Les ressources libres, un enjeu juridique pour les organismes de formation

Par - Le 01 septembre 2014.

Un logiciel libre est-il forcément
gratuit ? Cette question, qui
prend son origine dans le double
sens de l'adjectif anglais free,
aussi bien traduisible par “libre"
que par “gratuit", témoigne à elle
seule des enjeux juridiques qui se
posent. Pour introduire sa demi journée
consacrée à l'impact des
ressources libres sur les organismes
de formation professionnelle
(Paris, 1er juillet dernier), le
Forum français pour la formation
ouverte et à distance (Fffod) avait
convié Vincent Varet, avocat spécialisé
en droit de la propriété
intellectuelle et des nouvelles
technologies.

Des licences libres
pour assurer seul la
maintenance


Détaillant le fonctionnement des
licences “creative commons",
l'expert juridique pouvait montrer
toute la variété des situations
juridiques couvertes par ce droit
d'auteur d'un nouveau genre.
Créées en 2002 avec l'objectif de
proposer une protection adaptée
aux créations numériques, les
creative commons sont issues de
la communauté du logiciel libre.
Là où une licence de logiciel propriétaire
ne fournit à l'acquéreur
que le code objet, exécutable
par la machine, une licence de
logiciel libre ajoute notamment
le code source, celui-là même qui
permet d'assurer la maintenance
du programme et d'y apporter les
améliorations et/ou adaptations
nécessaires. Héritières des premières
licences de logiciel libre,
les creative commons permettent
une flexibilité inédite en organisant
la gestion de la paternité,
des adaptations, du partage et
de l'usage commercial. Évoquant
la question des avantages et des
faiblesses du modèle pour le elearning,
Vincent Varet rappelle
que si ces licences accordent des
libertés, elles n'en imposent pas
moins des contraintes.

Des économies substantielles...

Du côté des premières, pas de
doute que ces licences “facilitent
grandement le partage, l'échange
et la réutilisation des codes".
Ainsi, les ressources sous creative
commons sont libres et gratuites,
y compris en vue d'une
réutilisation commerciale, si la
licence l'y autorise, et peuvent
permettent la rediffusion des
adaptations, une amélioration
constante des ressources pédagogiques.
Conséquence pour le
modèle économique : “Elles permettent
aussi de faire des économies
substantielles en termes
de ressources et de gestion des
autorisations", souligne-t-il.

Cerise sur le gâteau, la possibilité
d'organiser à son gré la combinaison
des différentes autorisations
et protections entraîne une assez
grande souplesse d'utilisation :
“Vous pouvez, par exemple, empêcher
la réappropriation privative
des ressources pédagogiques
et/ou leur adaptation (…), vous
avez aussi la possibilité d'une certaine
garantie de qualité de ressources,
tout en permettant leur
libre circulation, soit par l'amélioration
constante que permet la
logique creative commons, soit en
interdisant leur adaptation."

... mais des contraintes
commerciales


S'agissant des contraintes,
Vincent Varet soulève un point
critique pour les organismes de
formation : certaines licences
excluent des utilisations commerciales,
ce qui signifie que les ressources
ainsi créées “ne pourront
pas être inclues dans des contenus
pédagogiques payants".
Autre inconvénient potentiel,
“l'impossibilité de redistribuer
des adaptations pour certaines
licences, qui peut être un inconvénient
pour certaines logiques
collaboratives". Enfin, la diversité
de combinaison des critères creative
commons entraîne la nécessité
de “vérifier précisément la licence
applicable à chaque oeuvre
ou ressource que vous souhaitez
utiliser".

Droits voisins du droit
d'auteur


On le voit, les licences creative
commons, pour flexibles qu'elles
soient, n'en sont pas moins
contingentes de contraintes,
d'autant que “des droits tiers
peuvent interférer et limiter
l'usage d'une ressource", prévient
Vincent Varet. Par exemple,
le droit à l'image ou à la vie privée
des personnes, les droits
voisins du droit d'auteur qui ne
sont pas forcément détenus par
le donneur de licence ou, encore,
le droit moral de l'auteur.
Dernier exemple, qui achèvera de
convaincre que le monde du logiciel
libre n'est pas un monde de
non-droit : la personne morale qui
distribue un contenu sous licence
creative commons doit d'abord obtenir
du (ou des) créateur(s), personne
physique, une autorisation
au titre du droit d'auteur. CQFD :
incontestablement plus ouvertes
que les licences propriétaires,
les licences creative commons
restent soumises à un risque de
contentieux − qui peut être difficile
à évaluer par l'amateur.