“Tous les métiers sont verts", et les formations aussi...
L'“économie verte" porte en ses flancs des dizaines, peut-être des centaines de milliers d'emplois nouveaux, ou à réinventer. D'ores et déjà, l'offre de formation est au rendez-vous, comme en ont témoigné les participants du colloque “Tous les métiers sont verts", organisé le 16 novembre dernier à Strasbourg par l'Afpa.
Par Knock Billy - Le 01 décembre 2012.
L'objectif était d'échanger expériences et témoignages entre partenaires et acteurs sur le croisement des enjeux économiques et de développement durable. Organisé avec le soutien du Fonds social européen, le colloque a rassemblé plus de 150 spécialistes français, britanniques, belges, allemands et néerlandais. “Deux Européens sur trois estiment que le changement climatique est un problème plus grave que les difficultés économiques !, a déclaré Martine Caldéroli-Lotz, vice-présidente du Conseil régional Alsace, et par ailleurs membre du conseil d'orientation de l'Afpa. Les solutions sont identifiées. Certaines ont fait l'objet de décisions. La formation professionnelle en fait partie ! Elle a un rôle primordial à jouer dans la protection de l'environnement".
Les participants étaient unanimes : la protection de l'environnement génère une nouvelle économie, “porteuse de croissance" − la fameuse “croissance verte". Laquelle implique des mutations profondes pour les entreprises, de nouvelles compétences et de nouveaux métiers pour les salariés : dans les “filières vertes" (gestion des espaces, collecte et recyclage des déchets, énergies renouvelables), mais également dans les secteurs traditionnels soumis de plus en plus à des obligations environnementales nécessitant de nouvelles compétences, et par là, de nouvelles formations. Elle peut également constituer une source nouvelle d'opportunités d'accès à l'emploi, de reconversion, de qualification, ou encore de valorisation de compétences et d'insertion professionnelle.
En effet, a indiqué Tristan Klein, chef de projet “Prospective des métiers et des qualifications" au département Travail-emploi du Centre d'analyse stratégique (CAS), “les activités de l'économie verte croissent plus vite que l'économie totale. À l'horizon 2030, seront créés dans cette économie plus de 500 000 emplois". Il est clair que le “verdissement" de l'économie va prendre une ampleur de plus en plus importante dans les années à venir.
“Devin Vert"...
Justement, Dominique Schwach, directeur-adjoint de l'Afpa, en charge de l'animation régionale auprès du président Yves Barou, est convaincu que la question du développement durable oblige les organismes de formation, et particulièrement l'Afpa, à rénover leur ingénierie et à intégrer de nouvelles méthodes de travail. Ceux-ci doivent permettre de construire des dispositifs de formation qui prennent en compte les différents aspects de la croissance verte et de l'évolution des métiers, en termes d'opportunité pour le développement économique et l'emploi. Il faut dire que l'organisme de formation public, qui peut se prévaloir de former 160 000 stagiaires annuels a très tôt compris la problématique.
En effet, l'Afpa, avec le soutien du Fonds social européen, a initié en 2010, dans la continuité des travaux du Grenelle de l'environnement, un programme d'envergure dénommé “Devin Vert" (Développement durable et innovation). Ce programme, qui court jusqu'à juin 2013, doit “favoriser la conception d'une nouvelle méthode pour le perfectionnement des salariés, l'élaboration de nouveaux parcours de formation", a indiqué Chantal Sartori, directrice de l'innovation de l'Afpa, rappelant la stratégie d'innovation de l'association et ses nouvelles méthodes d'ingénierie de la formation. Elle a précisé que le programme a déjà lancé 115 projets, conçu 20 nouveaux parcours de formation, produit une centaine de nouvelles ressources pédagogiques. “Nous avons formé en interne plus de 7 300 personnes à la prise en main de ces nouvelles productions et des perfectionnements spécifiques."
... ou “Plan Marshall vert"
Aujourd'hui, une idée simple et évidente fait son chemin : “Mieux vaut essayer de construire des modules de formation intégrant des préoccupations écologiques que de vouloir monter des dispositifs de formation exclusivement vertes. Les Australiens le font et observent des résultats prometteurs", a défendu Julien Leclerc, chargé d'étude à l'Oref Alsace. Convaincu que la VAE peut être un dispositif utile pour les personnes souhaitant faire valoir leurs compétences dans des métiers verts.
Sur ce plan, les Belges semblent avoir des inspirations en avance sur nous. En effet, a indiqué Guibert Debroux, directeur du service public wallon de l'emploi et de la formation (Forem), notre voisin a initié dès 2005 un programme dénommé “Plan Marshall vert". Celui-ci a évolué vers un “Plan Marshall 2.vert", doté d'abord d'un budget de 1,6 milliard d'euros auxquels devaient s'ajouter 1,15 milliard de “financements alternatifs". Au Forem, les équipes travaillent à définir avec plus de pertinence le caractère “vert" des formations. “Nous avons défini une grille de critères nous permettant de cerner avec plus de logique ce qui peut entrer les modules de formation dites vertes", a indiqué Guibert Debroux.
Bref. Pour Chantal Sartori, “que nous le voulions ou non, tous les métiers vont devenir verts". Et comme l'a rappelé Martine Calderoli, “nous n'héritons pas de la Terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants"...
Afin de répondre encore plus précisément aux besoins des entreprises, l'École centrale Paris executive education et son Collège des hautes études de l'environnement et du développement durable (CHEDD) de Paris propose une formation certifiante en développement durable. Cette formation, qui dure dix-huit journées, est “un programme original pour transmettre aux cadres l'expertise du développement durable pour participer aux politiques d'entreprise qui renouvellent leur métier et leur compétence traditionnelle", précise Patrick d'Humières, directeur du CHEDD Paris et responsable pédagogique de l'executive certificate [ 1 ]Executive certificate entreprise durable et responsable. , également fondateur de l'Institut RSE management.
Destinée aux cadres et dirigeants, la formation recoure à des “experts reconnus" et s'appuie sur des études de cas, avec un travail collectif donnant lieu à une soutenance publique en fin d'année. Il s'agit permettre aux stagiaires d'acquérir une “connaissance fondamentale" du concept de développement durable, de sa genèse à sa mise en œuvre dans les politiques publiques et privées. Ensuite, ils se familiariseront avec sa déclinaison dans tous les champs de l'économie et de la vie sociale, pour comprendre les modèles en gestation. Restera à se confronter aux “stratégies de transition", en s'appuyant sur des expériences et des témoignages, avant d'élaborer des “actions opérationnelles" appréhendant les possibilités de passage d'un modèle à l'autre. Cette formation a débuté le 15 novembre dernier.
L'Europe a adopté en juin 2010 une “stratégie" plus réaliste que celle dite “de Lisbonne" : le programme “Europe 2020". Lequel ambitionne, notamment, de parvenir à trois millions de travailleurs en “col vert" à l'horizon 2020. Nombreuses sont les expériences en cours dans les pays européens sur les métiers verts dans les secteurs de l'industrie, de l'éco-industrie, du bâtiment, de l'énergie et des transports. Ces expériences donnent lieu à de nouvelles approches formation pour le développement des compétences (vertes).
L'Afpa en Rhône-Alpes en mode “immersif"
Ainsi, par exemple, en Rhône-Alpes, l'Afpa a initié des actions permettant de former des maçons en utilisant les matériaux locaux, notamment de la terre crue. “Dans notre région, beaucoup d'entreprises de rénovation du bâti ancien ne trouvent pas de compétences pour réparer les murs construits avec ces techniques. Outre le fait que les maçons que nous avons formés à cette technique trouvent des emplois d'avenir, nous participons à réduire le bilan carbone", a indiqué Alain Mahé, directeur général de l'Afpa en Rhône-Alpes, à l'occasion d'un colloque européen organisé le 16 novembre au Parlement européen à Strasbourg par l'Afpa. Convaincu que “la formation peut servir d'outil de développement durable et de préservation de l'environnement".
L'organisme public de formation a d'ailleurs inscrit cette vision dans l'ensemble de ses initiatives. Ainsi, par exemple, pour assurer des actions dans un environnement réaliste, “nous avons construit une usine virtuelle, véritable monde immersif dans lequel les stagiaires se déplacent comme dans une usine réelle", a témoigné Myriam Calmels, ingénieure maintenance industrie à l'Afpa. En effet, a ajouté Pierre Gueblez, ingénieur de formation “métiers de l'automobile", à l'Afpa Ingéniérie-industrie de Lyon, “l'intégration des considérations écologiques dans nos formations concerne également les métiers de l'automobile. Dans un secteur soumis à des pressions réglementaires et environnementaux très fortes, nous nous sommes engagés dans une démarche de recherche pédagogique innovante". Son département a développé des modules spécifiques sur les “modes de transport doux" (vélos à assistance électrique, etc.).
Formations de formateurs
L'élaboration et l'intégration d'environnement pédagogique virtuel et de modules e-learning semblent s'installer dans les pays européens. Ainsi, au Royaume Uni, le www.leerpark.nl">London Capital college de Dordrecht (sud de Rotterdam) forme plus de 7 000 stagiaires dans un environnement exclusivement tourné vers l'économie verte. Cette initiative est soutenue par des collectivités territoriales (notamment la municipalité de Dordrecht et la province du Sud Hollande). Preuve que celles-ci sont des acteurs majeurs dans la croissance verte.
Des critères d'“éco-responsabilité" pour la sélection des organismes
Pour sa part, l'Île-de France “a recensé des pratiques éco-responsables et en a fait un guide. Il s'agit de comprendre comment les organismes de formation adaptent leurs contenus de formation au regard du verdissement des référentiels, comment les organismes vont au-delà de ces évolutions et comment, en tant qu'entreprises, ils sont exemplaires dans leurs habitudes de préservation de la nature (économie d'eau, d'électricité, de papier, etc.)", a indiqué Stéphane Bulliard, chargé de mission “Qualification et évolution professionnelle" au sein de la direction de la formation du Conseil régional. La Région soutient ce programme avec plus de 100 millions d'euros. “Nous sommes encouragé par la DGEFP à aller plus loin en introduisant davantage de critères d'éco-responsabilité dans la sélection des organismes de formation. Ce sera le cas avec de la future commande du programme régional qualifiant que nous préparerons pour 2013."
“Nous devons mettre un peu plus de « vertitude » dans nos référentiels de formation", a exhorté Hubert Patingre, conseiller technique au cabinet du président du Conseil régional Île-de-France, mais aussi président du réseau européen Racine. “Dans les collectivités territoriales, essayons de mieux utiliser les outils dont nous disposons." Et de proposer, par exemple, d'orienter les emplois d'avenir dans le domaine du développement durable.
Notes
1. | ↑ | Executive certificate entreprise durable et responsable. |