Passion sports et nature au Mondial des métiers en Rhône-Alpes

Par - Le 16 février 2014.

Point de marronnier ici, seulement des sapins. À l'aube des trois semaines de pic d'activité
des stations de montagne, le 18e Mondial des métiers en Rhône-Alpes était l'occasion de faire
le point sur les métiers des sports et loisirs de nature alpestres (mais aussi pyrénéens, vosgiens,
jurassiens ou auvergnats). Reportage.

Fallait-il vraiment choisir le
vendredi après-midi pour
aller visiter le 18e Mondial des
métiers en Rhône-Alpes (Lyon,
6 au 9 février), lorsque l'on s'intéresse
davantage à l'orientation tout
au long de la vie, version pente douce,
qu'à l'orientation initiale ? Déjà, le
tram aux allures de bus scolaire qui
nous avait conduit de Lyon Part-
Dieu à Eurexpo nous avait alerté. Sur
place, l'impression d'un léger ratage
subsistait. Ils courent plus qu'ils ne
marchent, leurs trajectoires sont difficiles
à suivre. Un pas en avant, deux
en arrière et trois de côté ponctués
d'un cri haut perché, on ne les comprend
pas toujours mais on les devine
joyeux, semble-t-il heureux d'être là,
ensemble. Tous en jean, baskets et sac
à dos, cheveux tartinés de gel pour les
garçons, maquillage de rigueur pour les
filles, ils sont… jeunes. Et ont répondu
massivement à l'appel d'une manifestation
placée sous le signe de l'égalité
femme-homme. “Tou.te.s concerné.e.s",
proclame l'affiche du salon, ils sont
donc tous là, pour découvrir la trentaine
de secteurs d'activité présentés.
S'ils représentent ce jour l'essentiel du
public, ils n'étaient pas les seuls invités.
Comme en témoignent les imposants
stands animés par le Prao[ 1 ] Pôle Rhône-Alpes de l'orientation. et le service
public de l'emploi, la manifestation
vise aussi les aînés. Mais d'adultes,
nous n'en aurons pas beaucoup croisé,
même si l'on nous expliquera qu'ils
étaient bien plus nombreux hier et,
surtout, que lors des éditions précédentes.
Une chose est sûre, les absents
avaient tort. A contrario de bien des
manifestations dédiées à l'orientation,
les stands avaient fière allure et rivalisaient
de mise en scène pour assurer la
promotion de leur secteur professionnel.
Taille de pierre, coiffure, travaux
publics ou métiers de bouche, un mot
les fédérait tous : passion.
100 % tourisme
Exemple avec un secteur emblématique
de la région Rhône-Alpes, les
sports et loisirs de nature et montagne.
Derrière l'appellation, une multitude
de métiers : au premier rang desquels
l'animation sportive (ski, VTT, spéléologie,
voile, vol libre, canyonisme, escalade,
etc.) et pédagogique (“animateur
nature environnement", “écogarde",
etc.), l'hôtellerie-restauration, mais
aussi tous ceux relatifs à l'accueil touristique,
le marketing, la construction,
ou encore la maintenance. Si certains
sont connus, d'autres interpellent,
tel le “nivolculteur", chargé de produire
la neige de culture destinée à
contrer les aléas de la météo. Présents
à tous les niveaux de formation et
dans quasiment tous les domaines, ils
ont en commun de former un “enjeu
capital" pour la région. Dixit Claude
Comet, vice-présidente du Conseil
régional déléguée au tourisme et à la
montagne : “On parle sans arrêt de
réindustrialiser la France, on aimerait
bien, mais nous avons quand même le
tourisme, vecteur absolument extraordinaire
d'emplois. En Rhône-Alpes, c'est
un volume d'affaires à peu près égal à
10 milliards d'euros, soit le volume d'affaires
de l'Égypte aux plus belles années !
200 000 emplois directs, autant d'indirects
!", s'enthousiasme-t-elle.

Une passion, des emplois

Parmi les acteurs venus témoigner
du potentiel, Thierry Bedos, responsable
du Pôle ressources national des
sports de nature et directeur du Creps [ 2 ]Centre régional d'éducation populaire et de sport
Rhône-Alpes. Évoquant un domaine
à la croisée de l'environnement, du
tourisme et du sport, il choisit, lui,
d'insister sur le dynamisme croissant
du secteur : “Le métier a évolué, d'une
activité très saisonnière et très centrée sur
la montagne à une activité de plus en plus
longue sur la saison et qui se diversifie au
delà de la montagne." Exemple ? “Les
moniteurs guide de pêche, nouveau métier
associé à un diplôme, ils ne sont pas
très nombreux, aux environs de 400 en
France, mais tous arrivent à travailler",
assure-t-il. Sébastien Heude, directeur
des centres UCPA [ 3 ]Union nationale des centres sportifs de plein air. de la Vanoise-
Maurienne, confirme : “Il y a beaucoup
de travail et beaucoup de besoins.
L'UCPA embauche 1 800 saisonniers
pour l'hiver, dont 800 pour l'animation
sportive, essentiellement des moniteurs
de ski." Le rêve pour les amateurs de
sports d'hiver ? “Cela demande tout
de même une certaine base, idéalement
une pratique du ski de compétition, au
moins une pratique du ski touristique
avec un gros volume", tempère-t-il. Les
atouts pour réussir ? “La condition physique,
une bonne hygiène de vie, la volonté,
l'envie de réussir et de se dépasser".
CQFD : “Ce ne sont pas les vacances à
la neige !" Soucieux de ne pas effrayer,
Sébastien Heude s'empresse d'ajouter :
“À coeur vaillant, rien d'impossible, et le
métier ne connaît pas la crise, avec une
mise à l'emploi instantanée à l'issue de la
formation."
Si le statut de l'animateur sportif saisonnier
est majoritairement le CDD,
celui ci est quasiment automatiquement
renouvelable tous les hivers.
Pour les détenteurs d'une bi-qualification,
à mêmes de travailler toute
l'année, la porte au CDI est ouverte.
Ceci pour rappeler que si le ski représente
le Graal du saisonnier hivernal
en Rhône-Alpes, il n'est bien sur pas le
seul débouché pour les professionnels
de l'animation sportive : canoë, kayak,
voile, plongée sous-marine, VTT, parapente,
etc., sont autant de cordes à
rajouter à son arc. En termes d'évolution,
de jolis parcours sont possibles
dès lors que l'on assume la prise de responsabilités
d'encadrement, à l'instar
de Sébastien Heude qui a commencé
comme moniteur de ski et de voile et
qui dirige aujourd'hui trois centres
UCPA. Même son de cloche chez
Patrick Hazeaux, directeur de la maison
du tourisme de la Plagne (Savoie),
qui vante l'évolutivité et la transversalité
des métiers : “On peut tout à fait
être hôtesse d'accueil et être passionnée
d'animation sports et montagne", soit
dans le cumul, soit successivement.

Des sportifs, mais pas que…

Si chaque olympiade est l'occasion de
dépenses jugées dispendieuses, Patrick
Hazeaux témoigne lui d'une dépense
transformée en investissement. Héritée
des Jeux olympiques d'Albertville
(1992), l'unique piste de bobsleigh de
France constitue aujourd'hui l'une des
attractions phare de la station savoyarde.
Au delà de l'activité de compétition
qui perdure, la piste accueille en effet
quelque 15 000 touristes chaque hiver,
preuve qu'un équipement olympique
peut aussi valoriser “l'après-ski" d'un
domaine. Nécessitant un entretien
rigoureux, le site permet surtout de témoigner
de la diversité des emplois liés
au tourisme sports et nature, avec des
frigoristes chargés de l'exploitation de
l'usine de froid dédiée au refroidissement
des 1,5 km de piste. Techniciens
auxquels s'ajoute une équipe de “glaciers"
en charge du travail manuel de
la glace, momentanément débauchée
à Sotchi. Visiblement fier de son attraction,
le directeur de la Maison du
tourisme de la Plagne n'en délaisse pas
pour autant “les autres métiers dont on
n'a pas idée" : hôtesses d'accueil qui
parlent deux ou trois langues au minimum,
animateurs titulaires du Bafa,
spécialistes de l'événementiel à bac + 5,
aussi bien en charge d'une fête que de
l'organisation de la finale de la coupe
du monde de freestyle.
Sans oublier les métiers “plus techniques,
liés à la logistique et à la mise en
oeuvre". En l'occurrence, l'exemple peut
venir de la nécessité capter les touristes
en toute saison. Inversant le slogan des
promoteurs immobiliers qui vante “la
campagne à la ville", la Plagne s'est ainsi
dotée d'un “urban park" de 2 000 m²
dédié à l'ensemble des sports de glisse.
Accessible été comme hiver, le site cible
clairement les ados qui risqueraient de
détourner leurs parents de la station
avec un message on ne peut plus clair,
adressé par Patrick Hazeaux : “La montagne,
c'est bien entendu un univers de
pleine nature, mais aussi un lieu d'activités
très fun." Génératrice d'emplois
au long cours en matière d'animation,
l'installation nécessite également
d'autres corps de métiers (menuiserie,
plomberie, etc.) pour sa construction
et maintenance, lesquels peuvent tout
à fait venir compléter l'activité d'un
travailleur saisonnier.

Autre exemple avec Nathalie Saint-
Marcel, directrice du cluster Montagne.
Évoquant tous les métiers de la création
et de l'ingénierie des équipements
et aménagements nécessaires aux pratiques
sportives et ludiques, elle livre
un ultime témoignage de l'extrême
diversité du secteur : si l'animation est
le versant visible de l'iceberg, rien ne
serait possible sans les professionnels
de la comptabilité, de la technique,
du marketing, du commercial, du
montage ou de la maintenance. Eston
vraiment toujours dans le même
rêve ? “La passion n'a pas le même sens",
admet-elle. Et de conclure : “Les passionnés,
c'est formidable parce que ce sont
des gens moteurs ; mais il faut aussi des
gens qui ont un petit peu plus de recul,
voire de neutralité par rapport à l'objet
de la passion pour faire évoluer les choses
sereinement."

Notes   [ + ]

1. Pôle Rhône-Alpes de l'orientation.
2. Centre régional d'éducation populaire et de spor
3. Union nationale des centres sportifs de plein air.