Missions locales : une négociation d'accord formation à haut risque

Par - Le 15 mai 2014.

La commission paritaire nationale
emploi formation (CPNEF) de
l'Union nationale des Missions
locales (UNML) où siègent élus
– présidents, vice-présidents ou
membres des conseils d'administration
des Missions locales – et
partenaires sociaux représentants
des salariés de ces établissements,
se sont entendus en avril sur un
nouveau plan triennal 2014-2016.
Un plan destiné à “favoriser l'accès
de tous les salariés à la formation",
qui se traduira par l'ouverture
d'un nouveau cycle de négociation
de branche visant à décliner
les dispositifs de la récente loi du
5 mars 2014 au sein du réseau des
Missions locales, des Permanences
d'accueil, d'information et d'orientation
(PAIO) et des autres organismes
d'insertion concernés par la
convention collective.

Négocier des droits
individuels


“Il va s'agir de négocier des droits
individuels pour tous les salariés,
c'est-à-dire les garanties sociales
tels que les abondements au
compte personnel de formation, le
droit à la qualification… et d'instituer,
si nécessaire, des contributions
financières supplémentaires
sous forme de cotisations, qui
échappent à la logique de l'obligation
fiscale qui, jusqu'à présent,
constituait le socle de la négociation
de branche dans les cycles
précédents", annonce l'UNML. Elle
prend ainsi en compte la réforme
qui va rebattre les cartes au sein
des budgets formation d'établissements
d'insertion.

Plus de 6 millions
d'euros collectés


En moyenne, la collecte mutualisée
représentait 2,5 % de la masse salariale,
la part du plan de formation
mutualisé des structures de plus de
20 salariés s'élevait à 1,8 %, soit le
double de l'obligation légale d'alors,
permettant aux fonds mutualisés
versés à l'Opca – [ 1 ]Uniformation Opca de l'économie sociale et
solidaire.
en
l'occurrence – de contribuer au plan
des structures de plus petite taille.
Ainsi, en 2012, Uniformation avait
collecté plus de 6 millions d'euros
auprès des Missions locales et
financé 266 105 heures de formation
pour 16 000 stagiaires. Sur les
618 établissements que comptait
alors la branche (dont seulement
une trentaine de plus de 50 salariés)
537 avaient pu ainsi accéder à la
formation.

Sans accord,
une diminution
drastique des crédits


Désormais, il va falloir aux négociateurs
de branche compter avec
une nouvelle donne légale qui réduit
la part mutualisée consacrée
au plan de formation et s'entendre
sur un accord qui ne rabote pas
trop les fonds mutualisés. “Si
l'on s'en tient à la lettre de la loi
et qu'aucun accord de branche ne
vient corriger la collecte mutualisée
au titre du plan, celle-ci
va passer de 2,5 % de la masse
salariale à 1 %…", calcule Jean-
Philippe Revel, de la fédération
nationale des personnels des organismes
sociaux CGT. Il craint les
conséquences d'un retard au sein
d'une branche qui a toujours pris
du temps pour les négocier. “La loi
de 2004 a dû attendre 2007 pour
être déclinée dans la branche.
Celle de 2009 ne l'a même pas
été", rappelle-t-il.

Possibilité
d'“opposition frontale"


En outre, ce taux de 2,5 % devrait
déjà être exceptionnellement
réduit à 2,27 % (soit un produit
de 800 000 euros), et ce pendant
deux ans, afin d'alimenter la
caisse de prévoyance des salariés
de l'insertion en déficit, selon les
termes d'un accord que les partenaires
sociaux devraient signer fin
mai. “Les employeurs pourraient
être tentés de rester sur les dispositions
légales et, donc, de récupérer
1,27 % de leur masse salariale
et avec cela, nous sommes
en opposition frontale !", résume
Jean-Michel Mourouvin, vice-président
de la CPNEF et secrétaire
général du Synami, le syndicat
CFDT des métiers de l'insertion.
Pour l'heure, l'actuel conseil d'administration
de l'UNML, composé
d'élus locaux, s'est engagé à ne
pas tailler dans ces crédits, mais
avec le résultat des récentes municipales,
sa composition pourrait
évoluer dans une proportion de 30
à 40 % des sièges, laissant ses
futures orientations dans l'expectative.

Un Dif spécifique
qui disparaît


Sans compter les particularismes
internes aux établissements
d'insertion, tel celui sur le Dif,
négocié à 21 heures au lieu de
20 (pour s'adapter à des temps de
formation s'élevant en moyenne
à 7 heures par session) et surtout,
doublé pour les salariés ne
disposant que d'un niveau bac et
moins et pouvant donc s'élever, au
bout de six ans, à 252 heures au
lieu des 120 prévues par la loi. Un
dispositif qui disparaît avec l'introduction
du compte personnel de
formation (CPF).

Côté UNML, on veut voir dans la
nouvelle loi un moyen d'orienter
davantage la formation vers la
qualification, et dans la négociation
collective un moyen de
“sécuriser au plan juridique cette
nouvelle garantie accordée aux
salariés", alors que chez les syndicats,
on affûte déjà des arguments
en vue de la future négociation sur
les métiers de la branche éligibles
à ce compte et aux abondements
afférents. “Nous comptons cibler
prioritairement le CPF vers les
plus basses qualifications pour
lesquelles nous tenterons de négocier
des abondements supplémentaires",
prévient Jean-Michel
Mourouvin.

Le conseil en évolution
professionnelle, jugé
“trop dense"


Mais la réforme place aussi les
Missions locales en première ligne
sur le futur conseil en évolution
professionnelle (CEP) qui sera mis
en oeuvre au sein de ces établis
sements. Une mission somme
toute déjà proche des activités
habituelles des conseillers, à en
croire certains élus de l'UNML. Ce
n'est pas l'opinion des syndicats
aux yeux de qui l'accompagnement
de jeunes de moins de 25 ans
vers l'emploi et celui de salariés
disposant déjà d'un parcours professionnel
constituent des compétences
différentes. “Le CEP, tel que
prévu dans son projet de cahier des
charges établi par l'Igas [ 2 ]Inspection générale des affaires
sociales
, s'apparente
presque à un bilan de compétences
!, explique Jean-Philippe
Revel. Son envergure est trop
dense, puisqu'il s'agit moins de
conseiller que d'aménager les parcours
emploi-formation des publics
en fonction de la situation économique
des territoires. J'espère
que le futur décret fera évoluer ce
cahier des charges."

Un titre “conseiller
en insertion
professionnelle"


Le 6 mai, les syndicats des
établissements d'insertion ont
rencontré la DGEFP [ 3 ]Délégation générale à l'emploi
et à la formation professionnelle.
et l'Afpa
pour travailler sur un futur
titre professionnel de niveau III
“conseiller en insertion professionnelle"
pour faire évoluer ce
métier.

“Cela demandera énormément
d'investissements formation :
il y aura plusieurs milliers de
conseillers à faire monter en
compétences. Comment y parvenir
avec des moyens financiers
réduits et dans un temps aussi
court que l'horizon 2015 ?",
s'interroge le représentant cégétiste.
L'UNML, de son côté,
reconnaît que les implications
du futur CPF dépasseront le
simple “toilettage" et devront
ambitionner de “repenser les
moyens consacrés à la formation
des salariés de la branche des
Missions locales".

LES ADHERENTS A L'UNML

 389 Missions locales et PAIO

 21 ARML (associations régionales des Missions locales)

 58 autres organismes d'insertion (Plans locaux pour l'insertion et l'emploi, Maisons de l'emploi, associations d'insertion).

L'UNML

L'Union nationale des Missions locales est une association
fondée en 2003, avec pour double fonction de représenter
le réseau national et d'être le syndicat d'employeurs de la
branche des Missions locales, des Permanences d'accueil,
d'information et d'orientation (PAIO) et d'autres organismes
d'insertion. La mise en place des premières Missions locales
et des PAIO date de 1982.

Notes   [ + ]

1. Uniformation Opca de l'économie sociale et
solidaire.
2. Inspection générale des affaires
sociales
3. Délégation générale à l'emploi
et à la formation professionnelle.