Quand formation rime avec plaisir
Par Knock Billy - Le 16 juillet 2013.
Travail-souffrance, travail-plaisir. Deux visions qui se superposent,
s'interpénètrent et renvoient à des réalités vécues par chacun.
Mais, comment concilier le travail et le plaisir alors que le mal-être
semble dominer nos structures de production de plus en plus
tournées vers la rentabilité économique ?
Peut-on vraiment avoir plaisir à
travailler ? La réponse qui vient
à l'esprit est celle du général
japonais Yamashita (1885-1946) :
“La joie par le travail !" [ 1 ]Formule rendue célèbre par le discours du colonel
Saïto dans le film de David Lean, Le pont de la rivière
Kwaï (1957).. Selon
Emmanuelle Gauthier, consultante
et psychologue du travail, “le travail
peut procurer du plaisir, être le lieu
et le moyen d'une réalisation personnelle,
permettre un certain niveau de
vie, apporter un statut social, mais
il peut également être vécu comme
pénible, contraignant. Choisi ou
subi, le travail ne sert pas uniquement
à gagner sa vie, il est fondamental
pour la reconnaissance qu'il
apporte, l'estime de soi". Elle a tenté
de donner des pistes de réflexion
sur cette “alliance vulnérable" entre
le plaisir et le travail, lors d'une conférence
organisée sur ce thème par le
cabinet conseil May Partners, le
19 juin dernier.
Savoir “se transformer"
Pour fixer les directeurs, DRH, responsables
formation, managers, acteurs de
la prévention ou membres de CHSCT,
conviés à la réflexion, l'ancienne responsable
formation et spécialiste en
RH et management a cité son mentor,
Christophe Dejours, psychiatre et psychanalyste,
fondateur de la “psychodynamique
du travail" au Conservatoire
national des arts et métiers Cnam :
“Grâce au travail je peux m'accomplir,
accroître mon identité, devenir
moi-même, mais je peux apprendre le
pire, c'est-à-dire me
trouver dans des
situations de mise en
impasse où on m'empêche
d'être intelligent,
où on m'oblige
à faire des choses
de mauvaise qualité,
comme on le fait
aujourd'hui, au profit
de la quantité, au
profit, toujours de ces
impératifs de gestion."
Selon Emmanuelle
Gauthier, travailler
n'est pas seulement
produire, mais aussi
se transformer. Le
plaisir au travail serait
donc la manière dont
le salarié utilise ses facultés
d'apprentissage
et d'adaptation pour
l'aménager en fonction
de ses potentialités
et des besoins de
l'entreprise. Ce serait
donc un accomplissement de soi dans
un environnement où la seule récompense
ne serait pas la rétribution, mais
aussi la reconnaissance et la confiance
ressentie ou manifestée par les autres,
notamment la hiérarchie.
Le rôle de l'offre de formation
Cela dit, quel rôle la formation peut-elle
jouer dans l'alliance entre le travail et le
plaisir ? Partant de l'hypothèse qu'un
salarié satisfait de sa situation au travail
contribue efficacement à la production,
des alternatives existent dans les
entreprises qui permettent de redonner
son sens au travail pour y retrouver
le plaisir. La formation figure-t-elle
parmi ces solutions ? La formation
peut-elle vraiment permettre au salarié
de s'épanouir dans son travail au
quotidien ? “Bien sûr que oui !",
a répondu, sans détour, l'ancienne
responsable formation. Selon elle, “pour
valoriser le travail, l'entreprise doit
pouvoir offrir à ses collaborateurs des
perspectives d'évolution professionnelle
et jouer clairement la carte du
développement de leurs compétences."
Organisée en interne, une action de
formation peut permettre aux salariés
d'une même équipe ou de départements
différents d'une entreprise d'échanger
plus aisément sur les réalités de leur
travail au quotidien. Souvent de telles
opportunités d'échange, de partage et
d'apprentissage créent ou renforcent
les liens de confiance entre les salariés,
une cohésion d'équipe déclenchant
ainsi un sentiment d'utilité et de plaisir
de travailler ensemble, a précisé
Emmanuelle Gauthier. Qui a rappelé
que “la confiance entre les salariés,
ainsi qu'entre les salariés et leurs
managers constitue un des éléments
créant du plaisir au travail". La formation
peut donc être créatrice d'un
tel environnement positif.
La question du “retour de formation"
Un point de vue auquel adhère Gabriel-
Archange Ndong Ondo, directeur des
personnels à la présidence de la République
du Gabon. “Un salarié formé est
une personne qui gagne en confiance :
la confiance en soi-même et celle de
ses collègues. Il peut être un moteur
pour le reste de l'équipe." Chaque année,
plus de 130 personnes, sur ses 1 800
agents, suivent une formation de courte
ou longue durée dans le pays ou à
l'étranger. Il a indiqué :“Chez nous, de
retour de formation, les salariés bénéficient
toujours d'une récompense en
termes de rémunération ou de promotion.
C'est une manière de faire
comprendre que le développement des
compétences est un élément important
de motivation et de bien-être au travail.
Ils partent en formation avant
tout pour évoluer dans le travail,
dans leur entreprise. Ils savent que
cette formation achevée, ils auront
un retour sur investissement bien réel.
La formation, ça a un sens pour eux.
Ils se battent pour en obtenir une !"
Le plaisir au travail serait-il ainsi assuré ?
D'autres facteurs entrent bien évidemment
en compte. Emmanuelle Gauthier
a cité, notamment, l'accompagnement
des changements au sein de l'entreprise
et la mise en place d'espaces de parole
et d'échanges plus efficaces.
Former les managers
Les offres de formation ou d'accompagnement
de managers pour aider
leurs collaborateurs à prendre plaisir à
leur travail existent. Mais apprend-on
vraiment à motiver, à créer de la cohésion
? Pour Yassir Menaa, directeur
opérationnel de May Partners, “il y a
une nécessité à identifier les passerelles
permettant de préparer les cadres
moteurs du changement". Son cabinet
propose une offre de formation et d'accompagnement
des cadres dirigeants
et des managers de proximité dans la
prise en compte de l'importance de la
motivation et du plaisir (ou du bienêtre)
dans le travail. “Il s'agit pour
nous de leur faire prendre conscience
que le facteur humain, notamment
l'épanouissement de leurs collaborateurs,
joue un rôle-clé dans la performance
de l'entreprise", a-t-il insisté.
Finalement, a philosophé Emmanuelle
Gauthier, citant Jean-Jacques Servan-
Schreiber, “le management est le plus
créateur de tous les arts, car c'est l'art
d'organiser les talents".
Notes
1. | ↑ | Formule rendue célèbre par le discours du colonel Saïto dans le film de David Lean, Le pont de la rivière Kwaï (1957). |