Deux décrets pour la mise en oeuvre du compte personnel de formation

Inffo formation n° 864 - 15-31 octobre 2014 - Célia Coste et Cédric Morin

Par - Le 15 octobre 2014.

Le compte personnel
de formation (CPF),
dispositif phare de la
réforme, se prépare à
entrer en vigueur, au
1er janvier 2015.
Une nouvelle étape
vient d'être franchie
avec la parution de
deux décrets.

Le décret relatif aux “modalités
d'alimentation et de mobilisation
du compte personnel
de formation" a été publié le
2 octobre dernier au Journal officiel.
Il prend en compte les différents régimes
applicables en fonction des
heures travaillées.

Le CPF des “salariés en emploi" sera
alimenté à raison de 24 heures de
formation par an à concurrence de
120 heures, puis à raison de 12 heures
par an jusqu'à 150 heures maximum.
Pour les salariés à temps plein, le
nombre d'heures de travail de référence
est de 1 607 heures, sauf accord d'entreprise
ou de branche plus favorable.
Pour les salariés à temps partiel,
le calcul s'effectuera au prorata du
nombre d'heures effectuées ou en référence
à une durée conventionnellement
établie.

Enfin, pour les salariés dont la rémunération
n'est pas liée au nombre d'heures,
le montant de référence pour le calcul
de l'alimentation se fera à partir du
montant du salaire minimum horaire
de croissance multiplié par 2080.

L'employeur soumis à des
obligations d'information


Le décret établit plusieurs obligations
pour les entreprises en matière d'information.
Celles-ci devront envoyer à
leur Opca la durée de travail à temps
plein applicable quand elle est fixée
par un accord, la liste des bénéficiaires
d'un abondement supplémentaire1 à
la suite de l'entretien professionnel se
tenant tous les six ans, et la liste des
salariés à temps partiel bénéficiant, par
accord de branche ou d'entreprise, de
dispositions plus favorables quant au
calcul des heures de référence en vue de
l'abondement du CPF.

Concernant ces derniers, l'entreprise
effectuera le calcul du nombre d'heures
venant abonder le compte personnel de
formation. Un financement spécifique
devra être prévu pour ces heures. Elle
devra parallèlement verser à son Opca
le financement correspondant, équivalent
au nombre d'heures multiplié
par un montant forfaitaire déterminé
par l'accord (pas moins de 13 euros).
L'employeur devra également, avant le
31 janvier, communiquer à ses salariés le
nombre d'heures qu'il leur reste dans le
cadre du droit individuel à la formation.

Précisions sur la mobilisation
du compte par le salarié


Le salarié pourra utiliser ses heures de
CPF dans le cadre d'une formation
avec l'accord préalable de son employeur
si celle-ci se déroule en tout
ou partie pendant le temps de travail.
Il devra le faire au moins soixante jours
avant le début si elle dure moins de six
mois, et au moins cent-vingt jours dans
les autres cas. L'employeur aura trente
jours pour donner sa réponse sur le
calendrier et sur le contenu, faute de
quoi, l'absence de réponse équivaudra
à acceptation.

Pour les formations relevant du socle
de connaissance et de compétence, ou
celles faisant suite à un abondement
supplémentaire décrit plus haut, ou
encore pour un accompagnement à la
VAE, l'accord s'effectuera seulement
sur le calendrier. Le décret précise également
que la non-réponse de l'employeur
vaudra acceptation.

La prise en charge des frais de
formation et de la rémunération
par l'Opca


Les frais pédagogiques et annexes
(transport, repas, hébergement) de
la formation suivie pendant ou hors
temps de travail seront pris en charge
par l'Opca, sur la base du coût réel,
pouvant être plafonné par cet Opca ou
un accord d'entreprise.

La rémunération du salarié en formation
sur son temps de travail sera
assurée par l'Opca, si tant est que son
conseil d'administration l'aura expressément
décidé, ou par l'employeur, si
accord d'entreprise il y a, et dans le cas
où cette dernière conserverait le 0,2 %
affecté au compte à gérer en interne. Le
décret fixe toutefois une limite de 50 %
du montant total de la prise en charge
de l'Opca ou de l'entreprise pour le
financement de la formation.
Pour le financement par le Fonds paritaire
de sécurisation des parcours professionnels
(FPSPP) des frais de formation
du congé individuel de formation
(Cif ) ou des actions de formations pour
les demandeurs d'emploi, il convient
de prendre en compte les modalités de
financement appliquées par les régions
et Pôle emploi pour ces dernières par
les Opacif pour le Cif.

Les modalités d'élaboration des
listes de formations éligibles


Par ailleurs, un autre décret (n° 2014-
1119 du 2 octobre, publié au Journal
officiel du 4), précise les modalités de
constitution et de contrôle des listes éligibles
à ce dispositif, que doivent élaborer
les partenaires sociaux, en plus des
formations au socle de connaissance et
de compétence, et à l'accompagnement
VAE. Si ce texte précise les modes de
constitution et de contrôle de ces listes,
la publication de ces dernières est toujours
attendue, pour préparer l'entrée en
vigueur du CPF au 1er janvier prochain.

Le ministère en charge
du contrôle


C'est au ministre en charge de la
Formation professionnelle qu'incombe
la responsabilité de vérifier les conditions
d'élaboration de ces listes et,
notamment, la compétence des organismes
qui les réalisent.

Cependant, ses services pourront solliciter
l'expertise de la Commission
nationale de la certification professionnelle
(CNCP) quand ils estimeront
cela nécessaire.

Le décret précise que pour les listes établies
par une convention de branche
ou un accord interprofessionnel, le
contrôle s'effectuera dans le cadre de
la procédure d'extension par arrêté des
accords ou conventions conclus par les
partenaires sociaux.

Transmission à la Caisse
des dépôts


Par ailleurs, ce décret stipule également
les modalités de transmission à
la Caisse des dépôts de ces listes, afin
de permettre leur publication sur le
service dématérialisé accessible à l'utilisateur
et sur le site internet de la
CNCP.

Enfin, pour favoriser la mobilité des
chômeurs, chaque Comité paritaire
interprofessionnel régional pour
l'emploi et la formation (Coparef )
pourra inscrire sur ses listes, les formations
retenues comme éligibles pour
les demandeurs d'emploi d'une autre
région.

Note : Tous les six ans, l'employeur dresse avec son
salarié un état des lieux de son parcours et fait
le bilan des formations passées, des acquis de
certification et de la progression salariale ou
professionnelle. Si ce dernier n'a pas bénéficié sur
les six dernières années d'au moins deux de ces
trois éléments, il verra son compte personnel de
formation abondé de 100 heures ou 130 pour les
salariés à temps partiel

QUESTIONS À PAUL DE VAUBLANC, CHARGÉ D'ÉTUDES JURIDIQUES À CENTRE INFFO
“Le feu vert de l'employeur sera requis"

Comment la transmission du droit
individuel à la formation va-t-elle être
gérée par les entreprises, à l'aune des
décrets ?


Le 1er janvier, le Dif disparait. Pour autant,
les heures de Dif perdurent et sont
transférées sur le compte personnel de
formation. Elles obéiront aux règles de
ce même CPF. C'est pourquoi, l'employeur
doit – avant le 31 janvier 2015 – informer
par écrit chaque salarié du nombre total
d'heures acquises et non utilisées au titre
du Dif au 31 décembre 2014.

L'accord préalable de l'employeur
n'est-il pas un frein au droit induit par
l'introduction du CPF ?


Seule la pratique pourra répondre
précisément à cette question. Notons
que l'entreprise qui conserve le 0,2 % CPF
dans le cadre d'un accord d'entreprise doit
dépenser cet argent dans ce but, au risque
de devoir le reverser à l'Opca à l'issue
d'un délai de trois ans. Donc, elle aura tout
intérêt à accéder aux demandes de ses
salariés.

Effectivement, on peut noter que le feu
vert de l'employeur est requis − pour le CPF
pendant le temps de travail −, même lorsque
la demande ne porte que sur le calendrier.
Il n'y a pas de report prévu, comme c'est
le cas pour un congé. Cela s'explique
sans doute par le fait que la loi précise
que, pendant le CPF, la rémunération est
maintenue par l'employeur. Ce dernier
a donc son mot à dire.

Propos recueillis par Célia Coste