JobIRL, la promesse de la rencontre d'un pro “dans la vraie vie"

Par - Le 01 avril 2014.

“Rater son orientation", au pays du diplôme-roi, peut coûter cher. Qui n'a jamais regretté
de n'avoir pas pu, à 18 ans, parler avec des personnes expérimentées dans les métiers envisagés,
pour éviter de tomber dans quelques pièges ? C'est ce que propose un service complémentaire
aux prestations traditionnelles d'orientation, JobIRL.

Combien de jeunes étudiants sont
véritablement allés à la rencontre
d'un professionnel avant
de choisir leur voie ? Combien
de scolaires appuient leurs choix
“APB" [ 1 ]Admission post-bac. par la confrontation de leurs
hypothèses avec la réalité des métiers ?
Si l'enquête professionnelle a tendance
à se généraliser dans le cadre des bilans
de compétences et des reconversions,
elle demeure exceptionnelle pour
nombre d'entre eux. Laissée à l'initiative
des individus, la démarche suppose
une compétence relationnelle peu encouragée
par le système éducatif. D'où
l'intérêt de JobIRL, réseau social pour
l'orientation des 14-25 ans créé par
Christelle Meslé-Génin, ex-professionnelle
du marketing et de la communication.

Aider les jeunes à pousser
la porte…


Objectif : aider les jeunes en quête
d'orientation à valider leur choix final
par une rencontre avec un professionnel
du métier envisagé. Bien sûr, du
stage de découverte professionnelle
à Jobs en boîte [ 2 ]Cf. L'Inffo n° 834, p. 8. en passant par Via
métiers ou les évaluations en milieu de
travail proposées par Pôle emploi, les
formules ne manquent pas. Mais l'originalité
de JobIRL est double : d'une
part, elle s'adresse spécifiquement aux
jeunes de 14 à 25 ans ; d'autre part, elle
repose sur un modèle associatif et participatif
gratuit pour l'usager final.

Pourquoi les jeunes ? “Parce que l'on
s'oriente à partir de la troisième jusqu'à
25 ans, âge qui marque la fin des études.
C'est un bon début et je pense que l'on
a plus de jeunes qui n'ont aucun réseau
pour s'orienter que d'adultes, qui ont
quand même plus de leviers pour s'aider",
estime Christelle Meslé-Génin. Quant
au modèle associatif et participatif, il
faut se pencher un peu sur le parcours
de la fondatrice pour comprendre.
D'un côté, une carrière internationale
dans le marketing et la communication,
de l'autre, un engagement social
de longue date. Accueil de sans domicile
fixe, accompagnement de chômeurs
de longue durée, suivi de jeunes
en déshérence, etc., les activités bénévoles
ont longtemps occupé ses soirées.
Pourquoi l'orientation ? “Cela faisait
des années que je rêvais de monter un
projet de solidarité. J'avais depuis longtemps
cette idée d'aider les plus jeunes à
s'orienter, car j'aurais adoré, à 18 ans,
pouvoir rencontrer des professionnels pour
parler des métiers et être davantage éclairée
sur ce que je pouvais faire ou pas." Et
si elle même estime, à 41 ans, “être à sa
place", c'est seulement vingt ans après
avoir eu le sentiment de “rater son
orientation"… Au-delà de ce ressenti
personnel, elle évoque ses deux ans de
présidence de la fondation du groupe
General Electric à laquelle elle consacrait
dix heures par semaine. Parmi la
trentaine de projets annuels qui mobilisait
quelque 15 % des salariés, celui
dédié à l'accompagnement scolaire de
jeunes de Nanterre l'avait alors quelque
peu frustrée : “Sympa, mais quel dommage
de ne pas prendre le temps de
leur parler de nos métiers, de les initier
à l'entreprise et de les ouvrir au monde
professionnel", se souvient-elle. Si bien
que lorsqu'elle quitte en 2010 son dernier
poste dans le privé [ 3 ]Directrice marketing et communication du groupe
Aon France.
, sa décision est
prise : “Je me suis dit que j'allais créer
une plateforme qui permette aux jeunes et
aux pros de se mettre en relation directe."

Le dernier maillon

Conçu comme un service complémentaire
aux prestations traditionnelles
d'orientation, JobIRL entend intervenir
là où le conseiller classique atteint
ses limites : “Les filières sont tellement
complexes que personne n'est capable
de tout connaître, estime-t-elle. Sur
JobIRL, nous avons aujourd'hui une nomenclature
de 800 métiers et 47 secteurs
d'activité que l'on enrichit tous les jours.
J'entends régulièrement les gens critiquer
les acteurs de l'orientation mais personne
n'est capable de tout faire." D'où le message
: “Arrêtez de critiquer, il faut juste
que chacun ait son rôle. Nous proposons
simplement qu'un jeune
vienne rencontrer un
professionnel pour affiner
sa compréhension du
métier et en comprendre
la réalité, après avoir vu
un conseiller, un coach
ou autre…" Développé
en marge des réseaux
historiques de l'orientation,
le JobIRL repose
également sur une
conception élargie de
l'éventail des possibles
qui transparaît dans le
discours de Christelle
Meslé-Génin : “La rencontre d'un professionnel,
c'est aussi un moyen de donner
un sens à sa scolarité. J'ai une stagiaire
issue d'une licence de lettres à la Sorbonne
qui veut aller dans la communication,
personne ne voulait la prendre car elle ne
sortait pas du Celsa [ 4 ]École des hautes études en sciences de
l'information et de la communication.
, je l'ai prise car je
crois beaucoup au potentiel des personnes
: quand on a la volonté et que l'on est
intelligent, on peut à peu près faire tous
les jobs", veut-elle croire.

Sortir des fiches métiers

Fondé sur une plateforme internet, le
service annonce la couleur jusque dans
son appellation : JobIRL, pour “Job
in real life", soit “un métier dans la
vraie vie". Pas question, donc, d'avoir
pour seule interface un écran. Même
si le système autorise les échanges en
ligne, l'objectif reste bien sûr la rencontre
physique sur le lieu de travail du
professionnel concerné. Au coeur du
modèle inventé par Christelle Meslé-Génin,
la “solidarité intergénérationnelle".

Concrètement, les
professionnels qui s'inscrivent
le font “soit qu'ils
trouvent tout simplement
l'initiative sympathique
parce qu'eux-mêmes ont
mal vécu leur orientation
ou qu'ils ont des enfants à
orienter, soit parce que leur
entreprise est partenaire de
l'association et mobilise ses
salariés pour promouvoir
ses métiers et son activité",
explique-t-elle. En amont
des métiers, une rubrique
formation qui accueille
les CFA et les écoles de l'enseignement
supérieur permet également de s'informer
directement auprès des étudiants
et anciens étudiants
sur les organismes qui
conduisent aux métiers
visés. Gratuit pour l'usager
final, le système repose
sur le bénévolat des
intervenants et le soutien
d'institutions. Aide au
démarrage de la Région
Île-de-France, mécénat
fondateur du laboratoire
pharmaceutique Lilly,
montage juridique assuré
gracieusement par un
cabinet d'avocats, partenariat
avec le service
recrutement de la police nationale,
accompagnement par Entropia, l'incubateur
social de l'Essec, etc., JobIRL
sait s'entourer.

En pleine croissance

Lancé en janvier 2013, le site connaît
une véritable activité depuis la rentrée
de septembre dernier. “Nous étions
700 membres fin août, nous sommes
8 500 aujourd'hui dont 900 professionnels
qui représentent 800 entreprises
et 650 écoles. Avec 20 000 visiteurs
uniques et 100 000 pages vues mensuels,
nous commençons à exister et à devenir
un vrai média de l'orientation, preuve de
l'appétence des jeunes et que nous répondons
à un vrai besoin", assure-t-elle.
Objectif affiché : “Être au moins 3 000
professionnels avant la fin de l'année et
toujours améliorer l'offre de services,
comme l'ajout récent d'une fonction de
chat." Lauréat d'un appel à projets de
l'Essec, JobIRL bénéficie aussi d'une
équipe d'étudiants qui travaille jusqu'à
fin juin 2014 sur la question des leviers
à activer pour augmenter le nombre de
professionnels inscrits sur le site. Et en
réponse à certains posts qui présentent
JobIRL comme “un service d'orientation
sans conseillers", Christelle Meslé-
Génin souligne : “Nous ne sommes pas
là pour orienter les jeunes mais pour les
aider à contacter des professionnels qui
vont parler de leur métier et les conduire
vers des conseillers d'orientation dont
c'est le métier." Soucieuse de témoigner
d'une bonne entente avec les acteurs
traditionnels de l'AIO, la fondatrice de
JobIRL souligne avoir déjà développé
des liens avec des Missions locales et
des Bureaux d'information jeunesse,
ces derniers pouvant intervenir comme
relais d'information ou soutenir des
événements JobIRL. Et d'insister :
“Être conseiller d'orientation ne s'improvise
pas, quand un professionnel s'inscrit,
il signe une charte dans laquelle il est
indiqué qu'il n'est pas conseiller en orientation
et qu'il est juste là pour parler de
son métier. Nous n'avons pas la puissance
des CIO mais nous pouvons travailler
tous ensemble." Conclusion sur sa vision
de JobIRL : “Nous sommes 28 millions
d'actifs, il y a 5 millions de jeunes de la
troisième à la fin des études supérieures,
si on en rencontrait tous deux par an, on
ferait beaucoup pour l'orientation !"

Notes   [ + ]

1. Admission post-bac.
2. Cf. L'Inffo n° 834, p. 8.
3. Directrice marketing et communication du groupe
Aon France.
4. École des hautes études en sciences de
l'information et de la communication.