Les réponses du Forco aux défis de la réforme

Par - Le 01 avril 2014.

360 millions d'euros, c'est le montant de la collecte – actuelle – du Forco, l'Opca des entreprises du commerce et de la distribution. Comment anticipe-t-il à présent la réforme, impliquant une collecte
différente mais aussi une activité de conseil et d'accompagnement renforcée ? Sereinement, nous dit Yves Georgelin, son délégué général, car de nombreux outils – “Forco Certif", “Forco Eval", “Forco Fil", “Forco Net", et autres “Formacteur" – sont déjà en place.

La loi du 5 mars 2014, est-ce le “grand soir"
de la formation professionnelle ?


Je pense qu'elle s'inscrit dans la continuité :
l'acte de formation ne changera pas, personne
ne peut imaginer le contraire. Ceci étant, il est
certain que les modalités de mise en oeuvre
de la formation dans l'entreprise vont être
simplifiées, en renvoyant l'obligation de former
de l'employeur à sa responsabilité sociale, plutôt
qu'à sa responsabilité fiscale. L'employeur aura
moins de contraintes exogènes pour mettre en
oeuvre la formation professionnelle. L'entreprise
pourra davantage organiser la formation comme
elle le souhaitera. Cela veut dire que le bilan
annuel de la formation professionnelle ne
fera pas l'objet d'un contrôle fiscal et que la
24-83, qui date de la création de la formation
professionnelle, est appelée à disparaître − ce
qui est un changement notoire.

Mais l'action de formation ne va-t-elle pas
être plus difficile à définir ?


Nous entrons dans une phase de renforcement
de la promotion de la formation qualifiante. Une
des évolutions majeures de cette réforme est
que, notamment par le compte personnel de
formation (CPF) et l'évolution des périodes de
professionnalisation, l'offre de certification et
de qualification sera renforcée et développée,
avec des parcours modulaires plus facilement
assemblables dans la logique de titres de
certification. Ainsi, la VAE pourrait retrouver
ses lettres de noblesse. Il y aura davantage de
certification et de qualification, les branches
professionnelles s'en saisiront puisque les
mécanismes de financement les y inciteront. Les
individus pourront y accéder plus facilement et
plus simplement que par le passé. Cette évolution
rejoint d'ailleurs notre future offre de service
“Forco Certif", visant à être le portail d'accès
à tous nos CQP de branche, afin de faciliter
l'information, le conseil et l'accompagnement.
De plus, ne faisant pas l'objet d'une imputabilité,
parce que réalisé par l'entreprise selon les
modalités qui lui conviennent, l'acte de formation
dans l'entreprise pourra s'organiser sous tous
les formats. Ce qui se fait déjà sera renforcé,
puisque des situations de travail constituent des
environnements apprenants non présentiels,
avec notamment des mises en situation, de
l'accompagnement, du tutorat. L'acte de formation
était déjà sorti des salles traditionnelles pour
s'installer dans des environnements où les
séquences étaient opérationnelles. Sur ce plan,
il n'y a pas de réel changement, il y a seulement
une accélération d'une mutation des méthodes
d'apprenance.

Par contre, la disparition du 0,9 % constitue
un vrai changement. Quel en sera l'impact sur
la collecte du Forco ?


Aujourd'hui, la collecte plan du Forco représente
un peu plus de 170 millions d'euros. Cette collecte
concerne en grande majorité les entreprises de plus
de 300 salariés, celles qui, dès l'entrée en vigueur
de la loi et la publication des décrets d'application,
n'auront plus d'obligation de versements
mutualisés au titre du plan. Pour ces moyennes et
grandes entreprises (MGE), nous allons adapter et
renforcer notre offre de services, car le changement
sera important. En effet, les entreprises n'ayant
plus de déclaration à faire, ni d'obligation de faire
appel à nous, elles seront libres de leurs actions. En
revanche, dans le cadre de l'obligation de négocier
un accord GPEC [gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences] incluant un accord
sur la formation, certaines d'entre elles pourront
continuer à travailler avec l'Opca et bénéficier
ainsi de nos services, en matière notamment
d'externalisation et de règlement des prestataires
qu'elles auront choisis.

Nous proposerons de nouvelles offres, notamment
celles facilitant la gestion et le suivi de la traçabilité
des actions multimodales, permettant ainsi à
l'entreprise de disposer d'un système d'information
et de maîtrise de l'avancement du plan de
formation, tel que négocié avec les partenaires
sociaux, ainsi que des actions individuelles. Ceci
permettra d'avoir une meilleure visibilité dans le
cadre des entretiens professionnels (parallèlement
à tout ce qui a trait au CPF) et de disposer
d'indicateurs de pilotage de suivi de la qualité des
formations.

En direction des MGE, nous allons renforcer notre
gamme de services afin de les accompagner
davantage dans leur engagement sociétal. Il
s'agit de services nouveaux, tels que la gestion
multimodale des offres, la mise en place de
centres de ressources dans l'entreprise, l'outillage
au sein de l'entreprise en matière d'évaluation
qualité, l'aide dans les démarches de certification,
l'accompagnement dans la consultation et
l'élaboration d'un catalogue de formations, etc.

Que proposez-vous pour les petites
entreprises ?


Dans le cadre de la réforme précédente de
2011, nous avions mis en place une plateforme
de services TPE, organisé, structuré et optimisé
des offres à destination de ces entreprises. En
la matière, rien ne change. Toutefois, il y aura
davantage de fonds à leur disposition, avec le
reversement de 20 % des fonds collectés du
Fonds paritaire de sécurisation des parcours
professionnels (FPSPP). On estime, pour notre
Opca, à 40 % les ressources supplémentaires dont
disposeraient les TPE pour la prise en charge de
leur plan de formation, ce qui devrait permettre
de relever significativement le taux de départs
en formation dans ces entreprises. Actuellement,
nous atteignons un tiers de ces entreprises par an.
à terme, nous pouvons espérer qu'une entreprise
sur deux puisse bénéficier de la formation.

À destination des moins de 10 salariés, nous
travaillons au renforcement de notre offre “Forco
Fil", qui est une plateforme d'inscription en ligne.
Sur cette centrale de réservation, les actions
de formation du Forco sont présélectionnées,
conventionnées au niveau national, et évaluées.
Aujourd'hui, elle compte plus de 70 organismes de
formation et plus de 40 % d'offres de formation à
distance. Outre la qualité de l'offre de formation,
il nous reste à optimiser les coûts de formation de
ces adhérents pour lesquels nous avons encore
beaucoup de marge de manoeuvre, en achetant
encore mieux afin de permettre aux salariés
d'accéder davantage à la formation.

Pour ces entreprises, nous travaillons à développer
l'accompagnement de la mise en oeuvre du CPF,
qui concernera tout individu à partir du 1er janvier
2015. En effet, nous avons un rôle particulier
d'accompagnement, d'information, d'assistance
renforcée pour qu'à la fois les entreprises − dans
le cadre de ce dispositif pendant le temps de
travail − et le salarié, puissent avoir de meilleures
informations sur le CPF de branche.

Concrètement, que proposerez-vous pour
accompagner les TPE et leurs salariés ?


De façon générale, notre projet stratégique
2011-2015 avait fortement anticipé cette réforme
2013-2014. Celui-ci correspondait à la vision d'un
Opca de services, à valeur ajoutée, beaucoup
plus engagé socialement dans la formation des
publics prioritaires (jeunes, demandeurs d'emploi,
etc.). Nos objectifs, dans ce plan, étaient ceux de
l'efficacité, des services et de l'ambition sociale
pour les individus. Toutes les évolutions que nous
avons mises en place depuis 2012, et qui se sont
accélérées à partir de 2013 avec la mise en oeuvre
de “Forco Fil" et de “Forco Net", permettront à ces
entreprises de disposer de davantage d'outils de
gestion et de développement des compétences de
leurs collaborateurs.

Pour répondre avec plus d'efficacité et d'efficience
aux besoins des entreprises, nous allons plus
loin en proposant un nouveau service dénommé
“My Forco Net". Complément des trois services
“Forco Net" existants (Entreprises, Branches
professionnelles et Organismes de formation),
celui-ci s'adresse particulièrement aux individus.
Ainsi, chaque salarié, ex-salarié ou futur salarié
(POE) du secteur pourra bénéficier d'un accès
personnalisé à des informations concernant les
métiers, les formations prioritaires, l'offre de
formation, des bons retours de pratiques, les
certifications, etc., facilitant ainsi son orientation.
Nous mettons un accent particulier sur le CSP
et le Dif portable au profit des sortants. Nous y
apporterons davantage d'attention. Cependant,
nous regrettons que le CPF demandeurs d'emploi
ne soit pas lié potentiellement à l'Opca du
secteur professionnel, mais à Pôle emploi. On
peut donc légitimement s'interroger : comment
faire en sorte qu'un salarié qui quitte un secteur
professionnel puisse garder un lien avec celui-ci ?
Comment lui donner accès à des informations
(sur les métiers, etc.) lui permettant de retrouver
beaucoup plus rapidement un emploi dans ce
secteur ? Nous aurions préféré continuer à assurer
l'accompagnement de ces ex-salariés.

Nous avions anticipé la nécessité de ces services
d'accompagnement des salariés, des jeunes
ou des personnes en situation de transition
professionnelle. Cette anticipation concerne
également les TPE, auxquelles nous avons proposé
des services de proximité, notamment des portails
web facilitant la mise en place de plans de
formation. Du fait de la fin de l'obligation fiscale,
nous serons davantage présents en appui aux
employeurs, afin qu'ils ne fassent pas abstraction
de la formation. Nous les aiderons donc à remplir
leur obligation d'employeurs – de former leurs
salariés afin de garantir leur employabilité.

Renforcée par la loi, une telle obligation sociale
doit faire l'objet d'une très grande attention de la
part des employeurs. Nous les accompagnerons
dans le maintien de leurs efforts de formation, en
traçant les financements. Nous les soutiendrons
dans l'externalisation de la partie la plus lourde
de la gestion de la formation, en profitant de la
réforme pour supprimer la charge administrative
(très chronophage) et proposer davantage de
services électroniques (enregistrement, pièces
justificatives numériques, etc.).

Quelles seront vos relations avec
vos branches, qui auront à jouer un rôle
plus important qu'aujourd'hui ?


Dans et avec notre Opca, chacune de nos
14 branches décide de sa politique formation et
pilote, en sections paritaires professionnelles
(SPP), ses fonds de formation. En 2013, nous
avons renforcé l'accompagnement des branches,
en développant avec elles des solutions
informatiques, en particulier, “Forco Net
Branches", leur permettant de suivre en temps
réel les engagements de dépenses au sein de
leurs entreprises afin de mieux prioriser leurs
engagements. Nos branches sont très exigeantes
en matière d'information, de suivi, de pilotage et
de conseils. Elles le sont également par rapport au
portage de leur politique, des études prospectives
sur les emplois, les métiers et les qualifications.
Le Forco s'inscrit dans l'anticipation de leurs
préoccupations, des mutations économiques, des
métiers, de l'accompagnement de ces branches
dans le but de les outiller face à leurs besoins de
certification des compétences. Ces priorités seront
renforcées. Pour ce faire, il a été décidé pour 2014
d'accroître de 40 % le budget de l'Observatoire des
métiers et qualifications du commerce.

Nous nous réjouissons que la loi du 5 mars 2014
renforce les priorités arrêtées par le Forco dans
son plan stratégique 2011-2015. Par exemple, le
CPF et le conseil en évolution professionnelle (CEP)
s'appuient sur des travaux de branches. Cette loi
s'inscrit dans la continuité des préoccupations
du Forco. Elle permettra de renforcer le travail et
la collaboration dans les branches et entre les
différentes branches de l'Opca, notamment sur
la certification (avec les CQP interbranches), la
traçabilité et le suivi de la qualité des formations.
Avec le développement de “Forco Eval", nous avons
inscrit dans nos priorités la mesure de l'efficacité
des actions de formation mises en oeuvre dans
nos branches, la satisfaction des entreprises, ainsi
que le retour sur investissement de l'ensemble des
actions engagées par le Forco.

Propos recueillis par Knock Billy