Entretien avec Claude Ven, conseiller fédéral à la formation professionnelle à la CGT et président pour deux ans de l'Opcaim
Par Claire Padych - Le 16 mai 2013.
“ La CGT à la tête de l'Opcaim : une première, depuis la création de l'organisme collecteur "
L'Opcaim (industries de la métallurgie) est le plus gros Opca de branche [ 1 ]Après Agefos-PME et devant Opcalia, qui sont,
eux, interprofessionnels., avec une collecte de 600 millions d'euros. Claude Ven, ancien du groupe Meunier Industries [ 2 ]Mécanique, maintenance, chaudronnerie, construction navale, à Brest., conseiller fédéral à la formation professionnelle à la CGT, vient d'accéder à sa présidence, pour deux ans. Nous l'avons rencontré.
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour que la CGT ait la présidence de l'Opcaim, alors que c'est une structure paritaire ?
L'accord de mise en place de l'Opca date de 1994, mais la CGT n'était pas signataire à l'origine. Nous avons signé en 1997, alors que les quatre autres organisations syndicales avaient déjà commencé “le tour de table".
Il a fallu un “tour de table complet" où toutes se sont succédé, avant que la CGT puisse à son tour occuper la présidence. Donc beaucoup de temps. Il faut dire qu'il existait, voici quelques années encore, une ambiance d'une tout autre nature au sein de l'Opcaim : il nous était impossible de dialoguer, nous ne pouvions même pas nous
exprimer en CA. Heureusement, les choses ont évolué, le climat est différent, nous pouvons enfin dialoguer. Nous nous sommes mis d'accord entre organisations syndicales, l'organisation patronale ne s'y est pas opposée et depuis janvier, la CGT occupe la présidence de l'Opcaim, la vice-présidence étant attribuée à Jean-Luc Bérard, de l'UIMM. Il est important que la CGT soit enfin à cette place, car elle est la première organisation syndicale représentative dans la métallurgie. Nous n'abordons pas ce mandat comme une rupture, mais nous pensons que, dans son fonctionnement, notre Opca vient de franchir une étape majeure.
Quelles sont les principaux dossiers que vous aimeriez traiter pendant votre mandat ?
Vous parliez de paritarisme et, justement, nous souhaiterions que le paritarisme entre dans les Adefim [ 3 ]Associations de développement des formations des industries de la métallurgie.. La mise en œuvre de l'Opcaim se fait sur les territoires avec ces outils de proximité que sont les Adefim. Mais ces associations ne sont pas paritaires et seuls des représentants de l'UIMM y siègent. Elles ne peuvent prétendre être au service des entreprises en continuant de refuser de considérer les représentants du personnel comme interlocuteurs. Si l'outil est efficace, et a fait la démonstration de ses compétences et de ses potentialités, il pèche donc par cette absence de gestion paritaire. Et il est dommage qu'elle ne soit pas présente au plus près du terrain, alors qu'elle existe sur le plan national avec l'Opcaim.
Nous souhaiterions également cibler les moyens sur les TPE et les PME. Bien souvent, les dispositifs profitent aux grandes entreprises, qui multiplient les effets d'aubaine. C'est regrettable, car ce sont les établissements qui ont le plus besoin d'aides qui ne vont pas les chercher. Enfin, nous sommes très attachés à l'égalité hommes femmes [ 4 ]La métallurgie emploie 1,6 million de salariés, dont 1,2 million d'hommes (78 %) et 360 000 femmes (22 %).. Dans l'industrie aussi les métiers se féminisent, et il est important d'arriver très vite à de bons résultats.
Quelle importance pour l'alternance dans la métallurgie ?
Nous sommes évidemment favorables à tous les dispositifs d'alternance, qui permettent aux jeunes ou aux salariés qui sont au chômage de se former et d'accéder à l'emploi. Mais nous restons très prudents sur leur issue. Dans la métallurgie, comme dans d'autres secteurs, il y a toujours le risque que ce soit un dispositif pratique pour la main-d'œuvre déguisée.
Ensuite, nous constatons que les contrats de professionnalisation sont peu utilisés : 8 852 en 2011, pour un total de plus de 1,6 million de salariés dans la branche. Je déplore aussi qu'il ne soit pas possible de vérifier l'efficacité de ces dispositifs, de savoir si ces formations ont réellement servi, comment les personnes en alternance ont évolué. Lorsque nous constatons que 29 % des contrats ont été rompus avant terme, que pour 26 % d'entre eux nous n'avons aucune information, nous avons le devoir de mieux connaître la réalité des formations effectuées. Nous avons besoin d'une connaissance qualitative de tous ces dispositifs.
Il y a beaucoup à faire ?
Oui. Nous sommes dans un secteur où il existe des moyens importants, mais il y a des reculs comme sur les écoles des métiers par exemple, qui permettaient aux jeunes d'entrer et d'apprendre le métier. Ces écoles ont quasiment disparu. Nous déplorons aussi que les périodes de professionnalisation se concrétisent par des attestations [ 5 ]En 2011, 81 % des certifications concrétisant
des périodes de professionnalisation étaient des
attestations..
Je préférerais que ces périodes de formation débouchent sur des certifications ou des diplômes qui constitueraient un cursus
professionnel plus intéressant pour le salarié. On nous rétorque qu'il y a la réalité des entreprises, on minimise cette dimension du diplôme. On s'aperçoit que la certification de branche amène à l'emploi. Les diplômes de l'Éducation nationale sont insuffisants, donc il est nécessaire d'avoir des certifications, mais celles-ci doivent être utiles aux salariés.
Les formations pour les métiers de l'industrie peuvent-elles prévenir les risques de chômage ?
Nous voulons une grande politique de formation, avec une grande ambition industrielle. Il faut travailler en amont, relancer la politique industrielle, investir dans la recherche et le développement et dans la compétence. Par exemple, il existe des besoins dans l'aéronautique, avec des gisements d'emplois qualifiés, alors que dans l'automobile, la crise perdure. Entre ces deux domaines, il y a des passerelles, mais qui sont réservées à certains salariés, de niveau technicien ou cadre. _ Investir sur la formation des ouvriers pour qu'ils puissent s'adapter à d'autres métiers est indispensable. Mais aujourd'hui, on fait des choix entre les salariés, c'est insupportable.
Pour 2013, la crise n'a pas impacté le niveau de collecte, mais vraisemblablement, il y aura un ralentissement en 2014.
Propos recueillis par Claire Padych
L'OPCAIM
L'organisme paritaire collecteur agréé des industries de la métallurgie (Opcaim) a été créé par accord national le 8 novembre 1994. Depuis 1er janvier 2012, il est agréé pour les contributions dues au titre du plan et de la professionnalisation (Journal officiel du
11 octobre 2011). Son conseil d'administration est composé paritairement du collège des cinq syndicats de salariés (qui disposent de deux sièges chacun) et du collège patronal UIMM (Union des industries et des métiers de la métallurgie, dix sièges).
Il décide des orientations et des priorités de financement des formations des salariés de la métallurgie. Il couvre 42 581 établissements pour 1,62 million de salariés, perçoit et gère une partie des fonds issus des obligations de financement de la formation professionnelle qui incombe aux entreprises. Chacune d'entre elles est tenue d'y consacrer une partie de sa masse salariale : 0,55 % pour les entreprises de 1à 9 salariés ; 1,05 % pour celles de 10 à 19 et 1,6 % minimum pour celles de plus de 20.
Notes
1. | ↑ | Après Agefos-PME et devant Opcalia, qui sont, eux, interprofessionnels. |
2. | ↑ | Mécanique, maintenance, chaudronnerie, construction navale, à Brest. |
3. | ↑ | Associations de développement des formations des industries de la métallurgie. |
4. | ↑ | La métallurgie emploie 1,6 million de salariés, dont 1,2 million d'hommes (78 %) et 360 000 femmes (22 %). |
5. | ↑ | En 2011, 81 % des certifications concrétisant des périodes de professionnalisation étaient des attestations. |