Les Régions veulent bien contractualiser, mais pas “sous-traiter"

Par - Le 01 octobre 2013.

C'est un “message d'alerte" qu'Alain Rousset,
président de l'Association des Régions
de France, a adressé à François Hollande le
20 septembre, à l'issue des Rencontres de
l'ARF organisées à Nantes.
Une alerte budgétaire à l'heure où les Régions
sortent du contrat de plan 2007-2012 qui les a
vu investir près de 15 milliards d'euros dans
des politiques d'emploi, de formation, d'infrastructures
(transports ferroviaires, notamment),
de soutien aux PME ou de logement
alors que dans le même temps, l'État s'engageait
sur ces mêmes dossiers à hauteur de
12 milliards et les autres collectivités, à près
d'un milliard. 15 milliards qui, durant les cinq
années écoulées, auront permis la création ou
la préservation de près d'un million d'emplois.

Cette “comitologie" avec l'État

“Mais avec des budgets en baisse, c'est seulement
la moitié de cette somme que nous
pourrons débloquer pour le prochain contrat
de plan !", a prévenu le président de l'ARF,
lequel s'est par ailleurs interrogé sur la nature
réelle de ces contrats. “Co-contractualisation
avec l'État ou sous-traitance pour son
compte ?" Il faut dire que la veille, le ministre
du Redressement productif, Arnaud Montebourg,
face à une assemblée majoritairement
composée de représentants territoriaux, avait
fait l'éloge de Colbert − figure historique du
centralisme à la française − “sans qui il n'y
aurait jamais eu d'industrie en France".

Alerte, aussi, quant à la tutelle de l'État sur
les compétences relevant techniquement de
l'échelon régional mais où pourtant, Paris
persiste à s'immiscer à travers ses services
déconcentrés. “Il y a quelque chose d'un peu
humiliant quand le pouvoir central impose
la présence du préfet dans les instances
régionales", s'est agacé le président de
l'ARF. Et parmi ces instances “bicéphales"
où coexistent les autorités régionales et préfectorales,
on trouve les CCREFP [ 1 ]Comités de coordination régionaux de l'emploi et de
la formation professionnelle.
, où se définissent
les projets en matière d'emploi et de
formation professionnelle. Double pilotage,
là où les Conseils régionaux s'estiment légitimes
pour avoir la main.
“Le temps et l'argent que l'on consacre à toute
cette « comitologie » avec l'État central sont
autant de temps et d'argent perdus", a asséné
Alain Rousset qui juge le pilotage de la chaîne
orientation-formation-emploi par les instances
régionales “non seulement légitime, mais
évident !" Une légitimité que leur contestent,
notamment, les syndicats de Pôle emploi, attachés
à la dimension nationale de l'opérateur public.

Le débat entre “Jacobins"
et “Girondins" se poursuit


“Les opposants à la décentralisation nous
disent craindre le localisme… mais, dans ce
cas, est-ce antinational que de considérer un
président de Conseil régional comme un représentant
de l'État au même titre qu'un préfet ?",
a demandé le patron de l'Aquitaine qui, pour
sa part, oppose aux tenants du jacobinisme
les 300 000 emplois non pourvus dénoncés par
François Hollande lors de la conférence sociale
de juin 2013 et les diverses instances déconcentrées
de l'État qui, de par l'absence d'une
direction cohérente au plan local, se retrouvent
incapables d'y guider les chômeurs.

Alerte, enfin, sur l'apprentissage alors que
la rénovation des CFA, la mise en oeuvre des
30 000 formations d'urgence réclamées par
l'Élysée et l'atteinte d'ici à 2015 de l'objectif
de 500 000 jeunes en alternance sont autant
de dossiers que l'État a placés entre les mains
des Régions. Et si Marylise Lebranchu a voulu
rassurer les Régions sur le maintien des aides
aux employeurs d'apprentis dans les PME de
moins de 10 salariés − qui embauchent 66 %
du total des alternants français −, on craint
encore, dans les Conseils régionaux, la gestion
centralisée des aides à l'apprentissage.

“Seul l'échelon territorial peut
juger des situations particulières"


“L'État accorde 1 000 euros d'aide à chaque
entreprise qui emploie un apprenti, sans tenir
compte des situations spécifiques, comme le
handicap ou la tension particulière que peuvent
rencontrer certains métiers. C'est à la fois caricatural
et absurde. Seul l'échelon territorial peut
juger des situations particulières !"

Pourtant, au bras de fer avec le pouvoir central,
Alain Rousset semble préférer la main tendue.
L'heure n'est plus, comme sous la présidence de
Nicolas Sarkozy, à la “fronde" entre des Régions
très majoritairement de gauche et un exécutif
de droite. Aujourd'hui, comme s'y est engagé
le président de l'Aquitaine, “les Régions qui
s'étaient retroussées les manches continueront
à le faire" et les moyens accordés seront à la
hauteur des ambitions de l'acte III de la décentralisation.
D'ores et déjà, les Conseils régionaux
se sont donné rendez-vous en 2014 à Toulouse
pour juger si leur message d'alerte est bien passé.

Notes   [ + ]

1. Comités de coordination régionaux de l'emploi et de
la formation professionnelle.