Les Centres d'information et d'orientation cherchent leur place

Par - Le 01 janvier 2014.

Les professionnels des 570 CIO s'inquiètent de leur avenir, alors que les “services publics régionaux
de l'orientation" se profilent. Le 6 décembre dernier, les neuvièmes journées de réflexions-débats
de l'Association nationale des directeurs de CIO (ANDCIO) étaient consacrées à leurs métiers.
Avec réactions épidermiques à la clé, démontrant la nervosité générale

Depuis le 15 octobre dernier, le
SPRO (service public régional
de l'orientation) est devenu une
réalité. Du moins en Bretagne,
première parmi les huit Régions
expérimentatrices [ 1 ]Aquitaine, Auvergne, Bretagne, Centre, Limousin,
Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Rhône-
Alpes sont concernées par l'expérimentation.
à l'avoir inscrit au
nombre de ses institutions régionales.

Ailleurs, c'est avec une certaine appréhension
− pour ne pas dire hostilité − que les
professionnels de l'orientation attendent
ce futur SPO à dimension
régionale, dans lequel certains
craignent de voir les centres
d'information et d'orientation
(CIO) se dissoudre.
“Pour les CIO, l'avenir semble
bien compromis", notaient
déjà, en avril dernier, Christine
Delaune et Dominique
Leylavergne, du syndicat
FSU de l'académie de Caen
(Calvados) redoutant de voir
les conseillers d'orientationpsychologues
(“copsys") se
soumettre à une nouvelle
logique de l'orientation “adéquationniste",
c'est-à-dire
préconisant “l'adaptation de
l'école aux besoins de l'emploi et
des entreprises"... Des craintes
partagées par le Syndicat national Force
ouvrière des lycées et collèges (SNFOLC)
qui, en octobre dernier, accusait l'Association
des Régions de France (ARF) de
vouloir “accélérer le processus de transfert
des CIO aux Régions, dans le cadre d'une
nouvelle carte des CIO", avec pour conséquence
de “fermer près de la moitié des
centres" présents sur le territoire.
“Professionnalisation" : le mot
qui fâche

Ces craintes étaient donc palpables, le
6 décembre dernier, à l'occasion des
neuvièmes journées de réflexions-débats
de l'Association nationale des directeurs de
CIO (ANDCIO) consacrées, justement,
aux métiers des professionnels de l'orientation
et à leur évolution dans le cadre du
SPRO. Craintes de perdre leur identité
pour ne devenir, dans le cadre de la
future loi sur la réforme de la formation
professionnelle, qu'une composante d'un
“guichet unique" de l'orientation régionale
où copsys, agents des Missions locales, des
Fongecif, de Pôle emploi ou des acteurs
territoriaux de l'information jeunesse au
détriment de leur statut, de leur métier et
de leur savoir-faire.

Et puis, il y a eu l'expression qui fâche :
celle de “professionnalisation des personnels
des CIO", interprétée par les concernés
comme une remise en question de leur
coeur de métier. “Plus que de tension, il
s'agit surtout d'incompréhension sémantique,
tempère Yvan Souleliac, directeur de
l'ANDCIO, l'expression peut en effet
faire croire à ces professionnels qu'ils seront
amenés à voir leur métier évoluer vers
d'autres fonctions, alors qu'il n'en a jamais
été question : le conseil en orientation reste et
demeure notre coeur de métier. Toutefois, ce
quiproquo est symptomatique de la réforme
de l'orientation : des dispositifs ont été lancés
avant même qu'un accord sur le langage
commun à utiliser par l'ensemble des acteurs
ait été trouvé".

Mais même à supposer cette querelle
sémantique évacuée, demeure la question
de la place des CIO sur les plans fonctionnel
et institutionnel. Sur les 570 centres
d'information et d'orientation répartis
sur le territoire national, près
de 250 demeurent gérés par
les Départements et non par
l'Éducation nationale. La
réforme de l'orientation aura
été, pour les Conseils généraux,
l'occasion de se désengager du
financement de ces centres à
pilotage départemental, alors
que les Régions, pour leur part,
ne disposent ni des moyens
ni des prérogatives pour les
reprendre à leur compte.

Des équipes
“pluri-professionnelles"


Invité aux rencontres de
l'ANDCIO, François Bonneau,
président du Conseil régional
du Centre et de la commission
éducation de l'ARF, rappelait d'ailleurs que
si les Régions ont été placées en position
de chefs de file du SPRO, il ne leur appartenait
pas pour autant de financer l'orientation
scolaire en lieu et place de l'Éducation
nationale. “Néanmoins, il pourrait être
possible d'imaginer le déploiement de budgets
régionaux spécifiques pour les prestations
non scolaires que les CIO seraient amenés à
réaliser dans le cadre du SPRO."
Et ces publics hors école frappent déjà
à la porte des centres d'information
et d'orientation. “À la marge, il existe
une frange de la population, ni scolaire,
ni demandeuse d'emploi, ni en cours de
formation, pour laquelle le CIO constitue
le premier lieu d'accueil et d'information,
puisque, a témoigné Yvan Souleliac, statutairement,
nous sommes les seules structures
amenées à recevoir tout le monde, indépendamment
des situations individuelles de
chacun." Dans ce contexte, le président
de l'ANDCIO a évoqué la possibilité
de renforcer les personnels des CIO par
des équipes “pluri-professionnelles" en
vue de transformer ce premier accueil
en premier niveau de réponse pour les
particuliers sur le modèle des Maisons
de l'emploi ou des Cités des métiers.

“Et dans le cadre du SPRO, pourquoi ne
pas imaginer la présence de conseillers
chargés des relations avec les entreprises
locales pour analyser leurs besoins ? Mais
pour cela, il aurait fallu que les Régions
prennent en charge les CIO, ce qui n'a
pas été le cas", a regretté Yvan Souleliac.
Pas de “guichet unique", donc, mais
un pôle de premier conseil destiné à
l'orientation tout au long de la vie, sans
coupure nette entre le monde scolaire
et celui du travail, dans le cadre de
politiques coordonnées entre tous les
acteurs de la chaîne éducation-orientation-
formation-emploi sur les territoires.

“Autant de co-constructions entre
acteurs de terrain qui demanderont de la
souplesse et de la bonne volonté de la part
des concernés… car les moyens de l'action
publique ne connaîtront pas d'augmentation
d'ici à la mise en place effective du SPRO
en 2014", expliquait François Bonneau.

Conseil en évolution
professionnelle


Sans compter qu'au-delà de la question
de l'orientation régionalisée, se profile
le futur conseil en évolution professionnelle
(CEP), sur lequel les
CIO pourraient se voir mobilisés.
“Aujourd'hui, à l'exception du bilan de
compétences, il n'existe aucun dispositif
d'information sur l'orientation destiné
aux salariés en poste", a observé
Zbyslaw Adamus, membre du CA de
l'ANDCIO.

Une mission supplémentaire pour les
CIO ? “On confond trop souvent notre
activité principale, qui est le conseil aux
scolaires, et notre coeur de métier, à savoir
l'information sur l'orientation tout public,
a tranché Yvan Souleliac. Pourtant
l'accompagnement des particuliers fait
aussi partie des missions que nous serons
peut-être amenés à assurer dans le cadre
de la mise en oeuvre du CEP. Cela changera-
t-il notre profession ? Non. Mais cette
nouvelle donne va exiger des différents
acteurs concernés une dynamique pluriprofessionnelle
forte qu'il nous appartient
d'envisager dès maintenant dans le cadre
de structurations fortes sur les territoires."

Notes   [ + ]

1. Aquitaine, Auvergne, Bretagne, Centre, Limousin,
Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Rhône-
Alpes sont concernées par l'expérimentation.