Refondation, orientation et CIO

Par - Le 15 mars 2014.

Que va-t-il advenir des centres d'information et d'orientation (CIO) dans le contexte du nouveau
service public de l'orientation ? Un groupe de travail a été récemment mis en place sur la question,
les scénarios s'opposent et la vigilance est maximum pour tous les acteurs. Qui seront les décideurs,
quels seront les statuts, questions essentielles.

En parallèle du vote de la loi qui
les destine à participer au niveau
national sous pilotage de l'État [ 1 ]Loi relative à la formation professionnelle,
à l'emploi et à la démocratie sociale.
,
un groupe de travail du ministère
de l'Éducation nationale, mis
en place le 30 janvier 2014 et associant
les différents syndicats, avance les premiers
scénarios. Deux fiches de travail
que s'est procurées L'Inffo précisent les
missions des personnels d'orientation
et renseignent sur l'évolution de la carte
des CIO.

Les jeunes en milieu scolaire
et ailleurs


La fiche consacrée aux missions des personnels
d'orientation l'assure d'emblée :
les CIO, leurs directeurs (DCIO) et
les conseillers d'orientation psychologues
(Cop) “sont au coeur de [la] stratégie"
du ministère. Concrètement, “tous
les personnels de l'orientation restent des
fonctionnaires d'État", “leurs statuts et
leurs missions sont définis par l'Éducation
nationale". Ces dernières s'exercent au
sein des CIO publics et des établissements
publics locaux d'enseignement
(Éple). Dans les CIO, les missions des
Cop s'exercent auprès du public scolaire
(jeunes et familles), mais aussi auprès
d'autres publics dont certains sont
également de la compétence régionale
(décrocheurs, adultes, jeunes sortant
de prison, etc.). Leur “participation aux
manifestations relatives à l'information et
à l'orientation et au partenariat dans le
cadre du service public régional de l'orientation
(SPRO)" est également prévue.
Dans les Éple, les missions s'articulent
entre l'accompagnement des élèves et
des familles, le conseil technique auprès
des équipes éducatives et l'ingénierie
éducative en orientation.

Du côté syndical, le Snes regrette cette
distinction au motif qu'elle pourrait
donner l'idée qu'il y a deux métiers
différents. Très attaché au rôle de psychologue
du Cop, le syndicat rappelle
également que leur expertise ne se limite
pas à l'élaboration de parcours de formation,
rejoint à cet égard par la CGT
Éducation. La question du périmètre
préoccupe de fait l'ensemble des syndicats.
Pour le Sgen-CFDT, c'est à la fois
la mention du conseil en orientation et
de l'accueil des étudiants qui manque
à l'appel ; pour le SIEN-Unsa, c'est un
constat d'“appauvrissement des missions"
qui conduit FO à se demander si certaines
missions sont désormais dévolues
aux enseignants.

Concernant les DCIO, il est précisé que
ceux-ci peuvent être conduits “à mener
le travail partenarial avec les « autres acteurs
» [ 2 ]Dans la loi relative à la formation professionnelle,
l'emploi et la démocratie sociale, l'expression “autres
acteurs" renvoie aux réseaux coordonnés par la Région.
au sein du SPRO".

Une nouvelle carte des CIO
en 2015


Qu'il s'agisse de la loi de 2009 ou de celle
de 2014, le positionnement des CIO est
bousculé. La fiche du groupe de travail
qui traite de l'évolution des CIO ne le
cache pas : SPRO et désengagement
des Conseils généraux des CIO départementaux [ 3 ]Une partie des CIO sont d'anciens centres
d'orientation professionnelle, puis centres d'orientation
scolaire et professionnelle, pilotés par les mairies et les
Conseils généraux. D'où l'appellation de CIO départementaux,
qui n'ont pas tous été repris par l'État lorsque
celui-ci a créé les CIO dans les années 70.
appellent “une réflexion sur
le maillage territorial de ces structures".
Soulignant qu'une “cloison étanche entre
l'orientation des élèves et des étudiants et
l'orientation professionnelle" ôterait tout
“sens" à la “notion même d'orientation
tout au long de la vie", la fiche rappelle
que l'article 12 de la loi de 2014 prévoit
une convention annuelle État-Région,
ainsi qu'une convention nationale de
cadrage élaborée avec l'Association des
Régions de France pour “assurer la cohérence
des approches territoriales".

Sur la base d'une évolution de la carte
envisagée pour la rentrée scolaire 2015,
la fiche propose un maillage territorial
appuyé sur la carte des bassins de formation,
jugés “entités territoriales pertinentes
pour penser l'orientation tout au long
de la vie". Question cruciale pour Sud
Éducation, cette solution conduirait
selon l'organisation syndicale à diviser le
nombre de CIO par deux. Plus qu'une
approche nationale, Sud Éducation réclame
une cartographie locale, justifiée
par la diversité des académies. Autre possibilité
évoquée par le ministère : les “circonscriptions
administratives, préfectures
et sous-préfectures". En l'attente, et alors
que les CIO départementaux fermés ces
dernières années l'ont été au motif que
la compétence orientation relevait désormais
soit de l'État, soit des Régions,
la fiche invite à ne pas entreprendre de
nouvelles fermetures, à l'exception de
celles déjà engagées sur initiative d'un
Conseil général. Sud Éducation a déjà
prévenu qu'il s'agit là d'un casus belli,
l'organisation syndicale ayant indiqué
son intention de quitter le groupe de
travail si “des initiatives de fermeture de
CIO et de réorganisation des services de
l'orientation [étaient] prises dans certaines
académies".

Désengagements...

Reste qu'en cas de retrait d'une collectivité,
le ministère de l'Éducation nationale
s'en remet à deux solutions juridiques :
soit la transformation en CIO d'État,
qui en assurera l'intégralité des coûts de
financement, soit la fermeture par arrêté
conjoint du ministère de l'Éducation nationale
et de celui du Budget. La rue de
Grenelle le souligne : “Il est juridiquement
impossible d'imposer à un Conseil général
de continuer indéfiniment à assumer la
charge du financement d'un CIO lorsqu'il
a expressément fait connaître à l'État son
souhait de se désengager." Indiquant par là
à la fois que l'État ne reprendra pas tous
les CIO menacés et son souhait de limiter
les fermetures, le ministère conclut : “Il
convient de rechercher des solutions alternatives,
par exemple auprès des communes ou
communautés de communes, pour maintenir
le financement d'une structure AIO
(accueil-information-orientation) au-delà
de la publication de l'arrêté de fermeture,
afin de garantir la cohérence, à terme, de
la carte académique des CIO." Structure
AIO, donc pas forcément un CIO, et
possiblement d'autres types de structures
elles-mêmes en suspens, comme les
Centres d'information jeunesse…

... tutelles, statuts
et désaccords


Pour l'Association nationale des directeurs
de CIO (ANDCIO), dont le président
Yvan Souleliac indique à L'Inffo
regretter de ne pas avoir été associé au
groupe de travail, la solution aurait pu
être une transformation en établissement
public administratif. Si la proposition
agrée le Sgen, elle est cependant
rejetée par le Snes et le ministère. Cité
par le syndicat de l'inspection nationale
Unsa, le directeur de cabinet adjoint du
ministère, Bernard Lejeune, n'en verrait
en effet pas l'intérêt, au motif que “la
mise en oeuvre de la politique d'orientation
est du ressort de l'État avec convention avec
la Région".

L'édification d'un ÉPA pour l'orientation
signifierait donc la création d'une
autre tutelle que celle de l'Éducation nationale
sur les CIO ? Incompréhension
de Zbyslaw Adamus, l'un des anciens
vice-présidents de l'ANDCIO, qui s'exclame
sur le site de l'association : “Voilà
que les ÉPA que sont les Éple, c'est-à-dire
les collèges et les lycées, ne seraient plus sous
tutelle de l'Éducation nationale ?" Autre
sujet d'inquiétude pour le Snes, l'évolution
des missions et des financements
afférents dans le cadre du modèle de
l'ÉPA : “Rien n'empêcherait donc, dans le
cadre de l'orientation tout au long de la
vie, un ÉPA de pratiquer des activités et
missions annexes (orientation d'adultes,
réalisation de bilans d'adultes, validation
de leurs projets, engagement dans des actions
concernant les demandeurs d'emploi,
etc.)." Or, souligne le Snes, si l'ÉPA “permet
de récupérer des fonds, y compris du
FSE", ceux-ci “ne sont pas pérennes, ne
peuvent donner lieu à des recrutements
ni à des financements de structures publiques".
D'où des “conséquences qui se
mesureraient en termes d'actions supplémentaires
non inscrites aujourd'hui dans
les missions et fixées par le conseil d'administration
de l'ÉPA". À tout le moins,
rétorque Zbyslaw Adamus, “le statut
d'ÉPA officialiserait la réalisation des
activités annexes demandées au CIO…".
Et d'énumérer ce qui se pratique déjà
dans différentes académies, de l'accueil
conjoint d'adultes par un conseiller
d'orientation psychologue (personnel
CIO) et un conseiller en formation
continue (personnel Gréta), au Point relais
conseil pour la validation des acquis
de l'expérience. “En 2010, souligne-t-il,
pour plus de la moitié des Gréta pratiquant
des activités de bilan, les actions se
déroulaient dans un CIO…"

Comment “dénouer cet
écheveau" ?


C'est sans doute là un problème majeur
pour les CIO. Là où d'autres acteurs sont
tout simplement apparus dans le champ
de l'AIO à la faveur du concept d'orientation
tout au long de la vie fixé par le cadre
européen, eux ont eu à évoluer. Le sentiment
d'avoir eu à le faire sur injonction
(loi du 24 novembre 2009), avec des problèmes
de statut, sur fond de régionalisation
(SPRO) et, surtout, de fermetures,
les a souvent heurtés. Leurs désaccords
persistants quant à la vision de leurs missions
n'est sans doute pas pour rien dans
le constat dressé par Zbyslaw Adamus :
“Chez nous, la malédiction se poursuit, on
ne sait plus ce qu'il y a à faire, ni qui doit
le faire. Aux Régions qui revendiquaient
l'orientation, le ministère de l'Éducation
nationale avait annoncé qu'il voulait leur
« donner » les CIO ; la loi de refondation
de l'école de la République les a donc exilés
dans le projet de loi de décentralisation ;
mais les Régions se sont récusées ; le projet
de loi de décentralisation a éclaté. Et voilà
qu'à la faveur de l'accueillant projet de loi
sur la formation professionnelle, l'orientation
scolaire est rendue à l'Éducation nationale,
mais scindée de l'orientation tout au
long du reste de la vie. Nous avions fondé
quelque espoir dans la concertation annoncée
pour dénouer cet écheveau." Il va falloir
maintenant s'en remettre aux futures
conventions État-Région.

Notes   [ + ]

1. Loi relative à la formation professionnelle,
à l'emploi et à la démocratie sociale.
2. Dans la loi relative à la formation professionnelle,
l'emploi et la démocratie sociale, l'expression “autres
acteurs" renvoie aux réseaux coordonnés par la Région.
3. Une partie des CIO sont d'anciens centres
d'orientation professionnelle, puis centres d'orientation
scolaire et professionnelle, pilotés par les mairies et les
Conseils généraux. D'où l'appellation de CIO départementaux,
qui n'ont pas tous été repris par l'État lorsque
celui-ci a créé les CIO dans les années 70.