Thomas Richard, de Paris web à la soupe nantaise

Par - Le 01 janvier 2014.

“Chef de projet internet dans une agence
de pub, un jour il décide que la communication,
c'est terminé. Lui, il est sauvage, il
l'a toujours été, alors halte aux coups de
fil par milliers, aux clients survoltés et aux
équipes surbookées, c'est dans une cuisine
qu'il décide de s'installer." Voilà pour
l'autoportrait, qui vous accueille sur le site
web du P'tit Bouillon, bar à soupes nantais
créé par un couple de Parisiens reconvertis
dans le potage version “concept store" :
des plats sains qui allient tradition et
modernité avec des recettes qui s'affranchissent
du pan, pan, pan poireaux,
pomm' de terre de Maurice Chevalier. Les
ficelles du storytelling voudraient que
l'on enchaîne en évoquant la cuisine de
grand'mère, mais non, Thomas Richard,
37 ans, n'est pas tombé dedans…
Un spécialiste du marketing sur
internet…
Avant de se décider à nourrir une
clientèle “urbaine et branchée",
“écolo-sensitive", “pressée mais
gourmette", il hésitait vaguement entre
bibliothécaire et journaliste. Et optera
finalement pour un métier d'avenir :
webmaster. Atypique ? Pas vraiment, plutôt
le parcours classique d'un jeune homme
versé dans les sciences humaines et
sociales davantage par goût de la matière
que du métier. D'abord étudiant en histoire,
il se décourage quand il découvre que la
moitié de ses camarades veut devenir
professeur, l'autre moitié journaliste. La
poursuite en maîtrise dans la filière
documentation lui laisse un souvenir de
“choix par défaut". Pas grave, nous
sommes en 1999, AOL et autres
Compuserve aident internet à décoller. L'un
des premiers à trouver de tout sur la Toile,
il y déniche son métier. Le voici en
formation chez Cyberlog. Si la raison
sociale de l'organisme défie l'imagination,
la réalité du travail est beaucoup plus
terre-à-terre. La technique et le marketing
y sont des compétences indispensables,
elles lui manquent, il se décrète illégitime.
Mais n'en perd pas pour autant l'appétit et
retrouve sa compagne dans l'un de ces
restaurants thématiques qui commencent à
fleurir. Vous prendrez bien une soupe ?
… devenu vendeur
de soupes
Enthousiastes, ils décident bientôt
d'y ajouter le fonds de commerce. Lui
négocie son licenciement, elle se met en
congé sabbatique de son poste d'assistante
en ressources humaines. Objectif :
quitter Paris et se lancer de concert dans
l'aventure du bar à soupes. Le compte
personnel de formation n'existe pas
encore, le Dif n'est pas encore portable
et le Cif inaccessible. Aucun problème, le
concept est plutôt orienté sur le bon p'tit
plat maison que sur le trois étoiles, un
stage de trois semaines en cuisine fera
l'affaire. Ayant jeté leur dévolu sur Nantes,
les voici prêts à se lancer. Sans trop savoir
par quoi commencer, ils franchissent
les portes d'une agence immobilière qui
dispose de l'emplacement rêvé et de
quelques banques en portefeuille. Les
quatre premières disent non, la cinquième
oui, le P'tit Bouillon peut ouvrir. Inaugurée
à grands renforts de famille et d'amis,
l'enseigne doit maintenant trouver sa
clientèle. Se lancer en pleines vacances
de février se révèle un choix hasardeux,
avec une fréquentation en berne. Si
une clientèle d'habitués se développe
rapidement le midi, le service du soir,
essentiel à la survie économique, peine à
démarrer. La première année n'a pas été
facile, “nous avons tenu grâce à l'Accre [ 1 ]Aide à la création ou à la reprise d'entreprise",
se souvient-il.
Mis à part les soucis financiers, aucun
regret, cependant, quant au changement
de vie. Bref, la soupe est bonne, à
condition toutefois que Madame délaisse
le service. “Derrière un comptoir, ça doit
être bien plus marrant", s'était-elle dit.
Pas faux, mais moyen pour la soupe à
l'oseille : avec quatre enfants au compteur,
il a bien fallu se résoudre à quitter l'affaire
familiale. Ouf, les poucets ne finiront pas
dans le bouillon !

Notes   [ + ]

1. Aide à la création ou à la reprise d'entreprise