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La formation peut-elle être “uberisée" ?

“Uberisation de la formation : tous apprenants, tous formateurs ?", telle était la question soulevée par le Jeudi de l'Afref (Association française de réflexion et d'échange sur la formation) du 27 avril dernier.

Par - Le 02 mai 2017.

“Les matinées de l'Afref ont cette vocation d'être un temps de débat, de dispute, c'est pourquoi nous avons choisi un terme volontairement provocateur", a déclaré en préambule René Bagorski, son président. Pour Paul Santelmann, directeur de la veille emploi et qualifications à l'Afpa, qui intervenait lors de ce Jeudi de l'Afref, la précarisation du marché de la formation est réelle, mais c'est précisément son manque d'attractivité qui le rend difficilement “ubérisable".

La profession se désagrège, observe Paul Santelman : sur les 146 000 formateurs en France, 15 % exercent en libéraux, plus d'un sur trois travaillent à temps partiel. Sept sur dix gagnent moins de 2 000 euros par mois. Le chômage les touche : 17 000 formateurs sont demandeurs d'emploi. Plus de la moitié des 106 000 formateurs non-salariés sont autoentrepreneurs.

Les espaces et processus d'apprentissage se répartissent entre la formation en situation de travail, la formation en entreprise, 21 000 organismes de formation privés, les associations, sans oublier les réseaux d'échange de savoir, les autoformations, les apprentissages informels. Ce marché est trop peu rentable, insiste Paul Santelmann, d'autant que la réappropriation de la formation par les entreprises, d'une part, et l'extension de la formation initiale, de l'autre (quand l'Éducation nationale souhaite que 70 % d'une classe d'âge accède au niveau licence) laissent peu de place aux organismes de formation. C'est pourquoi l'ubérisation de la formation lui semble improbable.

Ces organismes qui s'y essaient...

À l'inverse d'une course en taxi, la formation n'est pas un service standard substituable. Pourtant, des plateformes tentent bien d'“ubériser" la formation.

L'“uberisation" exige une plateforme numérique, une relation immédiate entre un client et un produit ou service, une commission prélevée par la plateforme et un système d'évaluation croisée (client/prestataire). Appliqué à la formation, le concept a des impacts sur le client, qui devient son propre prescripteur et s'approche du paradigme de la “formation tout au long de la vie".

Reste la question des critères de qualité pour juger d'une formation uberisée, et de la mise en équivalence de tous les prestataires. De fait, cherchant des plateformes répondant aux critères énoncés, Frédéric Ducasse, consultant en “digital learning" chez Didro, estime que quelques-unes seulement émergent en France : la première, Kokoroe, accélérée par Microsoft Ventures, cherche à “hacker le savoir". Elle met en relation des particuliers et propose peu de formations à visée professionnelle, mais des cours de langue et d'activités de loisirs (musique, cuisine, danse, sports, etc.). Peu de chances de concurrencer une offre de formations existante, d'autant qu'elle n'offre aucun service aux entreprises.

La société américaine Udemy, qui développe une offre francophone, est plus significative : 22 000 formateurs, plus de 45 000 cours en ligne, plus de 15 millions d'utilisateurs dans le monde. Cours de développement informatique, de marketing, de design, de “business" ou de développement personnel ne permettent cependant que d'obtenir des “nanodegrees", des certifications maison.