Compte personnel de formation : la concertation quadripartite reprend ses travaux

Par - Le 01 avril 2014.

Ce 2 avril, la concertation du groupe quadripartite sur le compte personnel de formation
(CPF) reprend, pour traiter une question laissée en suspens par ses travaux précédents,
et par la loi du 5 mars : l'élaboration des listes de formations éligibles, notamment
concernant le “socle de connaissances et de compétences". État, Régions, syndicats
de salariés et organisations d'employeurs vont confronter des avis divergents.

Une dernière fois réunie le
19 décembre 2013, sous la
présidence de Jean-Marie
Marx, directeur général de
l'Apec, la concertation quadripartite
est prévue par la loi relative à
la sécurisation de l'emploi du 14 juin
2013. Les parties en présence − État,
Régions, syndicats de salariés et organisations
d'employeurs − ont pour
tâche de discuter de la mise en oeuvre
du compte personnel de formation
(CPF). Les premières réunions avaient
permis d'élaborer une vision partagée
des conditions de mise en oeuvre du
CPF, un projet de cahier des charges
du conseil en évolution professionnelle
(CEP) [ 1 ]Compte personnel de formation et conseil
en évolution professionnelle.
et un avant-projet de cahier
des charges pour un système d'information.
Ce, en parallèle de la négociation
menée par les partenaires sociaux,
et qui a abouti à l'Ani du 13 décembre
2013.

Le 2 avril, elle se réunit à nouveau pour
traiter de la question des listes éligibles
au compte personnel de formation.
Une mission au cours de laquelle elle
sera épaulée par l'Inspection générale
des affaires sociales (Igas), chargée par
le ministère du Travail et de l'Emploi
de déterminer une méthodologie d'élaboration
de ces fameuses listes où les
formations recensées devront nécessairement
mener à la qualification ou à la
certification.

Socle de compétences,
mais pas seulement


L'élaboration de ces listes pourrait être
source de tensions entre les quatre
parties réunies autour de la table, et
dont les intérêts quant aux types de
formations éligibles peuvent diverger,
notamment concernant celle définissant
le “socle de connaissances et de
compétences" qu'il appartient encore
de définir.

C'est là où le bât est susceptible de blesser.
Car si, par exemple, un syndicat
comme la CFTC souhaite permettre
que le CPF puisse être mobilisé pour
lutter contre l'illettrisme, la CFECGC,
de son côté, estime plus légitime
que ce socle minimal soit davantage
tourné vers la compétitivité des salariés
et comprenne la maîtrise d'une langue
étrangère ou de compétences informatiques.
“À nos yeux, les fondamentaux
– lire, écrire, compter – relèvent de l'Éducation
nationale, et donc de l'État, pas des
fonds de la formation continue", assène
Dominique Jeuffrault, secrétaire nationale
du syndicat des cadres en charge
des questions de formation. Une position
sur laquelle l'ancienne chef de file
de la délégation CFE-CGC lors de la
négociation sur l'Ani [ 2 ]Accord national interprofessionnel du 14 décembre
2013.
admet être sur ce
sujet – spécificité de la défense de l'encadrement
oblige – “davantage en phase
avec les organisations patronales" qu'avec
les autres syndicats et les Régions. Tout
au long de la négociation, la CFECGC
avait d'ailleurs plaidé pour que
les cadres ne soient pas les sacrifiés du
nouveau fléchage des fonds de la formation
vers les demandeurs d'emploi et les
bas niveaux de qualification.

Listes territoriales

“Il est vrai que les Régions sont habituées
à accompagner les publics les plus fragiles
et souhaitent que ce soit vers eux que
soient prioritairement dirigés les fonds
liés au CPF. À l'inverse, le Medef veut
plutôt profiter de la conjoncture pour viser
les salariés les mieux formés pour des
raisons de compétitivité", annonce Paul
Desaigues, conseiller confédéral CGT.
Selon lui, les tensions qui risquent de
surgir viendront lorsqu'il s'agira de
cerner avec précision le périmètre de
financement des nouveaux dispositifs,
mais aussi de déterminer les listes
territoriales, qu'il juge plus difficiles
à structurer que celles relevant des
branches, car ces dernières disposent
d'observatoires qui leur offrent une
visibilité sur leurs besoins en compétences.
Rien d'insurmontable, cependant,
pour le conseiller cégétiste, qui
rappelle que la première saison de la
concertation quadripartite s'est achevée
de façon, grâce, en partie, à l'appui
apporté par l'Igas.

Des formations qualifiantes
et certifiantes


Côté Régions, toutefois, on ne veut pas
opposer la montée des bas niveaux de
qualification à celle de niveaux supérieurs.
“Il n'existe aucune raison pour
que les listes conçues au plan régional excluent
de leur référencement des diplômes
type BTS ou DUT, des certifications de
niveau III, voire au-delà", souligne
Pascale Gérard, vice-présidente de
Paca et représentante de l'Association
des Régions de France (ARF) dans le
cadre de la concertation. “Évidemment,
cette question de listes risque de créer
quelques tensions, mais maintenant que
la loi est votée, la raison d'être du groupe
quadripartite consiste surtout en la mise
en oeuvre opérationnelle du CPF." Mais
chez la CFE-CGC, on s'avoue prêt à
ne rien lâcher sur la qualification des
plus hauts niveaux. “Cela risque de
coincer un peu avec l'ARF…", prévient
Dominique Jeuffrault.

Demeure la question de l'offre de formation,
fatalement impactée par la réforme,
puisque les formations éligibles
au compte personnel devront nécessairement
être qualifiantes ou certifiantes.
“C'était un vrai choix", assume Pascale
Gérard, alors que Dominique Jeuffrault
juge que cette nouvelle donne peut être
de nature à “assainir la jungle des organismes
de formation". Pour l'élue provençale,
la réforme est l'occasion de faire
monter en qualification l'appareil de
formation. “Un organisme de formation
sorti de nulle part qui propose plusieurs
centaines d'heures de stages sans délivrer
autre chose qu'une attestation reconnue
par personne ne peut pas valoriser
les demandeurs d'emploi ou les salariés."
Néanmoins, elle tient tout de même à
assurer les OF qu'il n'y a pas pour autant
péril en la demeure, ceux-ci pouvant
recourir à la modularisation de leurs
contenus pédagogiques pour correspondre
à l'éligibilité au CPF, quitte à ce
que le stagiaire complète avec d'autres
dispositifs, comme la VAE. Sur ce point,
tant la représentante CFE-CGC que
l'élue de Paca tombent d'accord : emploi
comme compétitivité nécessitent
un appareil de formation de qualité.

Benjamin d'Alguerre

VERS UNE “FORTE MOBILISATION" DE L'OFFRE DE FORMATION

L'Inspection générale des affaires sociales
(Igas) a été chargée d'assister la consultation
quadripartite, par des travaux menés en
parallèle.

La lettre de mission que lui a adressée
Michel Sapin rappelle que seules des formations
qualifiantes peuvent figurer sur les
listes établies nationalement et régionalement
par les partenaires sociaux.

Anticipant sur la “forte mobilisation de
l'offre de formation" désirant être “référencée",
le ministre indique la nécessité de
“mettre en oeuvre en amont des conditions
d'élaboration de ces listes transparentes et
Vers une “forte mobilisation" de l'offre de formation
objectives, garantes de la qualité et de la
pertinence de cette sélection". Il demande
donc un bilan des méthodes et bonnes pratiques
utilisées par les acteurs et acheteurs
de formation “pour faire et partager entre
eux le diagnostic des besoins en formations
qualifiantes du territoire et coordonner ensuite
leurs commandes (Région, Pôle emploi,
Copire [ 3 ]Commissions paritaires interprofessionnelles
régionales de l'emploi.
, Opca, réseaux d'observatoires de
branche et interprofessionnels)".

L'inspection devra proposer une méthode
d'élaboration des listes et faire des propositions
pour les rendre visibles au grand public.
Par ailleurs l'Inspection doit étudier les
modalités d'achat et de sélection de l'offre
de formation : elle devra faire des recommandations
: “Pour mettre en place, via le
CPF, des modes de financement efficients,
d'une part, et de s'assurer de la qualité de
l'offre de formation, d'autre part." Enfin, elle
devra aussi faire des propositions quant à la
qualité de l'information sur les formations
éligibles au CPF (notamment sur l'exhaustivité
du référencement).

Béatrice Delamer

Notes   [ + ]

1. Compte personnel de formation et conseil
en évolution professionnelle.
2. Accord national interprofessionnel du 14 décembre
2013.
3. Commissions paritaires interprofessionnelles
régionales de l'emploi.