Marielle Rabourdin - l'animation sans frontières

Par - Le 16 février 2014.

De sa rencontre avec le coton, l'eau et
le papier, l'écrivain Érik Orsenna a livré
un petit précis de la mondialisation.
Depuis notre rencontre avec Marielle
Rabourdin, 57 ans, elle s'incarne dans le
récit d'un parcours en proie à l'économie
planétarisée.

Pas sans moi !

Adolescente partagée entre l'envie de
découvrir le monde et sa passion du
dessin, Marielle Rabourdin sera formée aux
Beaux-Arts de Tours, avant de suivre à Paris
une formation de dessinatrice d'animation
aux Gobelins. Après quinze ans passés à
enchaîner avec passion contrats et studios,
survient la crise : avec une vingtaine de
dessins nécessaires à la production d'une
seconde d'animation, la production tient de
l'artisanat alors que le modèle économique
relève, lui, de l'industrie. Exceller dans le
domaine ne suffit bientôt plus à contenir
l'assaut de la concurrence internationale.
Ici comme ailleurs, l'idée qu'il n'y a pas
d'autre solution que la délocalisation se
répand. Et d'une certaine manière, cela ne
déplaît pas à Marielle Rabourdin, qui n'a
pas oublié ses rêves d'étranger. Il va falloir
former et superviser, elle a déjà quinze ans
d'expérience. Formatrice à Hô-Chi-Minh-
Ville, superviseure à Séoul, elle élargit sa
palette et savoure chaque rencontre.

Fragile exception

Arrive 2006 : les amateurs de romans
graphiques se souviennent de la transposition
sur grand écran de Persépolis, la bande
dessinée autobiographique de Marjane
Satrapi. Gros budget et retour à une
réalisation 100 % française. Marielle
Rabourdin ne peut manquer l'aventure.
Arrivée sur le tard, elle redevient simple
assistante et se régale dans un “mix
d'ancienne et nouvelle générations".
Confirmant son statut d'Ovni, Persépolis ne
signe cependant pas une relocalisation de
l'industrie du dessin animé. Il faut bientôt
repartir et ce sera cette fois-ci les Philippines,
toujours plus loin, toujours moins cher.
Manille, triste cul-de-sac d'un système où
plus grand monde ne gagne.

Ni les travailleurs locaux qui s'enferrent dans
la pauvreté, ni les expatriés confrontés au
grand “choc social", pas même la production
condamnée à creuser encore et encore. Au
moins l'expérience philippine laisse-t-elle
le souvenir de riches rencontres. Tout le
contraire de Titeuf, réalisé en Chine, dans
une fausse collaboration avec des travailleurs
désabusés par une longue tradition de soustraitance.
Ils n'en vivent guère mieux, mais
ont au moins acquis le pouvoir de s'investir à
hauteur de leur maigre valorisation.
Le dessin d'animation ne les fait pas rêver,
il satisfait de moins en moins Marielle
Rabourdin. Si l'expatriation n'a plus de sens,
autant rentrer.

Action (sociale) !

Pour retrouver quoi ? Une industrie qui
ne prend même plus la peine d'envoyer
des superviseurs, tout occupée à vivre la
révolution de la 3D. Davantage héritière de
Méliès que de Pixar, Marielle Rabourdin
tente de réagir. Trois jours de Dif [ 1 ]Droit individuel à la formation. suffiront
à clore trente ans de carrière : trop
d'informatique et plus assez de beaux-arts.
La rapidité de la décision n'éclipse en rien
la cohérence : parvenue au bout d'un cycle
vécu avec une grande passion, face à des
perspectives qui ne correspondaient en rien
à ce qui l'avait toujours motivée, la suite
était forcément à réécrire. Avec une histoire
à partager et une sensibilité à l'autre
jamais démentie, il s'agit désormais de
“transmettre aux gens l'envie de vivre leur
vie". Reconnaissant ici même la détresse
rencontrée en Asie, elle se voit désormais
travailleuse sociale. Forte du soutien de
Pôle emploi, elle attend aujourd'hui la
décision de l'Opca des intermittents [ 2 ]Afdas pour
entamer un BTS de conseillère en économie
sociale et familiale. Quoi qu'il arrive, elle
en est sûre, elle n'animera plus les écrans,
mais la cité.

1980 Beaux-Arts (Tours)
1982 formation de dessinateur d'animation aux Gobelins (Paris)
1982 à 2013 carrière en France et à l'étranger
2014 reconversion

Notes   [ + ]

1. Droit individuel à la formation.
2. Afdas