Daniel Vatant, homme de convictions

“Il a toujours cherché à réinvestir ses expériences."

“Ralentir et laisser passer l'orage, avant de s'y remettre" : c'est la règle que Daniel Vatant, ancien directeur général d'Habitat Formation (Opca des acteurs de la ville), devenu conseiller technique de Thierry Repentin, tire de la pratique de l'ultra marathon. “Quand, au 60e kilomètre, cela va moins bien, je me dis que je dois ralentir, le temps que le bon rythme revienne", explique-t-il. Une attitude qu'il a pu adopter dans un passé récent, après l'absorption d'Habitat Formation par Uniformation, l'Opca de l'économie sociale, qu'il a quitté au bout de six mois. Six mois pour rebondir et digérer les conséquences de la réforme de 2009.

“J'ai assez mal vécu cette période", avoue-t-il lorsque l'on évoque la loi du 24 novembre 2009, qui a fait disparaître l'Opca dont il a été le directeur pendant six ans, après en avoir été le directeur de développement pendant quatre ans. “Habitat Formation, comme d'autres, remplissait parfaitement tous les critères qualitatifs de l'agrément (conseil de proximité, rigueur dans les frais de gestion, etc.). Mais dès lors que le seuil de collecte de 100 millions d'euros n'était pas atteint, plus rien n'était à discuter. Ce qui est forcément frustrant."

Le “mariage" avec Uniformation, “un Opca compliqué, politiquement et techniquement", ne lui a donc pas réussi, et il a décidé de partir. “À 61 ans, je ne souhaitais pas quitter Habitat Formation, et je n'aurais jamais imaginé que j'allais travailler dans un cabinet ministériel !" Mais voilà, la motivation était telle qu'il a usé d'un moyen... fort répandu chez les salariés en reconversion : la candidature spontanée. “L'idée a fait son chemin, dès le jour où j'ai appris la création d'un ministère dédié à la formation professionnelle et à l'apprentissage. La nomination de Thierry Repentin, une surprise, puisqu'il est issu du logement, m'a conforté dans cette démarche, ainsi que la bonne réputation de Christian Ville. J'ai envoyé spontanément ma candidature par mail !" Huit jours après, Daniel Vatant était recruté.
“Je n'ai pas été surprise quand il me l'a annoncé", affirme Lydia Brovelli, actuellement consultante, qui était secrétaire de la CGT (membre du bureau confédéral de 1982 à 2003) quand elle a connu Daniel Vatant. “Il a toujours cherché à réinvestir ses expériences." Le conseiller ministériel s'est en effet constamment appuyé sur ses expériences pour agir. Diplômé en physique-chimie, professeur dans l'enseignement technique du bâtiment au début de sa carrière, c'est par hasard qu'il rejoint la CGT. “J'ai sympathisé à l'époque avec le secrétaire CGT de mon établissement, avec lequel je suis allé à des réunions... pour lui faire plaisir ! Quand il a pris sa retraite, je l'ai remplacé, tout simplement."

C'est au cours de ces années que naît une passion forte pour l'alternance, qui le conduira à quitter l'Éducation nationale, “aspiré dans un monde qu'il ne connaissait pas" : l'entreprise. En 1982, il devient responsable de l'emploi et de la formation à la CGT sur la région Nord-Pas-de-Calais. Il s'occupe notamment de la formation des élus CGT au sein des entreprises. “C'est là qu'il a développé ses talents d'animateur, il a montré qu'il était un homme de convictions et aussi un travailleur infatigable", note Lydia Brovelli.

Dix ans plus tard, il décide de quitter ses fonctions pour intégrer en 1991 la Mission nationale “Nouvelles qualifications" (MNNQ), dont il est d'abord chargé de mission, puis membre du comité de direction. “J'y ai fait la connaissance de Bertrand Schwartz, dont les idées me parlaient bien, précise-t-il. Nous avons à l'époque monté une référentiel de formation avec Spie Batignolles, afin de créer une certification qui n'existait pas, à partir d'un métier, le montage de caténaire, qui n'avait jamais donné lieu à une formation y conduisant. Cette méthode d'élaboration d'un diplôme n'était pas toujours facile à faire accepter", se souvient-il. Deux ans après, la MNNQ disparaît et Daniel Vatant rejoint la Diij (Délégation interministérielle à l'insertion des jeunes). Il y fait la connaissance du réseau des Missions locales et de grandes entreprises, et rencontre Michel Théry, qu'il décide de suivre lorsqu'il quitte la Diij pour l'Association nationale des entreprises pour l'insertion (Anei).

“À cette époque, j'ai découvert les Geiq et j'ai fini par rejoindre le CNCE-Geiq ^{[ 1 ]}Comité national de coordination et d'évaluation des Groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification., pour lequel j'ai rédigé en 1996 un rapport qui est encore aujourd'hui recherché par ceux qui s'intéressent au sujet ^{[ 2 ]} Les Geiq : genèse, état des lieux, perspectives (1996). ", explique-t-il. Daniel Vatant devient secrétaire général du Comité, qu'il quitte deux ans après pour être directeur adjoint du GFC-BTP, à l'époque Opca du BTP. “Il a marqué son passage par son professionnalisme..., évoque Monique Goyard, directeur général adjoint de Constructys ^{[ 3 ]}Actuel Opca du bâtiment. Il possède un large éventail de compétences, notamment sur les aspects techniques de la formation, et fait preuve d'une vraie capacité à raisonner de manière globale sur l'ensemble des dispositifs de formation."

C'est en 2002 qu'il intègre Habitat Formation : “Quand je suis arrivé, l'Opca avait besoin d'un second souffle. Il était très centralisé et l'ambiance n'était pas très favorable au développement de délégations régionales jugées incontrôlables ! Nous avons fini par créer une petite dizaine de postes de conseillers formation en régions."

“Jusqu'à son départ, il a été présent sur tous les dossiers", affirme Olivier Phelip, ancien secrétaire général d'Habitat Formation, actuellement directeur-adjoint du département Habitat et lien social d'Uniformation. “Le transfert l'a un peu désarçonné, notamment parce que les processus de décision sont plus complexes chez Uniformation. Mais il a su s'y accoutumer et a fait en sorte que toutes les parties prenantes y trouvent leur compte." Maurice Carraz, président d'Habitat Formation de 2009 à 2011, a cette formule : “Daniel Vatant, qui est un homme exigeant avec lui-même et donc avec les autres, a été un artisan efficace et volontaire dans ce rapprochement."
Volontaire, Daniel Vatant l'est sans doute un peu plus aujourd'hui, dans l'équipe de Thierry Repentin. Il va à la rencontre des acteurs de l'apprentissage, en vue de la préparation d'un plan gouvernemental. Un travail de longue haleine qui nécessite une large concertation avec de multiples acteurs. Un ultra marathon, en quelque sorte, face, notamment, à un abrupt sentier de montagne : la collecte de la taxe d'apprentissage.