formation.
Yves Attou, président du CMA, a rappelé les jalons de l'apparition du concept de formation tout au long de la vie : Marshall MacLuhan et sa notion de “village global" en 1967, Jacques Delors et la “clé d'entrée dans le XXIe siècle" en 1996, Koichiro Matsura, directeur général de l'Unesco et son appel à une “révolution copernicienne" de l'éducation en 1998. “En effet, c'est une véritable révolution qui a fait naître un nouveau système, un réseau mondial des apprentissages tout au long de la vie. Grâce aux nouvelles technologies, nous pouvons accéder aux savoirs des Grandes écoles et des Universités par exemple", a soutenu Yves Attou. Ajoutant : “Cette révolution de l'éducation comporte trois tendances : mondialisation, numérisation, marchandisation."
“La notion d'apprentissage tout au long de la vie permet d'élargir le concept d'éducation à l'ensemble des acquis de l'expérience, a observé Évelyne Deret, secrétaire générale du CMA, ce qui permet de toucher les sphères professionnelles, sociales et citoyennes, de la naissance à la fin de la vie." Une approche que promeut le CMA, qui considère qu'elle “décloisonne" les systèmes dans un contexte de crise, d'allongement de la durée de la vie et de révolution numérique. “Peu à peu, elle a permis l'élaboration d'instruments favorisant la flexibilité des parcours d'apprentissage, tels que les passerelles entre les systèmes d'éducation et de formation ou l'utilisation plus large des acquis pour définir les certifications", entre autres.
Plusieurs défis sont à relever : dégager des financements, réduire les inégalités d'accès à la formation, réduire l'échec scolaire et le décrochage, sans oublier la fracture numérique. Surtout, selon Évelyne Deret, “il faut développer l'acquisition des compétences-clés tout au long de la vie". Des questions touchant à la cohérence, au contexte socioéconomique et au financement restent à régler pour un jour atteindre les 6 % de PIB utilisés pour l'éducation et la formation dans chaque pays, comme l'a préconisé l'Unesco.

Sandrine Guédon

L'Université d'entreprise, meilleur outil de transmission des savoirs et des valeurs ?

Pour Frédéric Beaud, consultant au sein du cabinet Hommes et performance, qui s'exprimait à l'occasion d'un colloque du Garf [ 1 ]Groupement des acteurs et responsables de la formation. tenu le 5 juillet dans le cadre de la Biennale, les Universités d'entreprise peuvent constituer de véritables “réponses formation" en interne, optimisant enfin la rencontre de la demande et de l'offre.
“Il existe une montée en puissance des Universités d'entreprise, a-t-il observé, de nombreuses organisations mettent en place de telles structures internes, souvent déconnectée du service RH, mais reliées directement aux comités de direction." Elles correspondent aux besoins que rencontrent des entreprises de plus en plus dématérialisées et qui s'appuient sur les expériences remontées du terrain.
Pour la revalorisation de l'encadrement intermédiaire, d'abord. Une population encadrante qui se veut actrice de sa propre formation. Selon Pierre Denis, chargé de mission au Garf et principal rédacteur d'une étude consacrée à ces questions, “ils souhaitent participer à la co-construction de leur formation, tant en amont qu'en aval".
Au-delà, Frédéric Beaud a notamment cité les formations destinées à améliorer les compétences relationnelles des contrôleurs de la SNCF, conçues grâce à une observation des pratiques et à des mises en situation. “Seule une Université d'entreprise, connaisseuse des problématiques internes, peut développer ce type d'actions." Et la SNCF n'est pas la seule concernée par cette transmission de valeurs “maison", puisque Louis Vuitton invite, tous les deux ans, ses directeurs de magasins dans la capitale française, à ces fins.
Dématérialisation et internationalisation des groupes obligent, les réseaux sociaux et les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont également mis au service de cette transmission des savoirs et des valeurs internes. “Leur usage crée du lien et permet d'échanger les expériences et les pratiques", a rappelé le consultant. Et c'est précisément ce lien qui se voit susceptible de permettre aux managers de proximité de retrouver leur place dans l'organigramme des entreprises, dans le cadre d'une authentique activité de “recherche et développement managérial" que Pierre Denis appelle de ses vœux. “Ce développement managérial issus des expériences vécues, et donc très humain, est très demandé par les encadrants intermédiaires. La formation théorique seule ne suffit plus."

Benjamin d'Alguerre

Notes   [ + ]

1. Groupement des acteurs et responsables de la formation.