Conférence - L'urgence pour les entreprises de se préparer à la réforme

Par - Le 15 mars 2014.

Les professionnels s'interrogent
quant aux conséquences de la
réforme dans les entreprises. Le
4 mars, le groupe IGS organisait
une première séance de décryptage
animée par Philippe Joffre, directeur
général du cabinet Paradoxes. Les
décrets d'application ne sont pas
publiés et pourtant, à l'en croire, “il
y a urgence pour les entreprises à se
préparer à cette réforme".

En supprimant la contribution
mutualisée obligatoire des entreprises
de plus de 300 salariés au
plan de formation et en instaurant
un compte personnel de formation
(CPF) attaché aux individus et opposable
aux employeurs, la réforme
va avoir pour conséquence d'augmenter
sensiblement (+ 72 % selon
les chiffres du ministère du Travail)
les financements mobilisables par
les salariés ou les demandeurs
d'emploi à leur simple initiative.
Des formations indépendantes de la
stratégie des entreprises, puisque
celles auxquelles le CPF sera ouvert
dépendront de listes élaborées par
les partenaires sociaux ou les instances
régionales quand bien même
la loi permet aux employeurs de
gérer le “0,2 % CPF" en interne,
sans passer par l'Opca. “Aucune
entreprise, aucune branche professionnelle
ne peut échapper au droit
commun, rappelait Philippe Joffre,
même les entreprises qui choisiront
une gestion interne de ces fonds ne
pourront ajouter des éléments aux
listes établies." Exit, donc, la possibilité
de puiser dans ce “0,2 %"
pour financer de simples formations
d'adaptation au poste de travail,
puisque celles inscrites sur ces
listes devront être nécessairement
qualifiantes.

Le regard des IRP

Mais la réforme induit également
un regard accru des instances
représentatives du personnel (IRP)
sur les politiques de formation des
entreprises : elles seront désormais
davantage impliquées dans l'élaboration
du plan de formation, mais
aussi dans les négociations relatives
à la GPEC et à l'abondement
du CPF, qui doivent s'ouvrir cette
année dans les entreprises de plus
de 300 salariés. “Cette mesure va
amener les élus du personnel, les
comités d'entreprise et les partenaires
sociaux à renforcer leur
logique d'expertise sur la formation
et à faire appel, par exemple, à des
cabinets spécialisés pour juger de
la qualité des plans de GPEC et des
politiques de formation que leur
proposent les entreprises. Mais
pour cela, il faut que la qualité des
élus syndicaux dans les entreprises
soit à la hauteur…", a fait observer
Philippe Joffre ; Heureux cependant
de constater qu'ils “semblent faire
preuve de davantage de volonté
d'informer les salariés sur le CPF
qu'ils ne l'ont fait sur le Dif en
2004...".

Et reste, aussi, la possibilité pour les
employeurs de faire appel à leur Opca
pour les accompagner. “Au sein des
entreprises, on note une certaine tendance
à vouloir recourir à l'Opca dans
la gestion du compte personnel de
formation durant la première année
de sa mise en pratique." Cela va
renforcer ceux “qui sauront s'inscrire
dans une dynamique de service et
d'accompagnement", avec “l'expertise
et des moyens humains pour le
faire. Pour ceux qui ne rentreront pas
dans cette logique de service, l'avenir
risque d'être compliqué !"

Externaliser le CEP ?

Une logique d'externalisation qui
risque également de s'imposer pour
le conseil en évolution professionnelle
(CEP), selon Philippe Joffre
qui, pour l'heure, voit peu de prestataires,
parmi ceux chargés d'assurer
ce service, disposant de l'expertise
et des infrastructures pour le faire.
“Les Fongecif constituent pour l'instant
les opérateurs les plus à même
de prodiguer un conseil de qualité.
Mais il leur faudra assurer près de
300 000 prestations par an ? Comment
financer un tel volume de
prestations ?" À ses yeux, la solution
pourrait passer par la contractualisation
avec des partenaires
extérieurs. “Je vois assez la mise
en place d'une dynamique d'accords-
cadres avec délégation de
service public, comme ce fut le cas
avec le bilan de compétences." Une
dynamique dans laquelle pourraient
s'inscrire les partenaires sociaux.

PROMULGATION DE LA LOI DU 5 MARS 2014

Le 6 mars dernier était publiée au Journal officiel la loi sur la
formation professionnelle, l'emploi et la démocratie sociale. Une
promulgation effective en peu de temps car “il y avait urgence
à agir dans le domaine de la formation et de l'apprentissage", a
déclaré Michel Sapin, ministre du Travail, en conférence de presse
le même jour. Il a insisté sur trois points d'application immédiate
de la loi. D'abord, “en matière d'apprentissage, le contrat pourra
être un contrat à durée indéterminée. Cela permet de donner
plus de sécurisation au parcours professionnel de l'apprenti dans
l'entreprise et plus de fidélité de la part de l'apprenti vis-à-vis de
l'entreprise". Le deuxième point concerne le contrôle de la qualité
de la formation professionnelle. Les services de l'État disposeront
d'outils plus efficaces pour contrôler le bien-fondé des dépenses
d'apprentissage et de formation professionnelle. “C'est un sujet qui
défraie la chronique puisqu'il touche à la qualité des formations
et à la qualification des personnes qui dispensent la formation",
a commenté Michel Sapin. Enfin, le troisième point porte sur
l'utilisation du contrat de génération pour la transmission-reprise
d'entreprise. “Nous avons fait en sorte que le recrutement des
jeunes s'effectue jusqu'à l'âge de 30 ans dans ce cas", a fait valoir
le ministre.