Le Syntec numérique veut adapter l'offre de formation aux besoins du “logiciel libre"

Par - Le 01 janvier 2014.

Par nature, les métiers de l'informatique n'ont jamais cessé d'être en mouvement, mais ce dernier
s'accélère, de nouvelles demandes apparaissent et... les cursus de formation ne suivent pas. Ainsi de
l'économie du “logiciel libre", en état, à en croire les spécialistes, de “déficit absolu de compétences".
Comment faire se rencontrer la demande de compétences et l'offre de formation ? Réponses croisées.

Pas toujours simple de
s'y retrouver en matière
d'emploi lorsque l'on
évoque le secteur de l'informatique.
Pour le Syntec
numérique, syndicat professionnel
des entreprises de
services du numérique (ESN) [ 1 ]Nouvelle dénomination de l'ancien
acronyme SSII (société de services en
ingénierie informatique), jugé trop peu
attractif par le Syntec numérique.
,
ce secteur reste un recruteur
majeur de l'économie française.
Pour d'autres, notamment représentés
au sein du Munci,
l'association professionnelle des
informaticiens, les difficultés de
recrutement sur certains postes
masquent une autre réalité, celle
du chômage des informaticiens.

La synthèse est peut-être fournie
par la dernière édition du Guide
des secteurs qui recrutent édité
par le CIDJ, qui analyse la
situation au regard de l'offre de
formation : “La principale explication
au chômage de certains informaticiens
tient à la rapidité d'évolution des
technologies et au manque de réactivité du
secteur de la formation, qui peine à suivre
ces évolutions et assure une formation ne
répondant plus aux besoins du marché."

L'obsolescence ou l'inadéquation des
compétences qui interroge l'offre de
formation, tel est précisément l'angle de
l'étude de l'Opiiec [ 2 ]Observatoire paritaire des métiers de
l'informatique, de l'ingénierie, des études
et du conseil.
sur les compétences
et formations open source en France.

Adapter l'offre au marché

Objectif de l'étude réalisée à l'initiative
du Syntec numérique : “Identifier
les marges de progrès à réaliser pour faire
coïncider l'offre de formation française en
matière de logiciel libre et les besoins en
compétences des professionnels du secteur."
Pourquoi l'open source ? Parce que 79 %
des entreprises et 82 % des fournisseurs
y recourent. Côté formation et si, de
l'avis de l'Opiiec, les établissements
d'enseignement supérieur ont déjà pris
en compte le logiciel libre dans leurs
programmes, il n'en reste pas moins
que “les attentes restent fortes de la part
du marché pour renforcer l'expertise des
informaticiens ou pour développer
des compétences sur des marchés à
forte croissance".
“En matière de formation initiale,
même s'il y a aujourd'hui un
certain nombre de grandes écoles
et d'universités qui intègrent
dans leurs cursus initiaux une
formation au logiciel libre, les
cursus spécialisés offrent moins de
200 places par an aux formations
dédiées aux logiciels libres", nous
explique Alexandre Zapolsky,
administrateur et co-président
du comité open source au sein de
Syntec numérique. Le résultat,
c'est que 84 % des répondants
à l'étude Opiiec déclarent
“recourir à l'autoformation pour
développer leurs compétences
sur les logiciels libres", ajoute-til.
Si les besoins n'ont pas été
quantifiés, Alexandre Zapolsky
rappelle qu'il est “couramment admis que
le logiciel libre représente 10 % du marché
global de l'informatique". Et d'insister :
“Aujourd'hui, ce qui tire le business, ce sont
tous les sujets dont on entend régulièrement
parler comme le cloud computing
et le big data [voir encadrés], et demain
l'informatique embarquée avec les objets
connectés." D'où l'urgence, selon lui, à
opérer un mouvement de “reconversion,
et pas seulement d'informaticiens traditionnels",
prévient-il.

Développer les actions
collectives


Parmi les sept préconisations de l'observatoire,
quatre concernent la création de
modules de formation spécifiques et une
vise à créer “un groupe de réflexion sur une
stratégie de certification des compétences
autour des technologiesclés
de l'open source".

Les deux dernières se
situent davantage sur
le terrain de la communication,
l'une
cherchant à attirer
davantage d'étudiants
vers des formations
techniques, l'autre à
les inciter à s'investir
sur les communautés
open source les plus
actives. S'agissant de
la formation continue,
Alexandre Zapolsky
évoque la mise en
place d'actions collectives
avec le concours
du Fafiec [ 3 ]L'Opca des métiers de l'informatique,
de l'ingénierie et du conseil.
“de manière
à ce que l'écosystème du
numérique puisse très
facilement rattraper
son retard en matière
de formation continue
et bénéficier d'un plan
massif de formation à ces nouvelles technologies
dans le monde open source",
justifie-t-il.

Problème, les cursus adaptés semblent
manquer à l'appel : “Ils existent, mais
plutôt dans la sphère privée et dans des
organismes spécialisés. C'est aussi ça qui
est compliqué, que le marché aille chercher
chez les bons acteurs ce type de formation,
qui n'existe pas forcément dans les grands
organismes." À titre d'exemple, Alexandre
Zapolsky cite Openstack [ 4 ]Environnement informatique dédié
au cloud computing.,
dont les
formations se comptent aujourd'hui sur
les doigts d'une main. Il en résulte “un
déficit absolu de compétences et une tension
terrible sur le marché de l'emploi qui limite
la croissance des acteurs". D'où l'enjeu de
“faire rencontrer la demande avec l'offre",
insiste-t-il. Et pour ce faire, le co-président
du comité open source compte bien sur les
appels d'offres du Fafiec dans le cadre
d'actions collectives.

Encore pire pour les “outils
propriétaires" ?


Une fois n'est pas coutume, le Munci
reconnaît, via son président Régis
Granarolo, que “tout le monde est d'accord
sur la question de l'inadéquation des
compétences, avec une offre de formation
initiale et de formation continue pas
assez réactive". La distinction avec la
position du Syntec numérique ne tarde
cependant pas à venir, avec l'évocation
de la problématique des outils propriétaires,
bien plus préoccupante, aux yeux
du Munci, que celle de l'open source.
Pour des raisons qu'il juge idéologiques
quand il s'agit de l'Éducation nationale
ou de l'enseignement supérieur, économiques
quand il s'agit des centres de
formation continue, Régis Granarolo
rappelle que les cursus de formation à
certains outils propriétaires sont parfois
tout simplement inexistants : “Aucune
formation n'existe en formation initiale
sur SAP ou sur les main frames d'IBM",
dénonce-t-il, en estimant que ces deux
environnements représentent pourtant
à eux seuls quelque 5 % des offres
d'emploi du secteur de l'informatique.
“Contrairement aux États-Unis, il y a très
peu de transferts de compétences entre les
éditeurs et les centres de formation", analyse-
t-il. Reste qu'en termes de marché,
le logiciel libre est “évidemment une grosse
opportunité", reconnaît Régis Granarolo.

Bientôt la réunion des États
généraux


Destinée à être enrichie, l'étude de
l'Opiiec sera prolongée “par des propositions
d'aménagement de l'offre de
formation professionnelle qui seront
formulées par le groupe de travail « compétences
et formation » du comité open
source de Syntec numérique". Enfin, la
convention nationale de restitution des
“États généraux de l'open source" (Egos)
sera elle aussi l'occasion, au premier
semestre 2014, d'apporter des “propositions
précises pour faciliter l'accès aux compétences
open source et pour améliorer la
gestion de compétences et de carrière des
développeurs".

6. Environnement informatique dédié
au cloud computing.

“CLOUD COMPUTING" ?
Le cloud computing est traduit par
“informatique en nuage" par la
Commission générale de terminologie
et de néologie. L'informatique en
nuage étant définie comme “une forme
particulière de gérance de l'informatique,
dans laquelle l'emplacement et le
fonctionnement dans le nuage ne sont
pas portés à la connaissance des clients".

“BIG DATA" ?
Le big data, ou données massives,
représente l'un des défis majeurs des
entreprises informatiques : cloisonnées,
les données présentes sur internet ont
une valeur limitée à leur propre intérêt.
Interconnectées, elles ouvrent la porte à
des analyses croisées source de valeur
ajoutée.

Notes   [ + ]

1. Nouvelle dénomination de l'ancien
acronyme SSII (société de services en
ingénierie informatique), jugé trop peu
attractif par le Syntec numérique.
2. Observatoire paritaire des métiers de
l'informatique, de l'ingénierie, des études
et du conseil.
3. L'Opca des métiers de l'informatique,
de l'ingénierie et du conseil.
4. Environnement informatique dédié
au cloud computing.,