Artistes-auteurs - Un système de formation en pleine structuration

Par - Le 01 septembre 2013.

Il est fini le temps où les auteurs étaient les laissés-pour-compte de la formation, car depuis cette année, ils bénéficient d'un financement spécifique. L'Inffo est allé à la rencontre de Christiane Bruère-Dawson, directrice générale de l'Afdas (Opca des secteurs de la culture, de la communication et des loisirs), afin qu'elle nous en explique le fonctionnement et les spécificités.

Un public non salarié, sans sécurité de revenu… voilà qui rendait épineuse la question de la mise en place d'un fonds de formation pour les artistes-auteurs. Sur quels critères et comment financer le développement de leurs compétences ? À la demande des organisations professionnelles d'auteurs, le ministère de la Culture et de la Communication a missionné, le 26 août 2006, l'Inspection générale des affaires culturelles pour l'établissement d'un rapport devant formuler des propositions pour la mise en place d'un dispositif de formation continue pour les artistes-auteurs. Finalement remis en décembre 2009 par Gilles Butaud, chargé de mission, et Serge Kancel, inspecteur général, ce rapport a été suivi d'un groupe de travail interministériel (ministères en charge de la Culture, du Travail et de la Formation professionnelle), lancé le 28 septembre 2010, avec les professionnels du secteur. Ce groupe avait pour objectif de proposer un dispositif de financement pour la formation des artistes-auteurs doté de fonds provenant de plusieurs sources, dont une contribution financière proportionnelle et non forfaitaire des artistes-auteurs et une contribution obligatoire des diffuseurs en vue d'alimenter un fonds autonome de gestion rattaché à l'Afdas.

Six commissions “auteurs"

Celui-ci a finalement vu le jour par le biais de la loi de finances rectificative du 28 décembre 2011. “Selon un décret du 7 décembre 2012, qui définit le mode de recouvrement de ces contributions, la collecte est assurée par l'Agessa [ 1 ]Organisme chargé depuis le 1er janvier 1978 de recouvrer pour le compte de la Sécurité sociale les cotisations et contributions dues sur les rémunérations artistiques. et par la Maison des artistes, qui la reversent ensuite à l'Afdas. La contribution est financée par les auteurs eux-mêmes à hauteur de 0,35 % de leurs droits d'auteur versés, mais également par les diffuseurs égale à 0,10 % du montant brut de ces mêmes droits d'auteur", explique Christiane Bruère-Dawson. “Par ailleurs, est prévue une possibilité d'abondement par les SPRD (sociétés de perception et de redistribution des droits d'auteurs) dont la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) [ 2 ]Société civile à but non lucratif, gérée par les créateurs et éditeurs de musique, qui a pour vocation première d'assurer la défense de leurs intérêts, de protéger leurs oeuvres, de procéder à la gestion collective de la collecte des droits d'auteur des oeuvres musicales et à la répartition de celle-ci. et la SACD (Société des auteurs-compositeurs dramatique) [ 3 ]La SACD a les mêmes objectifs que la Sacem, mais se spécialise dans le domaine du spectacle vivant et de l'audiovisuel. si celles-ci le souhaitent", ajoute-t-elle. Au total, la directrice de l'Afdas indique que la première collecte, en juillet 2012, a permis de récolter six millions d'euros, auxquels s'ajoutent 600 000 euros de subventions.

Au sein de l'Afdas a été constitué un conseil de gestion non paritaire, composé de six commissions auteurs : arts plastiques et graphiques 2D, arts plastiques et graphiques 3D, écrit et arts dramatiques, musique et chorégraphie, cinéma et audiovisuel, et photographie. “Le conseil de gestion s'est réuni trois fois au cours du premier mois de 2013. Cela nous a permis de définir les conditions d'accès, les budgets et les premiers stages qui ont pu être ouverts à partir du mois d'avril, sur la base de formations existantes", dit-elle. Ces formations déjà disponibles abordent des compétences communes aux différentes professions, telles que les langues, la bureautique, la gestion, comptabilité et fiscalité ou encore la création et l'enrichissement d'un site internet…

“La demande est énorme"

Plusieurs commissions doivent se réunir courant 2013 pour mettre en place des offres de stages spécifiques à chaque profession. Il s'agira de listes d'offres “collectives" de stage, avec des dates de sessions identifiées et des programmes détaillés accessibles sur le site de l'Afdas. Ainsi, des cahiers des charges sont en cours de construction.

“La demande est énorme. Les formations métiers ne sont pas encore lancées et pourtant nous avons déjà une dizaine de demandes par jour", indique Christiane Bruère-Dawson. Selon elle, environ 75 000 auteurs pourraient être éligibles. En effet, peuvent candidater aux formations (les formations métiers comme les formations transversales) tout auteur affilié à l'Agessa ou à la Maison des artistes, ou encore ceux qui ont reçu 9 000 euros de droits d'auteur sur les trois dernières années, à condition qu'ils ne puissent pas bénéficier de formation par un autre biais (comme par exemple, au titre d'une activité salariée). “Nous avons volontairement défini des critères minimaux de prise en charge assez bas, pour créer de l'appétence. En effet, ce qui caractérise les auteurs, comme les intermittents et les pigistes dont la formation est également gérée directement par l'Afdas, c'est qu'ils ne savent pas toujours quand parviendra leur prochain contrat, ou leur prochaine
commande. L'auteur exerce une activité de créativité pure, mais sa situation est précaire, comme celle des intermittents ; aussi la formation est-elle essentielle pour les aider à sécuriser leur parcours et à gagner en compétences."

Élaboration de formations métiers

Pour élaborer la future offre mise en oeuvre à partir de cet été, l'Afdas compte notamment sur l'expertise des membres des différentes commissions du conseil de gestion. “Les membres de ces commissions sont des professionnels, et connaissent bien les besoins", précise Christiane Bruère-
Dawson. En outre, l'organisme s'appuiera sur des questionnaires remplis par les auteurs à l'issue de formations transversales. Il est également à noter qu'une première expérimentation (voir ci-dessous) menée en partenariat avec la Région Île-de-France au cours des trois dernières années, et qui a abouti à la mise en place de près de 500 formations pour les auteurs, a permis à l'Afdas de défricher le terrain.
Mais comment le conseil de gestion procédera-t-il à la répartition des fonds collectés entre les différentes catégories d'auteurs ? Cette répartition n'est-elle pas l'objet de rivalités entre les différentes commissions ? “Les stages de formations transversales absorbent 40 % du budget. Pour ce qui est des 60 % restants, pour le moment, le Conseil alloue des budgets aux commissions professionnelles, au prorata des poids respectifs (en droits d'auteurs) de leur profession, mais ces critères pourront évoluer en fonction de la demande. L'Afdas fera des statistiques", répond la directrice générale de l'organisme.

Les premières formations transversales ayant débuté en avril, il y a de fortes chances, selon elle, que le budget qui leur est dédié suffise largement à couvrir les besoins d'ici la fin de l'année, et cela, malgré un très bon démarrage. En 2014, en revanche, les fonds devraient être utilisés en totalité. Dans ce schéma, il est à noter que l'accès à la formation pour les auteurs demande plus d'efforts au bénéficiaire que celle des salariés. En effet, du fait de leur statut, ils ne sont pas rémunérés pendant leurs stages, qui peuvent durer plusieurs semaines. “Il s'agit donc pour eux d'un réel investissement, même si aucune législation n'interdit à l'auteur de créer ses œuvres en dehors des heures de formation", indique Christiane Bruère-Dawson.

Notes   [ + ]

1. Organisme chargé depuis le 1er janvier 1978 de recouvrer pour le compte de la Sécurité sociale les cotisations et contributions dues sur les rémunérations artistiques.
2. Société civile à but non lucratif, gérée par les créateurs et éditeurs de musique, qui a pour vocation première d'assurer la défense de leurs intérêts, de protéger leurs oeuvres, de procéder à la gestion collective de la collecte des droits d'auteur des oeuvres musicales et à la répartition de celle-ci.
3. La SACD a les mêmes objectifs que la Sacem, mais se spécialise dans le domaine du spectacle vivant et de l'audiovisuel.