Arguments et propositions de PME “lésées par la réforme" en cours

Par - Le 16 février 2014.

Dès décembre dernier, la CGPME
avait prévenu : l'accord national
interprofessionnel du 14 décembre
ne constituait qu'une première
manche ; la seconde allait se jouer
lors du débat parlementaire. La
Confédération compte bien sensibiliser
les parlementaires et l'opinion
publique aux conséquences de la
fin de la mutualisation des fonds
de la formation sur l'activité économique
et la performance des
PME, notamment en régions.
Le 28 janvier dernier, la CGPME
de Provence-Alpes-Côte d'Azur
organisait une conférence de
presse destinée à faire connaître
son analyse de la réforme et les
amendements que son organisation
a l'intention de faire apporter
au projet de loi.

Ces TPE qui dépensent
peu en formation


Paca, ce sont des géants industriels
à l'image d'Eurocopter (construction
aéronautique) ou CMA-CGM
(transport maritime). Mais Paca,
c'est surtout un tissu économique
constitué à 95 % de PME qui voient
dans la disparition de l'obligation
légale (0,9 % de la masse salariale)
une quasi-disparition des fonds
mutualisés de la formation qui leur
permettait d'investir. “Selon nos
estimations, près de la moitié des
entreprises de la région versent
leur contribution à l'Opca, mais
dépensent annuellement moins
en formation que l'équivalent de
cette somme, car elles n'en ressentent
pas le besoin", explique
Dany Serre, secrétaire générale
de la CGPME Paca. “En revanche,
un quart consomment peu ou prou
l'équivalent de leur contribution et
les 25 % restantes demandent à
leur Opca de financer leurs actions
de formation bien au-delà de leur
apport initial, piochant ainsi dans
le « pot commun » alimenté par
les entreprises qui dépensent peu.
Avec la disparition de la contribution
mutualisée obligatoire, ce
modèle est mis à mal."

Une contribution
presque divisée par six


Au plan national, la Confédération
a fait le calcul : en l'absence du
0,9 %, la contribution moyenne de
chaque PME de 10 à 49 salariés
à l'action de formation de ses
collaborateurs passerait de 6 000
à 1 300 euros, alors que le prix
moyen de la journée de formation,
lui, demeure stable aux alentours
de 1 000 euros. Insuffisant, aux
yeux de l'organisation patronale.
“Pire encore, renchérit Joël Martin,
président de la CGPME Paca,
nombre de petites entreprises
provençales exercent en qualité
de sous-traitantes. Que feront
les donneurs d'ordre lorsqu'ils
s'apercevront qu'à cause de la fin
de l'obligation légale leurs soustraitants
ne disposent plus des
qualifications nécessaires ? Ils iront
voir ailleurs !"

Un texte “défavorable
aux PME"


Aujourd'hui retraité, Joël Martin a
longtemps dirigé une PME dans le
domaine des télécommunications.
En tant que tel, il a connu tous les
sauts technologiques de cette
filière, passée de l'analogique au
numérique et des réseaux filaires
aux réseaux hertziens. Une évolution
constante qui obligeait son entreprise
à consacrer régulièrement
près de 4 % de sa masse salariale à
la formation de ses collaborateurs.
“Sans la mutualisation, je n'y serais
jamais parvenu !", assure-t-il.
Et dans une région dont le tissu
industriel mise beaucoup sur les
hautes technologies, la fin des
fonds mutualisés risque d'impacter
fortement la compétitivité, et donc
l'emploi. “Le texte du projet de loi
ne va pas dans le sens des PME,
résume le président de la section
provençale de la CGPME. Il persiste
à maintenir la possibilité pour les
plus grosses entreprises de s'exonérer
de la part mutualisée spécifique
au compte personnel de formation
par un simple accord d'entreprise."

Mutualiser la collecte
CPF


Le dirigeant de la CGPME Paca
l'admet : le texte n'est pas à jeter
d'un seul bloc et certaines nouveautés
induites, comme la possibilité
pour Agefos-PME, le “bras
armé" de la CGPME en régions,
de collecter les contributions des
entreprises au titre du Cif ou de
l'apprentissage, vont plutôt dans
le bon sens. Idem pour la dissociation
des fonds de la formation
et de ceux destinés à financer
le dialogue social, jusqu'alors
sources de suspicions. Alors il ne
s'agit plus tant de “bouleverser
fondamentalement le texte"
que de l'amender en faveur des
petites et moyennes entreprises.
En assouplissant la règle du 0,2 %
CPF, notamment.

“Les sommes provenant de ce
0,2 % de la masse salariale des
entreprises de 10 à 49 salariés
ne seront pas systématiquement
dépensées au titre du compte
personnel de formation, souligne
Joël Martin, pourquoi ne pas les
mutualiser dans le cadre d'un
pot commun qui permettrait une
redistribution aux entreprises en
fonction de leurs besoins ?" Et
dans ces conditions, la CGPME
suggère également que la part
dédiée au CPF dans les entreprises
de 50 salariés et plus – qui, dans
l'Ani s'élève à 0,1 % de la masse
salariale – soit doublée (0,2 %
là aussi, donc) pour que le “nondépensé"
puisse lui aussi se voir
mutualisé. “Voilà qui privilégierait
un peu plus les petites entreprises",
résume le président de la
CGPME provençale.

Cette campagne d'information et
de sensibilisation est à présent
déclinée dans les six départements
de la région. Alors que le vote à
l'Assemblée est toujours prévu à
la fin de ce mois de février.
n Benjamin d'Alguerre