Questions à Sylvain Lefebvre, secrétaire général adjoint de la confédération syndicale européenne IndustriAll

Par - Le 15 avril 2014.

Sylvain Lefebvre est également secrétaire politique
de l'Emcef (Fédération européenne de la chimie,
des mines et de l'énergie).

“Mobilité ? Plutôt former, pour permettre aux jeunes
de vivre dans leur région"

La question de l'emploi et de la formation
des jeunes semble préoccuper l'ensemble
des acteurs européens. Concrètement, que
peut l'Europe pour eux ?


La plupart des jeunes en Europe ne semblent
plus croire en l'avenir. Voilà pourquoi les
politiques doivent les aider. La confédération
IndustriAll a fait le constat qu'il était de plus
en plus souvent question de la mobilité des
jeunes. Parlant plutôt de leur précarité et de
leur pauvreté, nous rappelons à l'ensemble des
acteurs européens qu'aujourd'hui, dans l'Union,
près de 15 % des jeunes sont au chômage.
Ils ne sont nulle part ! Ces “ni-ni-ni" n'ont ni
emploi, ni formation, ni sécurité. Ils sont exclus
de tout. On ne peut pas leur parler de mobilité.
Pour aller où et pour faire quoi ? C'est de leur
précarité dont on doit d'abord s'occuper.
L'urgence aujourd'hui est de trouver les moyens
pour les accompagner, par la formation, à rejoindre
le grand nombre de métiers qui ne trouvent pas
preneurs. Le grand décalage entre le monde du
travail et celui des jeunes nous interpelle. Au
niveau de la Commission, on nous assure que
nous sommes dans l'obligation de proposer à
chacun de ces jeunes, sous quatre mois maximum,
une formation ou un stage leur garantissant une
insertion professionnelle... Mais les procédures
au niveau européen sur ce chantier sont trop
complexes pour garantir des résultats efficaces et
immédiats. Nous souffrons du manque de politique
commune et unique de formation et de lutte contre
le chômage des jeunes.

Que proposez-vous ?

La position d'IndustriAll est
claire : la solution efficace
réside dans la mise en place
d'une véritable politique de
revitalisation industrielle de
nos régions. L'ensemble des
acteurs nationaux et européens
− politiques, partenaires sociaux
ou entreprises −, doivent
mutualiser leurs moyens
financiers afin de former les
jeunes par rapport aux besoins
du tissu industriel territorial et
régional. Ainsi, nous pourrons
leur donner une chance (et aussi
aux moins jeunes) de trouver un emploi et de
vivre dans leur région et de la faire vivre.
La politique industrielle est notre seul
salut ! Elle a l'avantage d'entraîner la
création d'innombrables services (logistique,
gardiennage, restauration, maintenance, etc.),
donc d'emplois. Ce n'est que par des politiques
régionales industrielles que nous pourrons
nous sortir de cette impasse. De plus, nous
disposons, dans les régions européennes, des
matières premières nécessaires pour y parvenir.

Donc, le débat sur la mobilité, c'est un
faux problème ?


Nous avons l'impression qu'avec la mobilité,
nous procédons comme nous l'avons fait
avec la flexibilité. La flexibilité ne nous a
pas permis de résoudre nos problèmes de
chômage, pas plus que la mobilité ne sera la
solution efficace aux difficultés d'emploi des
jeunes Européens. Certes, c'est la liberté de
chacun de partir dans un autre territoire pour
s'offrir de meilleures opportunités de travail.
Mais que cette liberté de mobilité ne devienne
pas une contrainte faute de formation adaptée
aux besoins du tissu industriel et économique
de son territoire. Nous ne donnons pas les
réponses adéquates aux situations difficiles
que vivent un grand nombre de jeunes
Européens.

Propos recueillis par K. B.

INDUSTRIALL

IndustriAll est une fédération syndicale
internationale fondée le 19 juin 2012, de
la fusion de la Fédération internationale
des organisations de travailleurs de la métallurgie
(Fiom), de la Fédération internationale
des syndicats de travailleurs de la
chimie, de l'énergie et des mines (Icem) et
de la Fédération internationale des travailleurs
du textile, de l'habillement et du cuir.
Elle revendique la représentation de plus
de 50 millions de salariés dans 140 pays,
dont 7 millions en Europe.