3e conférence sociale : annonce d'un “plan apprentissage"

Par - Le 01 août 2014.

L'été est la saison des recrutements en apprentissage, ce dispositif de formation
professionnelle initiale. Or, rien ne sert de créer des places de formation si les employeurs
ne signent pas les contrats d'embauche. Les participants à la troisième édition de la
conférence sociale, les 7 et 8 juillet derniers, ont approuvé le retour de la prime à
l'embauche. Sous conditions.

Le dialogue social est une méthode
qui a fait ses preuves, a insisté
le chef de l'État, à la tribune
de la troisième édition de la
conférence sociale. J'en prends
pour exemple la loi sur la sécurisation de
l'emploi [du 14 juin 2013] et la loi sur
la formation professionnelle [du 5 mars
2014]. La conférence sociale n'a de sens
que si les parties prenantes vont jusqu'au
bout de leurs engagements. Elle ne peut
pas être une perpétuelle surenchère."
Mais c'est dans une ambiance particulièrement
tendue, marquée par l'absence
de trois syndicats – FO, CGT et
FSU – que Manuel Valls a présenté, le
8 juillet, la feuille de route sociale du
gouvernement pour 2014-2015. Elle
prévoit un “effort sans précédent en faveur
des entreprises" de la part de l'État,
avec la promotion de l'apprentissage
comme élément majeur de lutte contre
le chômage des jeunes.

Objectif des 500 000 apprentis
maintenu


Malgré de mauvais chiffres l'année
dernière, avec une baisse de 7 % du
nombre de bénéficiaires, François
Hollande a tenu à réaffirmer l'objectif
des 500 000 apprentis à l'horizon
2017. Pour y parvenir, il a annoncé
pour septembre (voir encadré) une
rencontre avec les partenaires sociaux,
l'État et toutes les parties prenantes
pour dresser un état des lieux, lister
ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne
pas. Le président a notamment
pointé du doigt le déficit d'apprentis
dans les collectivités et les services de
l'État. Dans ces derniers, “seulement
700 jeunes bénéficient de l'apprentissage.
C'est trop peu. On pourrait imaginer de
chiffrer un objectif à 10 000 apprentis".

Nouvelles primes à l'embauche

Mais les embauches en apprentissage
se décident en ce moment. Sans
attendre donc cette “réunion de haut
niveau" de septembre, une enveloppe
de 200 millions d'euros est mobilisée
pour appuyer la promotion de l'alternance,
passant par la mise en place de
primes pour les entreprises d'un montant
de 1 000 euros par apprenti “dans
les secteurs professionnels où un accord de
branche aura été conclu". Une aide qui
ne se substitue pas à l'indemnité compensatrice
forfaitaire encore valable
dans les TPE de moins de dix salariés,
mais qui s'y ajoute.

“Contrats de progrès" exigés

“Ces crédits permettront de dégager des
moyens supplémentaires pour le développement
quantitatif, mais aussi qualitatif
de l'apprentissage. Nous stabiliserons
la répartition de la taxe d'apprentissage
pour conforter le rôle des Régions et
donner plus de marges aux entreprises
et aux branches", a indiqué le Premier
ministre. Pas sans contreparties, tou
tefois, car en échange, les employeurs
devront s'engager “sur de véritables
contrats de progrès : augmentation du
nombre d'apprentis, mais aussi valorisation
et formation des maîtres d'apprentissage,
accompagnement des CFA pour
trouver des employeurs, prévention des
ruptures, mixité des recrutements, embauches
de jeunes issus des zones urbaines
sensibles, etc."

Les Conseils régionaux vont-ils donc
perdre une partie de la fraction régionale
de la taxe au profit des entreprises
? “Cela passera par une contribution
supplémentaire à faire inscrire dans
le projet de loi de finances rectificative
pour 2015. Les parts dédiées au barème
et au quota vont changer", a-t-on expliqué
dans l'entourage du ministre du
Travail François Rebsamen, “mais nous
ne voulons pas casser la dynamique régionale
et nous leur permettrons de disposer
de davantage de moyens au titre du
quota, fixé aujourd'hui à 23 %".

Le secteur public mobilisé

Effort général sur l'apprentissage, donc.
Il mobilisera également 100 millions
d'euros issus des fonds européens sur
deux ans pour financer des actions en
faveur de l'insertion des jeunes et des
apprentis, en matière d'hébergement,
de transport (financement du permis
de conduire) ou d'investissement dans
les équipements nécessaires à leur cursus.
Auxquels s'ajoutera une enveloppe
supplémentaire de 80 millions d'euros
destinés au financement de nouvelles
formations et à l'augmentation des capacités
d'hébergement pour les jeunes
dans le cadre des “investissements
d'avenir". L'Éducation nationale sera
elle aussi mise à contribution, puisque
Manuel Valls s'est engagé
sur le passage de 40 000 à
60 000 apprentis formés par les établissements
publics d'enseignement, tout
en y développant l'accueil de publics
salariés et demandeurs d'emploi.

Autres dispositifs jeunes…
mais aussi seniors


Au terme de cette conférence sociale
consacrée en partie à l'emploi des
jeunes, le Premier ministre a également
annoncé des mesures concernant les
“décrocheurs", à raison d'une enveloppe
de 160 millions d'euros mobilisables
sur deux ans. Des fonds qui seront
consacrés à un accompagnement
spécifique de 65 000 décrocheurs par
les services de Pôle emploi et la mobilisation
du dispositif Civis (contrat
d'insertion dans la vie sociale) renforcé
pour 68 000 autres dans les régions où
le taux de chômage des jeunes dépasse
les 25 %.

À l'autre extrémité de la pyramide des
âges, les seniors (dont le taux de chômage
a augmenté de 10 % pour les
plus de 50 ans) ne sont pas oubliés.
Ainsi, le plan de Pôle emploi en direction
des plus éloignés du travail sera
étendu à 80 000 personnes supplémentaires
(soit 270 000 en tout). Les
seniors se verront également proposer
des contrats d'alternance, en vue de
leur réinsertion rapide dans l'emploi.

“Mettre en mouvement la société par un
dialogue social exigeant" était l'intitulé de
l'une des tables rondes de la conférence
sociale, édition 2014. Dialogue que Manuel
Valls a décrit comme “le principe central
du pacte de responsabilité". Cependant,
à l'heure où, six mois après la signature du
relevé des conclusions de ce pacte, seules
quatre branches professionnelles ont entamé
les négociations relatives aux contreparties
des baisses de charges pour les entreprises,
le Premier ministre a jugé que “la mobilisation
des branches n'était pas à la hauteur".
Il est vrai que de nombreuses branches
attendaient le projet de loi de financement
rectificatif de la Sécurité sociale – et les allègements
de cotisations et d'impôts pour la
période 2015-2017 – pour entamer lesdites
négociations. Désormais, le calendrier est
connu puisque l'Assemblée a voté ce projet
de loi. Une semaine auparavant, c'est le collectif
budgétaire qui était adopté.
Mais le suivi branche par branche de ces
négociations est rendu difficile dans un “écosystème"
qui compte près de 700 branches
professionnelles. “La négociation souffre
d'un excès de branches. Trop de branches,
cela signifie des branches trop petites, avec
une moindre capacité à négocier", a conclu
Manuel Valls, annonçant l'objectif d'une
réduction drastique. “De 700 à 100 dans les
dix ans."

OBJECTIFS CHIFFRÉS

La feuille de route détaille plusieurs
domaines pour agir au niveau structurel
et des mesures à effet immédiat.
Elle donne des objectifs chiffrés de
60 000 apprentis dans les établissements
publics locaux d'enseignements (EPLE),
avec un ciblage en direction des
premiers niveaux de qualification et des
métiers en tension. Elle demande à la
fonction publique d'État d'atteindre les
10 000 contrats et “encourage" les deux
autres fonctions publiques à l'imiter.
Elle demande au Centre national de
développement du sport de doubler les
effectifs des apprentis dans le sport et
l'animation, en passant à 6 600 contrats
et vise de doubler ceux des apprentis
handicapés avec 5 000 contrats.

LA CONCERTATION DE SEPTEMBRE

Au cours de la concertation annoncée pour l'automne, l'État, les partenaires sociaux et les
Régions “définiront les axes d'intervention partagés pour l'emploi des jeunes" en partant
de l'évaluation de l'Ani du 11 juillet 2011. La feuille de route invite les partenaires sociaux
à déterminer la mobilisation des outils paritaires, “le cas échéant dans le cadre de
la négociation d'un Ani". La concertation portera notamment sur : l'accès à la formation
en lien avec les possibilités de mobilisation du compte personnel de formation ;
le renforcement de la formation des emplois d'avenir et l'accompagnement vers l'emploi
durable (Pôle emploi et Missions locales, périodes de mise en situation professionnelle, etc.).

QUALIFICATION DES MAÎTRES
D'APPRENTISSAGE


Par la voix de Pascale Gérard, la
présidente de sa commission formation,
l'Association des Régions de France
(ARF) a plaidé, le 8 juillet, pour une
généralisation des expérimentations
avec l'Éducation nationale en matière
d'apprentissage. “Nous avons également
suggéré à l'État et aux partenaires
sociaux la mise en oeuvre d'un plan
de qualification pour les maîtres
d'apprentissage" pour lutter contre les
ruptures, a-t-elle expliqué. En outre, “si
l'État est prêt à injecter un financement
complémentaire, il faut que cela soit
conditionné à l'embauche d'un apprenti,
ou à des mesures correctives (en faveur
des filles dans la mesure où le dispositif
est pour elles discriminant)"

CONTRAT DE PROFESSIONNALISATION “NOUVELLE CARRIÈRE"

Pour les plus éloignés de l'emploi (chômeurs de longue durée, bénéficiaires du RSA) et
les seniors, l'adaptation du contrat de professionnalisation “nouvelle carrière" sera,
à la rentrée, au programme de travail des partenaires sociaux en vue d'en prévoir
la rémunération, le contenu de la formation, la certification, et la promotion de ces
contrats auprès des entreprises. La “mobilisation collective pour les plus éloignés de
l'emploi" pourra déboucher sur une négociation interprofessionnelle pour déterminer,
notamment : l'accès à la formation en vue d'un recrutement rapide ou d'une reconversion
professionnelle, en particulier des “formes adaptées d'alternance" et l'accompagnement
et la diversification des parcours de retour à l'emploi. Une question devant aussi être
abordée lors de la négociation de la convention d'assurance chômage 2015-2017 entre
l'État, l'Unedic et Pôle emploi au dernier trimestre 2014.