L'alternance, levier d'autonomie pour les salariés handicapés en Aquitaine

Par - Le 01 mars 2014.

Une réponse concertée, réunissant tous les acteurs de la formation autour du parcours
professionnel de la personne handicapée. C'est le travail réalisé en Aquitaine dans le cadre
du SRFPH − le schéma régional pour la formation des personnes handicapées. Explications.

Fruit d'un partenariat entre le
Conseil régional d'Aquitaine,
l'État (Direccte Aquitaine) et
l'Agefiph depuis 1998, le schéma
régional pour la formation des
personnes handicapées Aquitaine
met en réseau les centres de formation
(organismes de formation continue
et centres de formation d'apprentis
(CFA) avec des spécialistes du handicap
et les référents de parcours des
jeunes et adultes handicapés (référent
handicap, Mission locale, Pôle emploi,
Cap emploi, etc.).

“La finalité des partenaires institutionnels
est de favoriser un meilleur accès des
personnes handicapées aux dispositifs de
formation de droit commun (formation
professionnelle continue et apprentissage),
souligne Béatrice Serraj, coordinatrice
du SRFPH Aquitaine. Cet objectif s'inscrit
pleinement dans la loi du 11 février
2005 pour l'égalité des droits et des
chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées, qui précise
clairement que les centres de formation
doivent adapter les rythmes et modalités
pédagogiques en fonction des besoins
de compensation du handicap des personnes
handicapées (article D. 5211-1
et suivants du Code du travail). Ce qui
implique de la part de ces structures une
réflexion sur l'accessibilité et la compensation
du handicap en formation compte
tenu des différentes situations de handicap
des personnes."

Une “méthode de coopération"

Au moment de sa création, le SRFPH
ne comptait qu'un coordinateur, qui
allait à la rencontre des centres de formation
aquitains pour les sensibiliser
aux besoins particuliers des stagiaires
ou apprentis handicapés. À partir de
2005, l'équipe s'est étoffée pour offrir
aux professionnels de la formation un
appui à la mise en place des parcours
de formation en faveur des jeunes et
adultes handicapés.

“Dans le cadre d'un groupe de travail
régional réunissant les différents représentants
des centres de formation, référents
de parcours et acteurs spécialisés dans le
champ du handicap, reprend Béatrice
Serraj, a été élaborée une méthode de coo
pération entre les différents acteurs en présence
autour du parcours de la personne
handicapée. Il s'agit d'aider les centres de
formation, à partir de leurs difficultés, à
utiliser tous les dispositifs et à rechercher
des partenaires spécialisés. Notre mission
n'est donc pas d'intervenir directement
auprès des personnes en situation de handicap,
mais auprès des acteurs de la formation,
pour les aider à répondre à leurs
obligations légales."

La méthode de coopération, initiée
par le SRFPH entre les acteurs, laisse
entendre que “le centre de formation
est un expert dans sa pédagogie et que
le partenaire spécialisé apporte des compétences
complémentaires sur l'axe handicap.
Cependant, l'acteur spécialisé
ne crée pas la réponse. Il faut la créer
ensemble, c'est-à-dire rassembler les compétences
de chacun des acteurs autour du
parcours professionnel du jeune ou de
l'adulte handicapé".

Appui à l'accessibilité
des formations


Ainsi, en matière de formation continue,
les partenaires institutionnels du
SRFPH (État, Région Aquitaine et
Agefiph) ont souhaité en Aquitaine
accompagner les professionnels de
l'insertion et de la formation par le
développement d'un dispositif d'appui
à l'accessibilité des formations. Ce dispositif
est constitué de deux phases.

“La première est une phase de diagnostic
: la prestation Recap (rencontres
d'expertises croisées pour l'accessibilité
pédagogique), indique Béatrice Serraj.
Elle permet de regrouper des compétences
complémentaires (responsable
pédagogique, prescripteur de la formation,
partenaire spécialisé dans le champ
du handicap, la personne elle-même)
autour du référent handicap au sein de
l'organisme de formation." Ceci pour
définir ensemble les conditions de formation
les plus adaptées aux besoins
spécifiques de la personne et d'en étudier
la faisabilité. Cette prestation,
financée par l'Agefiph, analyse l'écart
entre les contraintes de la personne et
les exigences de la formation, permettant
ainsi de définir collectivement des
préconisations d'aménagements “utiles
et raisonnables" pour compenser le
handicap de la personne tout au long
de son parcours de formation.

La seconde phase concerne la mise en
oeuvre des adaptations et aménagements
préconisés lors de la prestation
Recap (par exemple, matériel pour la
vision, interprète en langue des signes,
soutien pédagogique, individuel, sensibilisation
au handicap des personnels
de l'OF ou des autres stagiaires, etc.).
Parfois, ces aménagements doivent faire
l'objet d'une demande de dérogation
auprès du financeur de la formation
(Conseil régional, Pôle emploi, etc.), si
les adaptations requises viennent interférer
avec le cahier des charges de la
formation (durée, rythme, etc.), d'une
demande de financements auprès de
l'Agefiph, si les adaptations ont un coût
(matériel, adaptations pédagogiques,
aides humaines, etc.), d'une demande
d'adaptation des épreuves de validation
de la formation si elles ont été jugées
nécessaires.

La prestation “Étape +"

“Par ailleurs, nous souhaitons développer
un partenariat plus systématique
avec l'Éducation nationale de manière
à accompagner les jeunes handicapés qui
quittent les dispositifs collectifs de scolarisation
dans le second degré, à savoir
les unités localisées pour l'inclusion scolaire
(Ulis)", expose Béatrice Serraj.
Rappelons que les élèves scolarisés au
titre des Ulis présentent des troubles
des fonctions cognitives ou mentales,
des troubles envahissants du développement,
des troubles de la fonction auditive,
des troubles de la fonction visuelle
ou des troubles multiples associés. Il
s'agit ici de faciliter leur recherche d'un
contrat d'apprentissage.

“Depuis quelques années, de plus en plus
de jeunes handicapés sortent de l'Éducation
nationale et entrent en apprentissage.
C'est une modalité très pratique
pour ceux qui ont connu l'échec scolaire.
Ils peuvent poursuivre les apprentissages
de manière très concrète dans le
cadre d'un contrat de travail et d'une
formation." Une fois le contrat signé,
sa mise en place pour des publics en
manque d'autonomie demande une
capacité d'adaptation de l'ensemble
des acteurs en présence (CFA, autres
stagiaires, entreprise). Il est nécessaire
de réfléchir aux moyens proposés
quand on accueille une personne handicapée.

“En Aquitaine, les CFA ont
la possibilité, tout au long du parcours,
de mobiliser la prestation Étape +, qui
leur permettra de faire intervenir un
professionnel spécialisé dans le type de
handicap du jeune apprenti ; prestation
financée par l'Agefiph ou le FIPHFP,
pour analyser les besoins particuliers
liés au handicap, dans le contexte de
la formation. À partir du diagnostic et
une fois sensibilisés, les professionnels
peuvent être force de proposition pour
mettre en place des aménagements avec
le jeune concerné, le référent du parcours
(Cap emploi, Mission locale, etc.), le
CFA." Dans ce contexte, l'entreprise
est bien sûr associée à cette démarche,
ne serait-ce que sur le plan de l'aménagement
du poste de travail mais pas
seulement. Elle doit apparaître comme
une modalité formative à part entière,
et pas uniquement comme terrain de
stage. Par exemple, un apprenti atteint
de troubles cognitifs (dyslexie) a des
difficultés de lecture, de compréhension,
d'écoute et de prise de notes
simultanées. Les aménagements proposés
peuvent être les suivants : mise
à disposition d'un lecteur-scripteur,
prise de notes à la place de l'apprenti,
enregistrements, appuis pédagogiques
individualisés, renforcement de l'accompagnement
en entreprise, apport
à l'entreprise pour comprendre les
contraintes du jeune…

Dynamiser l'organisation

Cette conception de la formation qui
repose sur un trio d'acteurs (apprenant,
entreprise, centre de formation)
implique en début de parcours de réunir
ces acteurs mais aussi le référent de
parcours et, si la situation de handicap
le nécessite, un “expert" handicap, étant
entendu que chaque partie prenante a
sa propre expertise. De plus, des temps
dédiés à la coordination des acteurs
devront être déterminés au cours du
parcours de l'apprenant. Il peut en effet
y avoir des situations internes à l'entreprise
qui viennent impacter la formation
de l'alternant. Dans ce cas, le CFA a une
place centrale de régulateur afin que la
logique de production ne prenne pas le
pas sur le parcours de l'apprenant.
Dans sa démarche d'ensemble, la méthode
de coopération instaurée par le
SRFPH vise ainsi à rendre la personne
plus autonome dans son parcours professionnel,
à dynamiser l'organisation
de l'entreprise d'accueil, et à questionner
les pratiques pédagogiques du
centre de formation pour les améliorer.