L'Afdas : un an pour préparer la réforme

Par - Le 16 février 2014.

Pas “au milieu du gué", ou “à la croisée des chemins". Mais entre deux réformes, bel et bien.
Les Opca achèvent à peine de se remettre en ordre après les fusions de 2011-2012 et leurs
dévolutions de biens et d'activités, que déjà une nouvelle réfo rme se profile, promettant des règles
de collecte bouleversées à relativement brève échéance. Ainsi, l'Afdas, qui a la particularité
d'être un Opca dit du “hors champ", s'y prépare activement.

On l'oublie souvent, mais le domaine
de la culture constitue
le quatrième secteur du “horschamp"
avec l'agriculture, l'économie
sociale et les professions
libérales. À ce titre, l'Afdas, Opca du
spectacle, de la culture, de la communication,
des loisirs et – depuis l'intégration
des activités de Mediafor, ex-organisme
collecteur de la presse écrite, en
2012, et de celles du fonds des auteurs,
en 2013 – de l'écrit (journalistes et écrivains)
constitue, avec Uniformation et
Actalians, l'un des rares Opca à ne relever
ni du champ de l'industrie, ni de
celui du commerce ou des services.
Seule corde manquante à l'arc transculturel
de l'Afdas, la communication
graphique et multimédia (ex-
Opca CGM), qui a fait, en 2012,
le choix d'adhérer à Agefos-PME au
terme du “mercato" qui vu le nombre
d'organismes collecteurs passer de
près de cent à seulement vingt. Pas
complètement, d'ailleurs, puisque la
branche “édition" de l'Opca CGM,
elle, s'en était alors désolidarisée pour
rejoindre l'Afdas.

Intégration (finalement) réussie

Et si, dans certains Opca, les rapprochements
se sont fait dans la douleur sociale
(PSE, personnels non repris, etc.),
l'intégration de celui de la presse écrite
n'a pas été synonyme de casse pour les
anciens collaborateurs de Mediafor qui,
pendant un temps, avait été lui aussi
tenté par le choix de l'interpro. “Il y a
eu des atermoiements au départ, mais avec
le recul, on peut dire que l'intégration de
Mediafor au sein de l'Afdas est pleinement
réussie", estime Laurent Gérard, ancien
président (SNJ, syndicat national des
journalistes) de l'Opca de la presse écrite
et aujourd'hui administrateur de la
commission paritaire de gestion dévolue
aux entreprises de presse et agences de
presse (2 500 entreprises) qui, comme
pour celle dédiée à tous les autres secteurs
de l'Afdas (spectacle vivant, audiovisuel,
loisirs, publicité, etc.), a conservé
une très large autonomie de la gestion
de ses fonds. “Pour des raisons de concurrence
inter-patronale, les employeurs de
presse ont toujours refusé de mutualiser
leur contribution plan de formation à
Mediafor, exception faite de ceux de la
presse quotidienne nationale mais qui ne
représentent guère que près de 6 000 salariés
sur les 85 000 que compte l'ensemble
du secteur. Aujourd'hui, grâce à la forte
présence de l'Afdas sur les territoires (six
délégations régionales et deux bureaux décentralisés [ 1 ]Lille, Strasbourg, Marseille, Bordeaux, Rennes,
Montpellier, Toulouse.
),
quelque 200 entreprises sur
les 700 qui emploient plus de 10 salariés
dans la presse ont effectué des versements
volontaires sur leur contribution plan de
formation à l'Opca en 2012 et 2013",
explique Laurent Gérard. Une contribution
renforcée à laquelle il convient
d'ajouter les 600 000 euros supplémentaires
dont on pu bénéficier les salariés
de la presse écrite au titre du Dif ou de
la période de professionnalisation en
2013 et l'augmentation du nombre de
contrats de professionnalisation financés
par l'Opca (près de 400 en 2012).

Système “en cours
de structuration"


Bonne pioche pour la presse écrite, dont
les employeurs ont toujours été réticents
à se penser en branche professionnelle,
d'autant que le secteur est touché par
une importante précarité, puisque 61 %
des titulaires d'une carte de presse sont
pigistes ou en CDD. Mais aussi pour les
artistes-auteur dont le système de formation
est en train de se structurer au sein
de l'Afdas au sein d'un conseil de gestion
(non paritaire) composé de six “commissions
auteurs" (arts plastiques et graphiques
2D, arts plastiques et graphiques
3D, écrits et arts dramatiques, musique
et chorégraphie, cinéma et audiovisuel,
photographie) qui, au titre de sa première
collecte (en juin 2012), de près de
6 millions d'euros, a permis de financer
diverses actions pédagogiques (langues,
bureautique, gestion, comptabilité, fiscalité,
etc.) au bénéfice d'artistes professionnels
qui accédaient jusqu'alors assez peu
à la formation continue [ 2 ]Voir “Artistes-auteur, un système de formation
en pleine restructuration", in Le Quotidien de la
formation du 2 septembre 2013.
. En septembre
2013, Christiane Bruère-Dawson, alors
directrice de l'Afdas, estimait à près de
75 000 le nombre d'auteurs susceptibles
d'être éligibles aux formations financées
par l'Opca.

Rareté des formations
qualifiantes


Aujourd'hui, c'est Thierry Teboul, ancien
manager du groupe IGS, qui pilote
l'Afdas dans un contexte marqué par
la réforme de la formation professionnelle
qui voit dans le projet de loi un
“instrument politiquement intéressant" et
susceptible de mieux cibler les fonds de
la formation (l'Afdas a collecté 214 millions
d'euros en 2013) vers des publics
souvent précaires (pigistes, intermittents
du spectacle, saisonniers, artistes payés
au cachet, etc.) qui en bénéficient peu
et des entreprises d'un secteur culturel
composé à 93 % de petites entreprises.
“Dans l'imaginaire, Afdas rime souvent
avec MK2, Disneyland, Gaumont
ou UGC… mais au-delà de ces grands
groupes, notre secteur est composé d'une
immense majorité de TPE de moins de
dix salariés", rappelle celui qui a succédé
à Christiane Bruère-Dawson à la rentrée
2013. “Politiquement intéressante",
cette réforme, mais source d'inquiétude
aussi, pour Thierry Teboul. “Les formations
au titre du compte personnel de
formation doivent être obligatoirement
qualifiantes… mais le souci, c'est que dans
certains domaines, comme le spectacle, de
telles formations sont rares. Et aussi, le fait
que nous appartenions au « hors-champ »
et qu'en tant que tel, ni la CGPME ni le
Medef ne siègent dans notre conseil d'administration.
Cette absence risque d'être
désavantageuse pour l'Afdas lorsqu'elle se
présentera devant les commissions régionales
de la formation où nos représentants
syndicaux et patronaux ne siègent pas."
Une situation qui pourrait cependant
se voir réglée dans la loi en cours d'examen
au Parlement, puisque son article
14, amendé à l'Assemblée, prévoit une
représentation du hors-champ au sein
de ces instances régionales.

Précaires... et très diplômés

Autre problématique propre aux professions
représentées par l'Afdas : la
définition même de publics précaires.
“Malheureusement, les partenaires sociaux
et les politiques ont une vision de la précarité
qui ne correspond pas à nos réalités.
Les salariés précaires dans nos métiers
sont souvent très diplômés : journalistes,
techniciens, créatifs, etc. En tant que tels,
ils sont rarement éligibles aux dispositifs
existant ou à venir." C'est le cas, par
exemple, dans le secteur publicitaire, où
l'un des enjeux en matière de formation
consiste à faire monter en qualification
des salariés rentrés dans le métier avec
un bac + 2 ou + 3 désormais insuffisant
pour exercer des fonctions exigeant
aujourd'hui un master, voire davantage.
“Mais eux, ne sont pas considérés comme
prioritaires, hélas."

Le renforcement de l'activité
de conseil


2014 constituera une année de transition
pour l'Afdas, dont les équipes
sont mobilisées avec à l'esprit l'horizon
du 1er janvier 2015, date à laquelle la
réforme entrera en vigueur. “Le lien
orientation-formation-emploi est au
coeur de cette réforme et nous disposons
d'un an pour nous y préparer", avertit
le directeur général de l'Opca. S'y
préparer, en modernisant les systèmes
d'information de l'Afdas pour les
rendre compatibles avec ces outils que
seront le compte personnel de formation
(CPF) et le conseil en évolution
professionnel (CEP) sur lequel Thierry
Teboul entend mobiliser ses équipes.
“Beaucoup de professionnels accompagnés
par l'Afdas, artistes, écrivains, pigistes,
intermittents du spectacle, sont souvent
solitaires, c'est pourquoi notre politique
d'accueil et d'information doit être renforcée."
Une démarche qui, en grande
partie, fait déjà partie de l'ADN de
l'Opca, qui conseille déjà près d'une
centaine de personnes chaque jour. Le
renforcement de l'activité de conseil
se traduira-t-il pas l'ouverture de nouvelles
délégations en régions ? Le directeur
général ne l'exclut pas et annonce
également une consolidation des partenariats
liant l'Afdas aux différents
acteurs de l'apprentissage (l'Afdas est
collectrice de la taxe d'apprentissage
par délégation et a recueilli 43 millions
au titre de 2013) et du congé individuel
de formation (les Fongecif que
la réforme a placé au premier rang du
conseil en évolution professionnel).

Marché concurrentiel...

Conseil au public. Mais conseil aux
entreprises aussi. D'autant que Thierry
Teboul prophétise l'arrivée, sur ce
marché, de prestataires privés qui ne
manqueront pas de faire concurrence
aux Opca en matière de conseil aux
entreprises. “Accompagner les TPE, c'est
l'une des marques de fabrique de l'Afdas,
souligne-t-il, mais à partir de cette année,
nous allons nous orienter sur le renforcement
de notre activité de conseil en
matière de GPEC sur les territoires."
Et puis, il y a aussi les activités plus
classiques, pour l'Afdas, celles qui ne
sont pas liées à la réforme, comme
l'insertion professionnelle des personnes
handicapées dans les métiers
de la culture et du spectacle où ça persiste
à coincer. Ainsi, les 88 entreprises
assujetties de la branche audiovisuelle
de l'Opca auraient dû, en 2010, embaucher
281 équivalents temps plein
en situation de handicap pour respecter
les 6 % prévus par la loi. Elles n'en
employaient que 16, soit 0,33 %, bien
loin de l'obligation légale. Sur ces sujets
là, aussi, il y aura du travail pour les
équipes de l'Afdas. “À bien y réfléchir,
2014 est une bonne année en perspective",
annonce Thierry Teboul.

Notes   [ + ]

1. Lille, Strasbourg, Marseille, Bordeaux, Rennes,
Montpellier, Toulouse.
2. Voir “Artistes-auteur, un système de formation
en pleine restructuration", in Le Quotidien de la
formation du 2 septembre 2013.