À l'école de l'IRSN : genèse d'une université d'entreprise

Par - Le 15 avril 2014.

Renforcer la cohésion interne, construire une offre de formation spécifique... Depuis près de trois ans,
l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire s'est donné comme objectif de monter une université
d'entreprise. Les premières sessions se mettent actuellement en place. Reportage.

Institut de radioprotection et
de sûreté nucléaire. 1700 salariés.
Et un domaine d'activité
très particulier. Pas de doute sur
cette question à l'arrivée sur le
site de Fontenay-aux-Roses à quelques
kilomètres de Paris. Surprotégé et difficile
d'accès, le siège est à l'image du
secteur. C'est sans doute la spécificité
des métiers mais aussi des sujets hypersensibles
qui y sont traités, à savoir les
questions de sûreté nucléaire, qui ont
poussé les dirigeants à élaborer une
université interne spécialement conçue
pour les collaborateurs de l'entreprise.
8 Ce mardi matin, ce sont les chargés
d'évaluation qui ont droit à leur formation.
Depuis la veille, et pour une durée
de cinq jours, les stagiaires suivent
un module spécifique sur le savoir-faire
de l'expertise. Et l'objectif de la journée
consiste à élaborer une analyse
préalable en respectant la méthode de
la maison. Neuf participants et deux
formateurs se sont donné rendez-vous
dans une des salles de réunion de l'entreprise
pour échanger sur les bonnes
pratiques et la méthodologie que
doivent appliquer ces professionnels
dans l'exercice de leur fonction. Tous
les stagiaires sont soit de nouveaux
arrivants, soit récemment affectés à un
nouveau poste à l'IRSN.

Un parcours d'intégration

“Plus nouvelle que moi, il n'y a pas. Je viens
à peine de prendre mes fonctions. Cette
formation me permet donc, en plus d'acquérir
des compétences, de m'intégrer au
sein de l'entreprise et de découvrir le fonctionnement
de l'IRSN", confie Carolane,
jeune chargée d'évaluation avant le début
de la matinée. Car plus qu'un guide
des bonnes pratiques internes, les stages
sont conçus pour les nouveaux arrivants
comme un parcours d'intégration. “La
création de l'université interne a pour
vocation de faire adhérer les stagiaires à la
culture d'entreprise, grâce à un socle commun",
explique Marie-Christine Robé,
conseillère scientifique et technique à la direction des ressources humaines à
l'IRSN. Deux écoles ont déjà été mises
en place au sein de l'université : l'“école
de l'expertise", pour les chargés d'évaluation,
et l'“école de la crise", pour les
chargés de crise. D'autres sont encore
en cours d'élaboration, comme l'“école
de la recherche" ou encore l'“école du
management". L'objectif de la direction
des ressources humaines est, à terme,
de créer un parcours initiatique transversal,
composé de plusieurs modules
de différentes écoles. “Ce socle commun
permettra aux stagiaires de découvrir les
différents métiers de l'entreprise et par là
même d'améliorer la compréhension entre
les services et les liens entre les personnes."

Des formations spécifiques à
des métiers très particuliers


1700 salariés pour 150 métiers.
L'IRSN n'est décidément pas une entreprise
comme les autres. Elle accueille en
son sein une multitude de professionnels
très spécialisés. Si plusieurs grands
corps de métiers se dégagent à première
vue, c'est en s'y penchant de plus près
que les spécificités ressortent. “Prenez
les chargés d'évaluation : on trouve des
spécialistes et des généralistes. Et entre
les deux, des multitudes de subdivisions
qui individualisent chacun des acteurs",
explique la formatrice et chargée d'évaluation,
Florence Gauthier. Former ces
professionnels devient donc un enjeu
et même un défi. Selon Marie-Christine Robé, “aucune formation
n'existe en externe pour acquérir une
méthodologie aussi précise pour nos métiers".
Auparavant, l'IRSN se tournait
vers des prestataires de formation français
et européens, comme l'INSTN [ 1 ]Institut national des sciences et techniques
nucléaires.
. Mais l'entreprise
s'est vite rendu compte qu'il existait
un besoin en formation qui n'était pas
proposé en externe. “Nous avons réalisé
que la méthodologie n'était pas couverte.
L'informel était donc prépondérant et
l'acquisition des compétences pratiques
intervenait dans le cadre de l'exercice de
la profession", explique Marie-Christine
Robé. Si les formations internes existaient
déjà, les collaborateurs ont critiqué
un mode de fonctionnement
trop technique et scientifique. Tous
ont constaté le besoin de dépoussiérer
la méthode. En outre, s'est ajoutée
l'envie de rationaliser l'offre de formation.
Malgré près de 4 % de la masse
salariale brute consacrés à la formation,
l'évaluation des acquis de la formation
était encore insatisfaisante pour la
direction. “La construction des écoles a
permis le développement des compétences
mais aussi la pérennisation du dispositif
de transmission de savoir ainsi que la
mutualisation du temps et de la dépense
liés à la formation."

Des retours positifs

Après une journée et demie, les participants
dressent déjà un bilan positif de
l'expérience. “La formation nous aide
à comprendre la cohésion entre les différents
métiers de l'IRSN. Cela nous permet
de développer tout de suite l'esprit de
cohésion entre collaborateurs", constate
Baptiste, chargé d'évaluation et stagiaire
à l'école de l'expertise. “Les cours
sont vivants et dynamiques, ils nous permettent
d'échanger sur nos expériences
passées et d'intégrer la méthodologie
propre à l'entreprise.". Après quatre
sessions organisées dans le cadre de
l'école de l'expertise depuis 2012, la
conseillère scientifique est
convaincue du succès de la formation :
“Nous avons des retours excellents. Les
participants se félicitent du dynamisme
qui caractérise les formations délivrées.
Jusqu'ici, nous n'avons eu qu'une seule
salve de reproches de la part de participants
qui avaient trouvé la formation
un peu trop « enfantine » de par son côté
ludique. Mais cette réaction demeure
très marginalisée".

LE “CAS COSETTE"

L'université interne expérimente des techniques
classiques développées dans les théories
de l'ingénierie de la formation. Dans le
deuxième module de l'école de l'expertise, a
été mis en place un exercice intitulé “Le cas
Cosette". Les stagiaires doivent identifier les
problèmes qu'a rencontrés Cosette et trouver
les méthodes pour éviter les dysfonctionnements.
Au terme de la réflexion, la formatrice
dresse un tableau pointant les difficultés et
les solutions. “C'est un excellent exercice, qui
pousse les stagiaire à sortir du problème en
établissant eux-mêmes les bonnes pratiques."

“LA MÉTHODE CENTRE INFFO"

Depuis plus de trois ans, l'IRSN planche sur la
construction de différentes écoles adaptées
aux métiers des salariés. Si ses services ont
commencé à travailler de leur côté à l'élaboration
du contenu des modules, ils se sont vite
avisés qu'ils avaient besoin d'accompagnement
en ingénierie de la formation. De là est
venue l'idée de se tourner vers un prestataire
extérieur. “L'IRSN nous a sollicités dans le but
de construire une offre de formation interne
adaptée aux métiers de l'entreprise qui ne se
retrouve pas chez les organismes externes",
explique Valérie William, chargée d'études au
service observatoire de Centre Inffo. Pendant
plusieurs mois, l'observatoire a donc accompagné
l'entreprise dans la construction de la
première école : l'école de l'expertise. “Nous les
avons aidés dans l'organisation de la logistique
d'apprentissage pour atteindre une progression
pédagogique. Pour ce faire, nous avons chapeauté
la production de contenus afin de les
mettre en adéquation avec l'objectif méthodologique.
Enfin, la dernière étape a été de former
les formateurs, très expérimentés sur leur métier
mais peu habitués aux techniques actives
de formation." La direction des ressources
humaines, aujourd'hui convaincue des bienfaits
de la méthode, souhaite la déployer à tous les
niveaux de formation interne : “La prochaine
étape, c'est la création d'une formation de formateurs
en interne − pour faire intégrer à tous
nos intervenants la méthode Centre Inffo !".

Notes   [ + ]

1. Institut national des sciences et techniques
nucléaires.