Siemens, une politique de formation à l'allemande

Par - Le 01 août 2014.

Trois mois de bras de fer. Deux géants. Un allemand et un américain. Fin juin, General Electric a été
choisi dans le dossier du rachat d'Alstom. Mais Siemens n'a pas démérité. Si elle a fait monter
les enchères, l'entreprise allemande a également replacé la question de la formation au coeur
du dossier, en proposant dans son offre d'intégrer 1 000 jeunes alternants. Coup de projecteur sur
une politique de formation d'entreprise dynamique.

Chez Siemens, on ne lésine pas sur
les moyens pour former les salariés.
Si, au vu du fonctionnement
par groupe, le directeur emploi et
formation, David-Alexandre Gava,
ne peut donner de chiffres précis quant
au budget consacré par l'entreprise
à cette fin, il affirme toutefois qu'en
France, c'est au moins 4 % de la masse
salariale brute qui y sont consacrés. La
filiale française compte aujourd'hui
plus de 7 000 salariés répartis sur 7 sites
industriels et 10 centres de recherche et
de développement. En 2012, c'est près
de 42 000 heures de formation qui ont
été délivrées pour le seul site de Saint-
Denis.

“Learning campus"

“Nous menons une politique de formation
active en proposant à nos salariés
d'intégrer des modules tantôt techniques,
tantôt plus classiques, comme des cours de
langue ou de management, explique-til.
Nous misons également beaucoup sur
l'informel, qui est un vecteur essentiel de
transmission des compétences au travers
de projets complémentaires et de multiples
occasions d'échanges." Les actions de formation
se déclinent à deux niveaux : en
interne pour certains modules métiers
spécifiques, et au travers de stages dans
des organismes de formation partenaires,
avec lesquels sont conclus des
accords-cadres. Des formations sont
également délivrées à l'échelle internationale.
“Il se peut que nos techniciens se
rendent en Allemagne pour se former à
des fins d'acquisition de compétences spécifiques.
Il retrouve là-bas un « learning
campus » interne très reconnu, où sont
développés des plans de cours stratégiques
construits avec des méthodes classiques
d'ingénierie de la formation."

Le e-learning, ou “chacun
à son rythme"


Un plan de formation stratégique dans
l'entreprise qui permet de construire des
politiques métiers spécifiques afin de
faire évoluer les salariés en interne vers
d'autres qualifications, voire d'autres
métiers. Mais Siemens est également
consciente de sa “responsabilité sociale".
C'est pour cette raison que depuis
plusieurs années, des cours peuvent
être suivis par le biais du e-learning.
Disponibles à tout moment dans un
serveur interne, les vidéos balaient des
thématiques telles que les langues ou
l'informatique. “Nos employés ont la
possibilité de les consulter quand bon leur
semble. C'est très apprécié, car chacun va à
son rythme. De plus, nous n'opérons aucun
contrôle et nous finançons le dispositif en
intégralité pour garantir sa gratuité", précise
David-Alexandre Gava.
Une initiative intéressante, selon le
délégué syndical de Force ouvrière,
Tristan Laulagnier, mais qui ne peut se
substituer entièrement au présentiel :
“C'est un point fort dans l'entreprise, une
bonne base. Mais cela ne suffit pas toujours,
car rien ne remplace dans certains
cas le formateur qui peut répondre aux
questions concrètes et aider l'apprenant à
dépasser ses difficultés."

Mesurer le “retour sur
investissement"


Siemens semble avoir compris depuis
longtemps l'intérêt qu'elle pouvait tirer
de la formation. C'est pour cette raison
qu'elle ne manque pas de mesurer les
impacts de celle-ci sur la productivité
des emplois et sur les possibilités de
croissance qu'elle lui offre. Le retour
sur investissement est évalué chaque
année dans un souci d'efficacité et de
performance. “Notre objectif est de former
toujours mieux tout en maîtrisant les
dépenses, indique le directeur emploi et
formation. Pour ce faire, nous essayons
d'avoir recours à tous les outils possibles
nous permettant d'optimiser la formation.
Les nouvelles technologies sont bien
évidemment mises à contribution."

Un “baromètre de satisfaction"

Satisfaire les intérêts de l'entreprise,
mais aussi les attentes des salariés. C'est
en ce sens qu'a été mis en place un “baromètre
de satisfaction" pour prendre en
compte les retours des stagiaires fraîchement
sortis de leur formation. “Chaque
apprenant reçoit à l'issue de sa formation
une fiche composée de questions types pour
évaluer la formation qu'il vient de suivre.
À partir du moment où la satisfaction n'est
pas bonne, nous sommes alertés et nous
traitons le problème. Le formateur et l'apprenant
sont contactés pour connaître les
tenants et les aboutissants de l'insatisfaction.
Puis nous prenons des mesures pour
corriger le tir et faire en sorte d'améliorer
la qualité des offres de formation que nous
proposons aux salariés."

Un dialogue social valorisé

Une méthode efficace valorisée depuis
quelques années par les syndicats représentatifs
dans l'entreprise. À l'image
de Force ouvrière, qui se félicite d'une
communication exemplaire avec la direction.
“Les discussions sont ouvertes et
constructives et nous avons des moyens de
nous faire entendre. De plus, les budgets
et les perspectives en matière de formation
sont discutés tous les ans et la transparence
est de mise dans l'entreprise", confie
Tristan Laulagnier. S'il ne cache pas que
la direction mise prioritairement sur les
bénéfices qu'elle peut tirer de la formation
de ses salariés, ces derniers ne sont
pas en reste face à des perspectives plus
personnelles. “La politique de formation
va dans le bon sens, elle est constructive.
Siemens a compris que ce n'est pas en laissant
les gens dans un placard qu'on avance.
Si elle privilégie bien sûr les formations en
rapport avec la fonction de la personne, il
n'y a pas de politique de blocage quant aux
départs en congé individuel de formation
ou lorsque le salarié souhaite accomplir des
formations moins stratégiques."

L'apprentissage “à l'allemande"

Non contente de créer une dynamique
positive en faveur de la formation
de ses salariés, Siemens construit
également une politique active en
matière d'apprentissage et d'insertion
des jeunes dans l'emploi. Si bien que
l'alternance s'est même invitée dans le
dossier Alstom avant le choix final de
General Electric.

La société allemande avait en effet
surenchéri son offre en mettant sur la
table la promesse de 1 000 alternants
français en plus. L'entreprise était
même allée jusqu'à leur garantir des
formations dans des sites frontaliers.
Un geste fort dans un contexte social
où l'apprentissage, en particulier, n'a
plus autant la cote qu'auparavant [ 1 ]Le nombre de bénéficiaires a baissé entre 2012 et
2013 de 7 % (source Insee, note de conjoncture avril
2014).
.

En France, Siemens a bien l'intention
de tenir ses promesses et de maintenir
la réputation du groupe allemand.
“Nous formons plus de 5 % d'alternants
sur nos sites. La formation des maîtres
d'apprentissage est très importante. Les
stages sont délivrés dans des organismes
de formation, mais le travail d'ingénierie
est coréalisé par nos équipes en interne",
reprend le directeur formation.
De bonnes intentions qui ne seraient
toutefois pas toujours porteuses dans
la pratique. “Le principe est bon, mais
il manque peut-être un peu de rigueur
dans le suivi. Il faudrait que les tuteurs
s'engagent de manière plus forte dans la
formation et l'encadrement des jeunes apprentis.
Pourtant, ces derniers ne sont pas
toujours directement dirigés par eux, ce qui
est dommage", relève Tristan Laulagnier.

Partage des alternants

Tout est fait pour intégrer au mieux les
jeunes alternants. Journées d'intégration,
groupes sur les réseaux sociaux et de
multiples initiatives sont mises en place
pour préparer l'avenir. Néanmoins, le
taux d'embauche stagne à 20 %. Pour
pallier cette difficulté, Siemens s'est
engagée depuis le mois de mai dans un
dispositif “Portail Engagement jeunes"
qui permet aux entreprises de partager
les jeunes alternants. “Lorsque nous ne
pouvons pas recruter un jeune alternant
que nous avons accueilli auparavant, nous
lui permettons d'intégrer un écosystème
dématérialisé afin de le partager dans un
premier temps en interne, mais aussi avec
nos fournisseurs et nos partenaires. Cela
permet également d'enrichir les rangs de
plus petites structures."

Notes   [ + ]

1. Le nombre de bénéficiaires a baissé entre 2012 et
2013 de 7 % (source Insee, note de conjoncture avril
2014).