Décentralisation - Le volet formation-orientation-apprentissage, tel qu'annoncé

Par - Le 01 mai 2013.

Les trois textes appelés à donner corps à l'“acte III de la décentralisation" sont à présent connus. Les dispositions en matière de formation professionnelle, d'apprentissage et d'orientation ont été peu modifiées par rapport au texte transmis par le gouvernement au Conseil d'État. [ 1 ]L'Inffo n° 830, p. 32. L'absence de division claire des compétences entre collectivités territoriales est, selon Jean-Paul Denanot, l'un des points qui pèchent dans ces projets de loi.

Le projet de loi de mobilisation des Régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires [deuxième volet de la loi de décentralisation, scindée en trois textes (voir L'Inffo n° 832, p. 2)] fait des Régions des acteurs majeurs de la politique menée en faveur de l'emploi et de le jeunesse en les rendant pleinement compétentes en matière de formation professionnelle et d'apprentissage et en leur conférant un rôle de coordination et d'animation du service public de l'orientation." C'est ce que souligne le
compte rendu du conseil des ministres du 10 avril, au cours duquel ont été présentés les trois textes de décentralisation.

Les deux autres volets de l'acte III de la décentralisation sont intitulés respectivement “Projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles" (qui sera le premier à passer devant le Parlement, ce printemps) et “Projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale". Pour rappel, le texte contenant les dispositions formation orientation apprentissage devrait être examiné par le Parlement à partir d'octobre − dans six mois.

Les dispositions
Composé de 35 articles, le projet de loi donne à la Région la responsabilité de garantir l'accès de toute personne à la formation professionnelle. Elle sera compétente vis-à-vis de tous les publics,
y compris les personnes handicapées, les Français établis hors de France, les détenus. Par ailleurs, la Région deviendra l'acheteur unique de formations collectives pour le compte des Départements qui le souhaitent, et de Pôle emploi. Elle deviendra également compétente pour lutter contre l'illettrisme, pour l'acquisition des compétences clés et pour l'accompagnement des candidats à la validation des acquis de l'expérience.

La fusion entre le CNFPTLV (Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie) et le COE (Conseil national de l'emploi) en un CNEOFP (Conseil national de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelle) est toujours prévue. De même que la simplification de l'élaboration du CPRDFP, qui deviendra CPRDOFP (contrat de plan régional de développement de l'orientation et des formations professionnelles). Celui-ci sera adopté au sein d'un CCREFP (Comité de coordination régionale de l'emploi et de la formation professionnelle) enrichi : le CCREOFP (Comité de coordination régionale de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelle). En matière d'apprentissage, il est toujours prévu que les centres de formation d'apprentis d'État soient totalement transférés aux Régions. D'autre part, la Région coordonnera et animera le service public de l'orientation, défini au niveau national. En effet, le texte prévoit de leur confier la coordination des actions de tous les organismes participant au service public de l'orientation, en particulier la labellisation des organismes d'orientation.

ENTRETIEN AVEC JEAN-PAUL DENANOT, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION FORMATION DE L'ARF (ASSOCIATION DES RÉGIONS DE FRANCE)
_ Attention au “pacte de gouvernance territoriale"

L'ARF réclame une compétence pleine et entière des Régions sur les politiques de l'emploi. Cette possibilité peut-elle vraiment être envisagée ?

C'est une vieille revendication de l'ARF. La logique voudrait effectivement que les Régions pilotent les trois maillons de la chaîne orientation-formation-emploi, qui sont des champs complémentaires. Toutefois, il est vrai que toutes ne souhaitent pas être en charge de l'emploi. Personnellement, je trouve qu'il n'est pas anormal que l'État souhaite garder un oeil sur cette compétence. Aujourd'hui, il existe un opérateur national, Pôle emploi, et nous devons a minima trouver avec celui-ci des modalités de fonctionnement pour travailler en partenariat

Il semble également que les questions de division des compétences entre collectivités territoriales par les projets
de loi de décentralisation inquiètent les Régions…


Tout à fait. Cela vaut notamment pour la compétence du développement économique. Le premier volet du projet de loi donne cette compétence, sur leur territoire, à une nouvelle catégorie de collectivités : les métropoles. La Région sera compétente partout ailleurs. Or, cela peut poser des problèmes et semer la confusion, et présenter un risque au niveau de l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire. Il est normal que les échelons inférieurs de collectivités territoriales participent à la politique régionale, mais cela devrait être encadré au sein du SRDE (schéma régional pour le développement économique). De la même manière, le premier volet du
projet de loi permet aux Régions de déléguer des compétences aux échelons inférieurs dans le cadre d'un “pacte de gouvernance territoriale". Cela va donner lieu à une véritable foire aux compétences ! Il faut que la loi définisse clairement les compétences de chaque collectivité territoriale, comme c'est le cas pour la formation professionnelle.

En ce qui concerne les dispositions orientation et formation, êtes-vous toujours satisfait du texte ?

En effet. Le projet de loi nous conforte sur les compétences d'orientation et de formation. Il reste cependant quelques petits ajustements à opérer, notamment sur la question des formations sanitaires et sociales. On ne sait toujours pas qui sera responsable
des locaux des organismes de formation. Si cela incombe aux Régions, aurons-nous une compensation financière suffisante ?

Les Régions craignent-elles de ne pas se voir transférer suffisamment de fonds au regard des compétences transférées ?

Nous sommes inquiets, d'autant que nous n'avons toujours aucune autonomie fiscale. Mais nous n'aurons la réponse à cette question qu'à la fin de l'année, avec le vote du budget pour 2014.

L'ARF déplore les arbitrages opérés par l'État en matière de décentralisation de la gestion du FSE. Pourquoi ?

Les Régions se satisfont de la confirmation du transfert de l'intégralité du Feder (Fonds européen de développement régional), du Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural) et d'une partie du FEAMP (Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche). En revanche, sur la question du FSE (Fonds social européen), c'est plus compliqué. Je vous rappelle que trois échelons bénéficient du FSE : l'État pour les politiques de l'emploi, les Régions pour la formation professionnelle et les Départements pour leurs politiques d'insertion. Le deuxième volet du projet de loi ne confie aux Régions que la gestion des programmes opérationnels de mise en œuvre régionale, ce qui représente 35 % des fonds FSE. Le reste restant géré par l'État qui peut en confier une partie aux Départements. Or, ces derniers, contrairement aux Régions, ne sont pas bien outillés, n'ont pas le savoirfaire ! Nous voulions que les Régions soient les uniques opérateurs de gestion. Nous avons le savoir-faire car nous gérons déjà les fonds en subvention globale [ 2 ] La “subvention globale" permet à l'État de déléguer la gestion du FSE à des structures “organismes intermédiaires" qui redistribuent vers le bénéficiaire final. ! L'arbitrage gouvernemental va à l'encontre des engagements qui avaient été pris [ 3 ]En septembre 2012, l'ARF et le gouvernement ont signé 15 “engagements pour la croissance et l'emploi". L'engagement n° 14 prévoit que les Régions se verront confier la gestion des fonds européens..

Propos recueillis par Aurélie Gerlach

Notes   [ + ]

1. L'Inffo n° 830, p. 32.
2. La “subvention globale" permet à l'État de déléguer la gestion du FSE à des structures “organismes intermédiaires" qui redistribuent vers le bénéficiaire final.
3. En septembre 2012, l'ARF et le gouvernement ont signé 15 “engagements pour la croissance et l'emploi". L'engagement n° 14 prévoit que les Régions se verront confier la gestion des fonds européens.