Que vont devenir les contributions conventionnelles dans les branches ?

Par - Le 01 juillet 2014.

Les contributions conventionnelles existent depuis de nombreuses années dans certaines branches
professionnelles. Face aux mutations des obligations de l'entreprise dans le financement
de la formation, ces dernières pourraient bien revêtir un aspect totalement nouveau. Décryptage.

Plus d'obligation fiscale, mais
une obligation de former. Voilà
l'idée introduite par la loi du
5 mars 2014 relative à la formation
professionnelle. La suppression
du 0,9 %, l'introduction d'un financement
direct par l'employeur d'actions
de formation et le renforcement
de leur responsabilité avec l'entretien
professionnel [ 1 ]L'article 2 de la loi du 5 mars 2014 prévoit que
tous les deux ans, le salarié a droit à un entretien
professionnel consacré à ses perspectives d'évolution
professionnelle.
a fait entrer la formation
professionnelle dans un “nouveau
paradigme". Le législateur a souhaité
la faire vivre comme une chance tant
pour les entreprises que pour les salariés.
Pourtant, le risque, c'est de voir
les budgets formation s'amoindrir et le
montant de la collecte des Opca fondre
comme neige au soleil durant les premières
années. Plusieurs leviers sont
pourtant encore prévus dans les textes
pour faire perdurer l'investissement
formation obligatoire.

Ces contributions
“supplémentaires"


Parmi eux, les contributions supplémentaires
mutualisées par les Opca. L'article
L. 6332-1-2 du Code du travail, modifié
par la nouvelle loi, dispose que les
organismes paritaires collecteurs agréés
“peuvent collecter des contributions supplémentaires
ayant pour objet le développement
de la formation
professionnelle continue.
Ces contributions
sont versées soit en application
d'un accord
professionnel national
conclu entre les organisations
représentatives
d'employeurs et
de salariés et mutualisées
dès réception
par l'organisme, soit
sur une base volontaire
par l'entreprise".
Ce qui n'est pas sans
rappeler les pratiques
de certaines branches
depuis plusieurs années.
Beaucoup d'entre
elles avaient déjà
négocié des contributions
conventionnelles.
Une volonté
de garantir un effort
minimal pour toutes
les entreprises et
de construire une
politique spécifique
dans le domaine concerné. C'est dans
l'agriculture, l'assurance, la branche des
organismes de formation, la culture, la
métallurgie, le textile ou encore dans le
commerce alimentaire que l'on retrouve
de telles conventions.

“Exemplarité" dans la branche
des organismes de formation


Les branches sont actuellement en
pleine négociation pour définir la politique
adaptée en matière de formation
professionnelle. Élaboration des listes
éligibles au compte personnel de formation,
mais aussi définition des taux
de contributions conventionnelles, si
elles choisissent de les créer ou de les
maintenir dans leur système.
Dans la branche des organismes de
formation, tout est fait pour montrer
l'exemple. Une contribution conventionnelle
existe déjà, à hauteur de
2,5 % de la masse salariale brute. Et
pas question, pour le président de la
commission sociale de la Fédération
de la formation professionnelle (FFP),
Éric Parquet, de stopper les efforts déjà
engagés. “Nous souhaitons continuer le
développement des compétences en réfléchissant
à des mesures de fléchage, pour
cibler des publics prioritaires, comme les
salariés à temps partiel. La volonté de
la branche de former ses collaborateurs
est grande. Nous nous devons, en tant
qu'acteurs de la formation, de montrer
l'exemple !"

“Témoignage du dialogue
social"


Non content d'affirmer que la branche
fait de réels efforts depuis des années en
investissement formation, Éric Parquet
ne doute pas que les entreprises continueront
de jouer le jeu même après la
suppression du 0,9 : “La branche est
entrée dans une véritable dynamique
positive. Tous les chantiers mis en place
depuis deux ans sont autant de témoignages
d'un dialogue social constructif. Je
pense qu'il y a une maturité de la part
des entreprises qui vont vers une conception
de la formation en tant qu'investissement
économique, social et sociétal,
contribuant ainsi à la compétitivité des
entreprises. Combien de temps cela va
prendre ? On ne le sait pas encore. Mais je
reste persuadé que nous allons dans cette
direction."

Branche des assurances :
un socle qui rassure


Autre exemple dans la branche des
assurances. Une contribution conventionnelle
existe déjà depuis plusieurs
années. Renégociée dans le cadre
d'une GPEC formation en 2012,
elle est fixée à hauteur de 2,2 % de la
masse salariale brute pour les entreprises
du secteur. “C'est un socle qui
rassure et qui est garant de la pérennité
de notre pacte social. Mais en réalité, nos
entreprises investissent déjà beaucoup
plus dans la formation. Nous sommes
à 4,3 % de la masse salariale brute en
moyenne dépensés à ce titre", confie José
Milano, directeur des affaires sociales
de la Fédération française des sociétés
d'assurances.

S'il n'est pas vraiment d'actualité de revoir
à la baisse la contribution conventionnelle,
la FFSA ne la voit pas comme
un élément essentiel de la construction
d'une politique de branche. “Les contributions
conventionnelles sont un élément
supplémentaire. Ce sera bien sûr négocié,
mais ce n'est pas sur ce point que repose le
modèle. L'important, pour nous, c'est de
défendre l'idée d'une reconnaissance de la
compétence de tous les salariés de nos entreprises.
C'est en ce sens que nous avons
mis en place un groupe technique paritaire
qui travaille à l'élaboration du socle
commun éligible au compte personnel de
formation au niveau de la branche."

“Se recréer des obligations ?"

Si certaines branches, déjà habituées
aux contributions négociées, pourraient
faire perdurer ces obligations
conventionnelles, d'aucuns doutent
que l'esprit de la nouvelle loi construise
un terrain propice à l'expansion des
contributions conventionnelles. C'est
en tout cas l'avis de Jean-Michel
Pottier, président de la commission
formation-éducation de la CGPME :
“Il ne faut pas confondre l'intérêt des
branches et celui des opérateurs. Je vois
mal les entreprises se recréer des obligations
là où elles avaient tout fait pour
s'en émanciper. Notre objectif premier,
c'est de conserver un dispositif qui permet
de répondre au plus près aux préoccupations
des entreprises, sans complexifier la
situation. C'est pour cette raison que nous
proposons un système de contribution volontaire
pour les entreprises de 10 à 299
salariés."

Jusqu'à 25 % de la collecte
globale


Les contributions pourraient bien représenter
de vraies bouées de secours
pour les Opca à la peine. À l'Afdas,
organisme collecteur dans les branches
du spectacle et de l'audiovisuel, elles
permettent d'assurer un montant de
collecte qu'il n'est pas question de voir
écarté dans un futur proche. En 2013,
l'organisme collectait 66 millions de
contributions volontaires des entreprises
et 8 millions au titre des contributions
négociées dans les branches.
“Si on redescendait au niveau légal, on
pourrait perdre jusqu'à 25 % de la collecte
globale."

Pourtant, pas de réelle inquiétude sur
l'issue des négociations. “Le conventionnel
est inscrit dans la tradition de nos
branches, excepté dans le domaine de la
presse et de l'édition. Il n'y a, a priori, pas
de raison pour que cela change", explique
Thierry Teboul, directeur général de
l'Afdas.

Le carburant de l'offre
de services des Opca


Du côté d'Opcalia, organisme interbranches,
pas d'inquiétude pour ce qui
est du montant de collecte minimum.
L'organisme collecteur étant bien audessus
des 100 millions prérequis pour
être agréé en tant que tel, l'enjeu est ailleurs.
En effet, il souhaite dorénavant
étendre son offre de services afin de
continuer à capitaliser sur les conventions
volontaires des entreprises.
“Les contributions conventionnelles représentent
aujourd'hui 60 à 70 millions
d'euros, chez Opcalia. Quant aux contributions
volontaires, nous en recueillons
déjà 250 millions chaque année.

L'enjeu, c'est de construire des politiques
de branche cohérentes pour cibler les
priorités en termes de formation. C'est un
sujet majeur avec l'élaboration des listes
éligibles au compte personnel de formation,
explique Yves Hinnekint, directeur
général d'Opcalia. Nous devons
apporter des solutions adaptées selon les
tailles de nos entreprises. Ce qu'il reste à
définir, c'est de savoir jusqu'où le service
administratif de l'Opca peut aller. Nous
réfléchissons à venir en appui des entreprises
pour construire une offre de soustraitance
dans les domaines administratif
et financier."

Proposer des services à
d'autres branches

Une stratégie qui pourrait se révéler
payante pour capitaliser sur des
contributions volontaires. Le directeur
général ne se ferme pas non plus à la
possibilité de proposer cette gamme de
services à des entreprises ne relevant pas
de sa branche. “Je ne vois pas pourquoi
on refuserait de proposer de l'ingénierie
aux entreprises qui nous le réclament sur
la base d'un versement volontaire libre."

Célia Coste

Notes   [ + ]

1. L'article 2 de la loi du 5 mars 2014 prévoit que
tous les deux ans, le salarié a droit à un entretien
professionnel consacré à ses perspectives d'évolution
professionnelle.