La féminisation du secteur du transport est en route

Par - Le 01 octobre 2014.

Pas facile pour
une femme de prendre – à
un homme – le volant d'un
quinze tonnes, voire parfois
d'un bus. Aujourd'hui,
la formation professionnelle
est appelée à contribuer à la
lutte contre les stéréotypes.
Avec ses relais, l'Opca
Transports et l'organisme
de formation majeur de
la branche, l'AFT.

2014 a été décrétée “Année
de la mixité en milieu professionnel"
et dans ce cadre,
le secteur des transports de
marchandises ou de personnes
fait figure de modèle, notamment
en raison des actions menées dans
le champ de la formation professionnelle.
La première convention pour la mixité
a été signée le 16 juillet par les fédérations
professionnelles, les fondations
d'entreprise et les Opca d'une dizaine
de branches avec la ministre des Droits
des femmes et le secrétaire d'État aux
Transports. Tous les acteurs se sont
engagés à promouvoir la mixité. “Nous
avons été la première branche à signer un
plan sectoriel mixité transport", explique
Patrice Huart, président de l'Opca
Transports.

35 accords dans la branche

L'objectif du gouvernement est de
faire passer la part des métiers considérés
comme mixtes de 12 à 30 % d'ici
2025. Le secteur des transports publics
urbains comptait, par exemple, 18,4 %
de femmes en 2013 contre 14,5 en
2004, pour une moyenne de 20 % dans
l'ensemble du transport de voyageurs.

“Nos effectifs ont progressé de 10 % en
province, soit 6 000 emplois supplémentaires,
indique Claude Faucher, délégué
général de l'Union des transports publics
et ferroviaires (UTP). Il est important
que nos collaborateurs reflètent
le public qu'ils transportent, et nous
sommes très actifs sur cette question. En
trois ans, 35 accords ont été signés dans
des entreprises de la branche, avec parfois
des volets formation, pour permettre, par
exemple, aux femmes en retour de congé
maternité d'avoir le même déroulement
de carrière que leurs collègues masculins."

“Déficit d'image et de notoriété"

Le fret routier ne compte que 10 %
de personnel féminin et seuls 3 % des
conducteurs sont des femmes, tandis
que la marine marchande et la pêche
emploient moins de 6 % de femmes.
“La tendance s'inverse doucement, mais
le secteur souffre encore de la caricature
du routier ou du marin à gros bras
tatoués. Il offre également des perspectives
d'évolution, notamment dans le
transport international, le traitement
du trafic ou des services, comme le
dédouanement, qui restent méconnus",
reprend Patrice Huart.

Le plan sectoriel signé par les acteurs
de la branche et le gouvernement s'articule
autour de neuf articles. Ils prévoient
tout autant des actions d'information
sur les métiers de ces secteurs
au sein des établissements scolaires ou
auprès des chômeurs, que de développer
le tutorat ou favoriser l'insertion
des femmes dans les entreprises par des
programmes de sensibilisation. Un article
est consacré à la formation initiale
et continue.

Information, tutorat

Dans le cadre du service public de
l'orientation, il stipule que les Conseils
régionaux mobilisent les prestations de
conseil en évolution professionnelle,
mais aussi associent les organismes de
formation et les entreprises aux démarches
initiées par les signataires. Les
fédérations professionnelles qui ne sont
pas implantées dans certaines régions
pourront s'appuyer sur les délégations
régionales de l'Opca Transports pour
mener des actions avec les Conseils
régionaux et les Délégations régionales
aux droits des femmes et à l'égalité.

Le rôle de l'Opca Transports...

La formation professionnelle irrigue
la majorité des autres articles. Ainsi
l'Opca Transports jouera un rôle fondamental
dans celui consacré aux engagements
pour la mixité, notamment
en sensibilisant les entreprises sur ces
enjeux, comme au cadre légal sur des
questions de rémunération, de condition
de travail, de formation ou de qualification…

Il mènera également des actions de
sensibilisation sur la mixité auprès des
observatoires prospectifs des métiers et
des qualifications des secteurs concernés,
pour qu'ils mènent des études sur ces
questions. L'Opca jouera également un
rôle de premier ordre dans la diffusion
du tutorat, sollicité pour favoriser l'intégration
de jeunes femmes, avec notamment
la mise en place de la formation
à distance “T-Tutorat". De même, Pôle
emploi s'engage à promouvoir ces métiers
auprès de ses publics et à mettre en
place les actions de formation nécessaires.

... et de l'AFT

Par ailleurs, depuis de nombreuses années
en régions, les acteurs du secteur
se mobilisent sur ces questions dans un
contexte où, en Auvergne, plus d'un
quart des 12 000 salariés du secteur
vont partir en retraite dans les dix ans.
Intervention dans les établissements scolaires,
réalisation de films, de plaquettes,
présence sur des forums, l'AFT − l'Association
pour le développement de la formation
dans les transports − multiplie
les actions depuis 2010 en collaboration
avec les autres acteurs régionaux.
“Nous tentons de faciliter l'accès aux formations
du secteur dans le cadre de reconversions.

Nous sensibilisons tout autant les
centres de formation que les entreprises,
pour qu'elles adaptent leur culture de travail,
mais aussi leurs locaux, en créant
notamment des vestiaires spécifiques à
l'accueil de femmes", explique Séverine
Carrier, déléguée régionale en Auvergne
de l'AFT. Dans ce cadre, l'association,
la Délégation régionale aux droits des
femmes et à l'égalité (DRDFE) et
l'Union européenne ont consacré sur
dix-huit mois 120 000 euros pour accompagner
pendant deux semaines une
cinquantaine d'entreprises dans la mise
en place d'une action de gestion prévisionnelle
des emplois et des carrières.

Permis poids lourd et formation
100 % pris en charge


Comme en Île-de-France, ces actions
sont menées dans le cadre de conventions
signées avec notamment la
DRDFE et la préfecture, souligne
Élisabeth Charrier, la secrétaire générale
de la Fédération nationale des transports
routiers pour l'Île-de-France :

“Dans ce cadre, nous nous engageons à
mener des actions de communication",
tandis que l'Opca Transports et les
centres de formation s'engagent à créer
des modules pour inciter les entreprises
de transports à embaucher des femmes.
“Pôle emploi, de son côté, doit présenter des
candidates et quand elles n'ont pas de formation
ni de permis poids lourd, la Région
et l'Opca Transports prennent à leur
charge 30 % des salaires pendant le cursus
et 50 % des frais pédagogiques, le reste est
financé via le plan de formation ou par ces
deux derniers s'il s'agit d'une entreprise de
moins de dix salariés."

De son côté, “la Région finance jusqu'à
50% des frais d'accompagnement par
un cabinet spécialisé pour adapter leurs
locaux et le management à la mixité",
ajoute Élisabeth Charrier.

Formation pour les conjointes
de chefs d'entreprise


L'objectif est d'attirer des femmes
vers les métiers de la conduite où elles
stagnent à 3 % de l'effectif, quand les
différentes actions ont permis en cinq
ans de passer de 20 à 24 % d'effectifs
féminins dans le secteur du transport
routier, tous métiers confondus.

D'autre part, dans un secteur d'activité
où existent de très nombreuses
entreprises de moins de dix salariés,
l'Opca Transports développe
des cursus pour répondre à des
besoins spécifiques.

“Nous avons créé un parcours de formation
pour les conjointes de chefs
d'entreprise. Dans les petites structures,
la formation est rarement une priorité,
et c'est souvent la femme de ce dernier
qui assume les tâches administratives,
de secrétariat, de comptabilité, de ressources
humaines"..., explique Marion
Panczuk, la responsable de la mission
Mixité à l'Opca Transports.
Il s'agit du cursus “T-professionn'elles",
qui comporte trois modules de quatorze
heures. “En 2012, nous avons formé
24 personnes dans ce cadre, pour un
budget d'un peu moins de 50 000 euros.
En 2013, 100 femmes ont bénéficié de ce
cursus financé sur nos fonds mutualisés et
200 en 2014."

Des conventions avec
les Régions

Parallèlement au plan sectoriel sur la
mixité, “nous poursuivons avec les fédérations
professionnelles la féminisation des
métiers de notre coeur d'activité, en passant
des conventions avec les Délégations
régionales aux droits des femmes et à
l'égalité de Picardie, Rhône-Alpes...",
ajoute Florence Diesler, la directrice du
développement de l'Opca Transports.
Ces dernières sont orientées sur les métiers
de la conduite.
En 2012 en Île-de-France, il s'agissait
d'attirer davantage de femmes vers les
métiers du transport de personnes ou
vers les formations d'ambulancier. En
2013 en Alsace, ce sont les métiers de
la logistique qui étaient mis en avant,
et en 2014 en Île-de-France, l'accent
est mis sur les métiers du déménagement.
“Tous les secteurs et territoires que nous
couvrons sont aujourd'hui engagés dans
des actions de féminisation, c'est aussi
ce qui explique l'intérêt du ministère
des Droits des femmes pour notre secteur
d'activité", conclut Florence Diesler.