Le groupe Cemmafor analyse la professionnalisation des acteurs de la formation

Par - Le 01 avril 2014.

La professionnalisation des formateurs. C'est le titre d'une récente publication de Centre Inffo et
du réseau Cemmafor. Une vingtaine d'experts venus de tous horizons ont analysé les évolutions de
la professionnalisation des acteurs de la formation depuis plusieurs années. L'occasion pour L'Inffo
de revenir sur la genèse du groupe de travail Cemmafor, cercle de réflexion axé sur la mutation
des métiers de la formation.

Faire travailler un ensemble
de personnes venues de
différentes institutions dans
le but d'échanger et de diffuser
les pratiques et expériences
des acteurs de la formation. Voilà
l'objectif du réseau Cemmafor, créé et
animé par Centre Inffo depuis 2012.
Un groupe de travail qui a pris le relais
de TTnet France, réseau européen qui
avait, lui, pour missions d'observer
et d'analyser l'évolution des activités
dans le domaine de la formation des
formateurs-consultants. Créé en 1998
à l'initiative du Cedefop [ 1 ]Centre européen pour le développement de la
formation professionnelle
, son animation
avait été confiée par la DGEFP [ 2 ]Délégation générale à l'emploi et à la formation
professionnelle.
à Centre Inffo, avec la coopération de
l'Université Paris-Dauphine. Quand
le Cedefop a mis fin au réseau, Julien
Veyrier, directeur de Centre Inffo,
a décidé de maintenir un groupe de
travail en France. “Le réseau TTnet
était axé sur le formateur, alors que le
groupe Cemmafor a élargi la discussion
aux métiers de la formation pris
dans leur globalité", explique Valérie
William, animatrice du groupe à
Centre Inffo.

Les anciens membres actifs de TTnet
ont donc saisi l'opportunité de la création
de Cemmafor pour continuer à
échanger sur ces questions. “Ce qui est
intéressant, c'est de poursuivre les discussions
au-delà des différentes institutions
auxquelles chacun est rattaché dans le
monde de la formation professionnelle",
confie Bernard Lietard, professeur
émérite au Cnam [ 3 ]Conservatoire national des arts et métiers. et ancien membre
du réseau TTnet. Le nom même de
Cemmafor n'a pas été choisi par hasard.
En effet, il évoque ces postes de surveillance
bordant les côtes, vigies aux missions
de secours et de régulation. “La
connotation a séduit les membres. Ils ont
aimé l'idée d'un groupe qui donne du sens
dans un environnement confus, comme
les vigies aident les bateaux à naviguer
dans les endroits dangereux", illustre
Valérie William.

Des contributions variées

Une trentaine de participants, principalement
issus de l'ancien réseau européen,
participent activement à l'animation
de Cemmafor en alimentant les
travaux par différents modes de contribution.
Si l'habitude avait été prise
d'organiser de nombreuses manifestations
dans le cadre du réseau européen,
il a été décidé que la première production
du groupe Cemmafor serait un document
écrit. La professionnalisation
des formateurs compile une vingtaine
de contributions des membres sur le
thème de l'évolution des voies de professionnalisation
des acteurs de la formation.
Un thème vaste qui a permis
une diversité de points de vue. “Chaque
membre a d'abord expliqué d'où il parlait
en revenant sur son contexte et cadre
de référence personnels. Ces éléments ont
beaucoup pesé dans la manière de traiter
les sujets." D'où l'importance de la réalisation
d'une synthèse. Et c'est Bernard
Lietard qui s'en est chargé. “Le groupe
de travail Cemmafor a le mérite d'avoir
pu générer des réunions qui dépassent le
système des institutions. J'ai donc eu plaisir
à synthétiser les contributions aussi
variées que l'est le monde de la formation
professionnelle."

Des métiers de plus en plus
diversifiés


Les attributions des acteurs de la formation
ont grandement évolué depuis
quelques années. “Les lois successives
n'ont fait que complexifier les métiers
de la formation. Le développement des
progiciels de gestion permettant le reporting
a contribué à l'alourdissement des
tâches administratives des organismes de
formation", explique Valérie William.
Évolution des missions intrinsèques
à chaque profession, mais aussi diversification
des métiers. De nouveaux
acteurs apparaissent et contribuent à
changer la donne. Exemple pour l'acheteur
de formation. Les pôles achat des
entreprises tendent à se spécialiser, et
la part grandissante que prend l'achat
de formation est en train de faire émerger
une nouvelle activité à part entière
dans l'entreprise. Cette tendance va de
pair avec l'externalisation des services,
contribuant à l'émergence des prestataires
extérieurs qui assurent une gestion
de la formation pour le compte
des entreprises. D'où l'intérêt du travail
de Cemmafor dans l'analyse des
évolutions et dans la confrontation
des mutations pour en tirer les conséquences
sur la professionnalisation des
métiers.

Vers la fin du métier de
responsable formation ?


Parmi les professionnels de la formation,
le responsable de formation dans
l'entreprise tient une place prédominante.
Construction des politiques de
formation, mais aussi gestion de la formation
en interne, voilà ses principales
missions. Véronique Radiguet-Benites,
vice-présidente du Groupement des acteurs
et responsables formation (Garf )
et membre de Cemmafor, a souhaité
livrer, dans le cadre de sa contribution,
son regard sur l'évolution de ce métier,
peu représenté dans le groupe de travail.
“Cemmafor est plutôt axé consultants en formation. Dommage
qu'il n'y ait pas plusieurs points
de vue entreprise sur le sujet
dans la publication", regrette
la responsable de projets formation
à la Caisse d'Épargne.
“Le responsable formation occupe,
finalement, une fonction
relativement ambivalente :
d'un côté, il est partie prenante
de la stratégie de l'entreprise
en matière de ressources humaines
; de l'autre, il doit accorder
une place de plus en plus
importante à l'intendance,
l'ingénierie financière et administrative
prenant parfois le pas
sur l'ingénierie pédagogique."
Depuis plusieurs années,
beaucoup prophétisent la fin
du métier de responsable formation.
Externalisation des
services, diversification des
métiers, mutation des obligations
des employeurs, de multiples
facteurs favoriseraient la disparition de
cet acteur de la formation. Un constat
auquel se refuse la vice-présidente du
Garf. “Je ne pense pas que nous allons
vers cette tendance. Au contraire, il ne
fait que se renforcer et devenir de plus en
plus stratégique au sein de l'entreprise."
Portrait-robot du professionnel
de la formation
“Le monde de la formation est un milieu
instable. Il n'y a ni unité de lieu, ni unité
de programme ; c'est pour cette raison
que chaque acteur doit définir sa propre
professionnalité." À partir de ce constat
dégagé des différentes réflexions des
membres, Bernard Lietard a pu dresser
un portrait-robot du professionnel
de la formation. “Le formateur doit réagir
en permanence face à l'incertitude
et proposer des réponses d'une manière
immédiate. C'est un architecte de dispositif.
Un accompagnateur de la formation.
J'ajouterai également qu'il est doté
de compétences au-delà du technique.
Il fait preuve d'une intelligence rusée."
Le professeur émérite au Cnam doute
toutefois de la possibilité de faire véritablement
carrière dans les métiers de
la formation. “On peut y développer
des activités professionnelles, mais pas
un modèle de carrière assuré, comme
c'est par exemple le cas dans l'Éducation
nationale." Cela se résume, pour lui,
en une formule : “Professionnalisme,
oui. Professionnalité, aussi. Mais pas de
professionnalisation !"

Roumila Retteb-Leiris, ingénieure
de formation à l'Afpa, a zoomé pour
Cemmafor sur une activité spécifique
de l'organisme de formation : la formation
des formateurs. Elle se fonde
sur l'exemple du titre FPA (formateur
professionnel d'adultes), existant
depuis 1995, pour dresser un bilan
plus large de l'évolution du métier :
“On peut être un excellent professionnel
sans être pour autant un bon formateur."
D'où l'importance de relever
les caractéristiques intrinsèques qui
valorisent le métier. Si elle note que
les commanditaires, souhaitant avoir
une formation à la carte, contribuent
à son individualisation, elle en tire les
conséquences sur le métier de formateur.
“Il faut qu'il reste pédagogique,
non plus en transmettant directement
son savoir, mais en créant des situations
d'apprentissage adaptées aux différentes
modalités préférentielles des personnes.
Pour ce faire, le formateur repère les
obstacles auxquels sont confrontés les
apprenants et centre l'apprentissage sur
les difficultés rencontrées."

Notes   [ + ]

1. Centre européen pour le développement de la
formation professionnelle
2. Délégation générale à l'emploi et à la formation
professionnelle.
3. Conservatoire national des arts et métiers.